Kamala Harris et Donald Trump (Photos: Getty Images)
EXPERT INVITÉ. Les élections américaines auront lieu dans exactement 1 mois. 1 mois! À peine croyable lorsqu’on songe à tous les évènements qui se sont déroulés dernièrement: Abandon de la course à la présidentielle de Joe Biden, arrivée de Kamala Harris, 2 tentatives d’assassinat (selon le terme officiel) sur Donald Trump ou encore première historique pour un ancien président (Donald Trump) déclaré coupable à un procès pénal. Ceci n’est que de maigres exemples de ce qui s’est déroulé ces derniers mois aux États-Unis. Un «soap opera» d’une dizaine d’années concentré sur quelques jours. Impensable il y a peu. Si de nombreux évènements vont alimenter ces 30 prochains jours, il nous semblait important de faire un point de la situation. Synthèse et analyse.
Les faits
Kamala Harris et Donald Trump entrent dans le dernier mois intense d’une course présidentielle américaine historique et imprévisible, les sondages les donnant au coude à coude.
L’élection a connu des rebondissements majeurs, notamment le remplacement soudain du président Joe Biden par Mme Harris en tant que candidate démocrate et le fait que Donald Trump ait survécu à deux tentatives d’assassinat.
Les deux candidats présentent des visions très différentes de l’avenir de l’Amérique : Kamala Harris prône le progrès et l’unité avec le slogan «Nous ne reviendrons pas en arrière», tandis que Donald Trump promet de «rendre à l’Amérique sa grandeur», en se concentrant sur une rhétorique dure concernant l’immigration et la restauration de ce qu’il décrit comme une nation brisée.
La campagne se concentre sur des États clés (swing stats) comme l’Arizona, le Michigan et la Pennsylvanie, où les deux camps se battront pour chaque voix.
La course étant trop serrée pour être annoncée, des inquiétudes subsistent quant à un résultat contesté, ce qui signifie que le résultat final pourrait ne pas être connu avant plusieurs jours, voire plusieurs semaines, si des batailles juridiques se font jour. Où en est-on réellement?
Que disent les sondages aujourd’hui?
Ne soyez pas trop enthousiaste à la réponse de cette question. En effet au niveau national, les 2 candidats sont au coude à coude.
Kamala Harris devance cependant Donald Trump d’une courte tête (1 point) dans les sept États clés (swing stats) susceptibles de décider de l’élection : Michigan, Pennsylvanie, Wisconsin, Nevada, Arizona, Caroline du Nord et Géorgie, selon l’enquête Cook Political Report publiée vendredi. Kamala Harris devance Donald Trump dans cinq de ces États, Trump a une avance de deux points en Géorgie, et ils sont à égalité en Caroline du Nord.
Et en définitive, les dernières élections d’ampleur ont montré que les sondages ont (très) souvent tort…
SUIVANT: Ne pas oublier les «autres» élections!
Ne pas oublier les «autres» élections!
L’attention sera portée sur le vainqueur de la présidentielle, mais les électeurs choisiront également les nouveaux membres du Congrès — où les lois sont adoptées — lorsqu’ils rempliront leur bulletin de vote.
Le Congrès se compose de la Chambre des représentants, où les 435 sièges sont à pourvoir, et du Sénat, où 34 sièges sont en jeu.
Les républicains contrôlent actuellement la Chambre des représentants, qui est à l’origine des plans de dépenses. Les démocrates sont responsables du Sénat, qui vote les nominations importantes au sein du gouvernement.
Ces deux chambres votent les lois et peuvent faire obstacle aux projets de la Maison-Blanche si le parti qui contrôle l’une ou l’autre chambre n’est pas d’accord avec le président.
Selon les sondages, le modèle de YouGov pour le Sénat donne aux républicains des avantages dans 13 sièges sur le bulletin de vote, et ils détiennent 38 sièges qui ne sont pas sur le bulletin de vote, ce qui leur donnerait 51 sièges.
Les démocrates ou les indépendants qui s’associent aux démocrates ont des avantages dans 19 sièges sur le bulletin de vote, et ils détiennent 28 sièges qui ne sont pas sur le bulletin de vote, pour un total de 47. Deux sièges, l’Arizona et l’Ohio sont considérés comme des ballottages.
Concernant la Chambre des Représentants, ce sont les démocrates qui devraient gagner avec des projections qui donnent 220 sièges aux démocrates et 214 sièges aux républicains.
