(Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. Vous n’êtes pas sans savoir que l’économie évolue en fonction de cycles. Alors que la majeure partie des analystes s’attendaient à ce que les États-Unis entrent en récession en 2023, il n’en a rien été, la croissance de la 1re économie mondiale dépassant allégrement les 3%. Pourtant, tout dernièrement, plusieurs signaux de fatigue ont commencé à émerger. Que faut-il en penser, qu’elles sont les opportunités et les secteurs à risques? Synthèse et analyse.
Les faits
Les dépenses de détail aux États-Unis ont augmenté de 0,1% en mai, mais le volume des ventes a chuté de 1,3% en glissement annuel au cours des trois derniers mois, selon les données du recensement américain. Cela s’ajoute à la baisse de 4% des ventes au détail au cours du premier trimestre.
Les consommateurs commencent enfin à réduire leurs dépenses, ce qui pourrait peser sur l’économie après une longue période de forte consommation qui a soutenu la croissance économique au cours des dernières années.
Selon une récente enquête de McKinsey, l’augmentation du coût de la vie et l’atonie de l’activité d’embauche sont les principales raisons pour lesquelles le moral des consommateurs s’est dégradé. Parmi les personnes interrogées par le cabinet de conseil, 55% ont déclaré être «pessimistes» ou avoir des sentiments mitigés à l’égard de l’économie au cours du deuxième trimestre.
76% des consommateurs ont déclaré avoir procédé à un «échange» au cours du premier trimestre, par exemple en recherchant des prix moins élevés ou en optant pour une marque moins chère, selon l’enquête de McKinsey.
La croissance économique américaine étant nettement dépendante de la consommation, y a-t-il un risque?
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Quelles sont les dernières informations des entreprises?
Lorsqu’il s’agit de déterminer une tendance économique, il y a les statistiques et les messages des entreprises. