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Élisabeth Abbatiello

Se démarquer en affaires

Élisabeth Abbatiello

Expert(e) invité(e)

À votre place, j’aurais vendu!

Élisabeth Abbatiello|Mis à jour à 17h21

À votre place, j’aurais vendu!

(Photo: 123RF)

EXPERTE INVITÉE. «À votre place, j’aurais vendu!» C’est la phrase que plusieurs amis en affaires m’ont dite au cours du printemps 2024.

À la fin de l’année 2023, mes trois frères, ma sœur et moi avons reçu une offre de la part d’un acheteur pour racheter l’ensemble de nos opérations en restauration. Nous n’avons jamais été insensibles aux approches des compétiteurs ou de certains conglomérats pour nous racheter. Cependant, nous savions que ça en prendrait beaucoup pour nous «déloger», car la restauration c’est ce qu’on sait faire, on a du plaisir à le faire et nous sommes beaucoup trop jeunes pour ne rien faire pour le reste de notre vie. De plus, nous avons un attachement émotionnel très fort à l’entreprise familiale, étant la troisième génération qui a pris racine ici, au Québec.


Un réel enjeu

L’offre que nous avons reçue en novembre 2023 était incroyable pour nous. Cependant, nous étions peu intéressés. L’acheteur est revenu à la charge quelques mois plus tard en bonifiant son offre. Nous étions sous le choc et surtout très fiers de l’équipe à nos côtés qui nous avait permis au cours des dernières années de propulser l’entreprise.

L’offre désormais sur la table était près de 100 fois plus élevée que le prix payé 5 ans plus tôt, lorsque nous avons acheté la compagnie de nos parents en 2018. C’était clair, on avait un réel enjeu au sein de la famille: vendre ou conserver notre entreprise familiale.

 

Processus de décision

Pour mon père, dès que ses cinq enfants ont racheté conjointement son entreprise, c’était clair et précis: partir sur une base fiscale et organisationnelle solide pour ne plus jamais en parler. On a donc ressorti du fond des catacombes notre convention d’actionnaires. En 5 ans, jamais on n’avait dû s’y référer, car toutes les décisions avaient été prises en parfaite harmonie, jusqu’à maintenant. C’était écrit noir sur blanc dans notre convention: le seul moment où l’ensemble du groupe doit prendre une décision de manière unanime est uniquement si nous voulions devenir une entreprise publique un jour. Pour la vente de l’entreprise, rien de spécial, c’est la majorité qui l’emporte.

Toutes les décisions que nous prenons, tous les cinq ensemble, sont prises en fonction de ce qui est le mieux pour l’entreprise. L’égo n’a jamais sa place, c’est le bénéfice de l’entreprise et notre vision à long terme qui priment sur absolument tout le reste et nous sommes tous à l’aise avec cette ligne de pensée. Je pense d’ailleurs que c’est ce qui fait que l’harmonie est si présente dans nos relations professionnelle et personnelle.

Au printemps 2024, c’était donc la première fois que nous étions mitigés quant à la décision à prendre et ce, pour plusieurs raisons. «Qu’est-ce que nous allons faire ensuite? On ne peut pas ne rien faire? On reste les cinq ensemble dans un nouveau projet? Va falloir refaire des heures de fou dans une nouvelle entreprise? On n’aura plus d’équipe? Pourquoi on ne déménage pas tous en Floride, c’est le temps?».


Le point décisif

Le point décisif pour nous a été de tourner la situation de bord. Pourquoi? Pourquoi on vendrait? Personne ne manque de rien, on a développé une belle expertise dans ce que l’on fait, on a du plaisir sincère à travailler chaque jour de notre vie et le fait de conserver l’entreprise nous permettra d’aller encore plus vite vers notre vision de ce que l’on veut accomplir. Qu’est-ce qui nous motive chaque jour? C’est d’accomplir quelque chose de plus grand que chacun d’entre nous, avec une équipe extraordinaire.


Pour conclure, je ne sais pas si une offre aussi agressive va se représenter de sitôt. Est-ce que ça m’importe? Peut-être un peu. Est-ce que j’ai bien dormi la nuit où nous avons refusé la deuxième offre? Absolument pas! Est-ce que j’ai confiance que c’était la bonne décision à prendre? Aucune idée, l’avenir nous le dira, mais je vis très bien avec ça (j’étais d’ailleurs dans le camp de «on refuse l’offre et continuons à tout exploser»).

Cette décision aura marqué néanmoins une avancée pour notre famille et nos activités. Plutôt que de vendre notre entreprise familiale, nous avons décidé de créer une holding familiale dans le but d’élargir nos activités et d’aider d’autres entrepreneurs à se développer en franchises dans le domaine de la restauration.

De plus, la proposition financière que nous avons reçue était très attrayante et nous a permis de réaliser la valeur de notre entreprise, grand levier de financement pour continuer notre agressivité dans notre industrie. En créant la holding familiale, nous avons l’opportunité de continuer à travailler ensemble en tant que famille et avec nos équipes, tout en développant de nouvelles opportunités d’affaires. Le meilleur des deux mondes, non?