Nous nous retrouverions donc dans une situation avec un/e président/e républicain ou démocrate, une chambre des représentants démocrate et un sénat républicain.
Quelle est l’expérience d’un gouvernement divisé?
Un gouvernement divisé survient lorsqu’un parti politique occupe la présidence tandis que le parti opposé contrôle une ou les deux chambres du Congrès. Ce paysage politique conduit souvent à des conflits exacerbés, ce qui rend les progrès législatifs difficiles.
Des exemples historiques, tels que les enquêtes sur le président James Buchanan sous le contrôle des républicains en 1858 et l’examen minutieux de l’administration d’Ulysses S. Grant après la reprise du contrôle par les démocrates en 1874, illustrent la manière dont ces divisions peuvent faciliter les enquêtes approfondies sur le pouvoir exécutif.
Dans l’histoire récente, les répercussions d’un gouvernement divisé peuvent être observées pendant les présidences de Bill Clinton et de Barack Obama, qui ont tous deux été confrontés à des obstacles importants pour faire avancer leur programme à la suite des élections de mi-mandat qui ont modifié le pouvoir du Congrès.
Comme l’ont noté les analystes politiques, alors que les initiatives législatives peuvent être bloquées, le parti de l’opposition peut mener des enquêtes sur des fautes présumées, ce qui risque de saper la crédibilité de l’administration et d’influencer les élections à venir.
Actuellement, avec un président républicain et une chambre démocrate, il est possible que des enquêtes émergent sur des questions de gouvernance et d’administration, ce qui pourrait avoir un impact à la fois sur le paysage politique et sur les résultats électoraux à l’avenir. Cette dynamique crée un environnement où les freins et contrepoids sont importants, mais aussi où l’efficacité du gouvernement peut être remise en question, ce qui reflète un thème récurrent de l’histoire politique américaine.
Par essence, un gouvernement divisé est une arme à double tranchant : s’il peut assurer un contrôle nécessaire, il risque aussi de freiner le progrès et d’aggraver les clivages politiques.
Bilan de la progression de la croissance
L’économie américaine n’a enregistré qu’une croissance annualisée de 1,4% du PIB sous Donald Trump, contre 3,5% au cours des trois premières années de l’administration Biden.
Toutefois, ces chiffres sont tous deux faussés par la chute exceptionnelle de 2,8% du PIB pendant les fermetures économiques liées à la pandémie en 2020.
Les mises en garde concernant le crédit et le blâme pour les performances économiques vont encore plus loin lorsqu’il s’agit de Kamala Harris.
On peut supposer que son programme de politique économique serait plus proche de celui de Biden que de celui de Trump. Mais en tant que vice-présidente, Kamala Harris n’a probablement pas été directement responsable des nombreuses décisions de politique économique prises sous l’administration de Joe Biden.
Difficile d’en tirer une quelconque conclusion donc.
SUIVANT: C’est la volatilité qui va gagner!
C’est la volatilité qui va gagner!
À l’approche de l’élection présidentielle américaine, le FT rappelle que les investisseurs se tournent de plus en plus vers des stratégies de produits dérivés complexes pour tirer profit de la volatilité anticipée des marchés.
La course restant très incertaine, les marchés d’options prévoient des fluctuations importantes, le S&P 500 devant évoluer en moyenne de 2,8% le lendemain de l’élection.
De nombreux investisseurs parient sur une volatilité accrue, plutôt que d’essayer de prédire un vainqueur spécifique, en raison de la nature serrée de la course entre Donald Trump et Kamala Harris.
Les produits liés à la volatilité, tels que les contrats à terme et les options Vix, ont fait l’objet d’une demande croissante, reflétant les inquiétudes suscitées par les turbulences potentielles du marché.
Malgré cela, les opérateurs ne s’attendent pas à ce que le résultat soit contesté de manière prolongée, et considèrent plutôt l’élection comme un événement typique avec un pic temporaire de volatilité.
Où en est-on au niveau de la progression des indices? Selon les données de LPL Finance, indépendamment de la question de savoir qui sera à la Maison-Blanche en 2025, le S&P 500 a généré un gain moyen de 7% au cours des années d’élection présidentielle depuis l’élection de 1952 (en utilisant le S&P 90 entre 1950 et 1957, date de la création du S&P 500).
C’est loin de la hausse moyenne de près de 17% enregistrée au cours de la troisième année, en 2023 donc.
Un autre élément mérite d’être souligné, car il est un peu flou. Lors d’une année de réélection (doit-on considérer Kamala Harris en réélection du fait qu’elle est la vice-présidente depuis 4 ans?) comme 2024, le gain moyen du S&P 500 grimpe à 12,2%.
Cette tendance est en partie due au fait que le président sortant adopte historiquement des mesures de relance budgétaire et des politiques réglementaires favorables à la croissance afin d’éviter une récession potentielle et d’encourager la croissance de l’emploi.
Tous les présidents qui ont évité la récession deux ans avant leur réélection ont gagné et tous les présidents qui ont connu une récession dans les deux ans précédant leur réélection ont perdu.
Que va-t-il se passer ces prochaines semaines?!
Il est bien évidemment impossible de répondre à cette question tellement les incertitudes sont élevées. Cependant, si on se fie à l’histoire, voici ce que l’on peut dire.
L’histoire nous apprend que les marchés boursiers se replient généralement avant les élections, en raison de l’incertitude et, dans certains cas, de l’anxiété croissante que suscitent les résultats des élections.
On pourrait donc logiquement s’attendre à des prises de profits au fur et à mesure que l’on s’approche de la «date fatidique»…
Une Année très (très) spéciale
Comme si une année électorale classique n’était pas assez volatile et imprévisible pour les investisseurs, le cycle électoral de cette année a connu des développements uniques. Le 13 juillet, Donald Trump a survécu à une tentative d’assassinat à Butler, en Pennsylvanie.
Moins de deux semaines plus tard, Joe Biden a annoncé qu’il ne se représenterait pas, ouvrant ainsi la voie à la candidate Harris. Le 15 septembre, une nouvelle tentative d’assassinat a eu lieu, cette fois sur le terrain de golf de M. Trump en Floride.
Un président en exercice qui ne se représente pas et deux tentatives d’assassinat sur le candidat d’un grand parti la même année, cela peut sembler sans précédent. En réalité, les Américains ont vécu des circonstances similaires en 1968.
En mars de cette année-là, le président démocrate en exercice, Lyndon Johnson, a décidé de ne pas se représenter en raison d’une faible cote de popularité. Aussi incroyable que cela puisse paraître, le candidat démocrate présumé, Robert F. Kennedy, a été assassiné moins de trois mois plus tard.
Qu’est-ce que 1968 peut apporter aux investisseurs pour 2024? Étonnamment, l’indice S&P 500 a pris tout le chaos politique de 1968 à bras-le-corps. L’indice S&P 500 a progressé de 15% entre l’annonce de Johnson et la fin de l’année, qui s’est achevée par l’élection du républicain Richard Nixon.
À la fin de l’année 1968, le S&P 500 avait gagné 7,7% sur l’année et généré un rendement total de 11%, légèrement supérieur à la moyenne de l’indice.
On peut également affirmer que l’économie américaine est mieux positionnée aujourd’hui qu’en 1968. Cette année-là, le produit intérieur brut réel avait augmenté de 4,9%, mais l’inflation s’était accélérée. En 2024, l’inflation ralentit et les investisseurs s’attendent à ce que les baisses de taux d’intérêt stimulent l’économie.
SUIVANT: Qui va gagner l’élection?!
Qui va gagner l’élection?!
La réponse est : Kamala Harris! Ce n’est pas nous qui l’affirmons, mais le… S&P 500!
En effet, selon les données publiées par Bloomberg, depuis 1984, chaque fois (dans 100% des cas) que le S&P500 a généré un rendement positif entre le début du mois d’août et la fin du mois d’octobre lors d’une année d’élection présidentielle, le parti sortant a remporté l’élection. Chaque fois que ce rendement sur 3 mois a été négatif, il a perdu.
Pour l’instant le S&P 500 a progressé de 5,59% (5,87% de retour total). Selon ces statistiques, pour que Donald Trump gagne, il faudrait que l’indice américain perde près de 5% durant ces 3 prochaines semaines…
Synthèse
Ces 30 prochains jours seront certainement les plus passionnants et incertains au niveau politique depuis le début de ce siècle. Tellement d’évènements peuvent et vont se dérouler avant la date du 5 novembre. Nous continuerons bien évidemment à vous tenir informé en fonction de l’évolution de l’actualité en nous focalisant sur l’impact que cela pourrait avoir sur vos portefeuilles. Nous reviendrons bien évidemment sur les réactions de marchés potentielles d’une victoire de l’un ou l’autre des protagonistes à partir du 6 novembre.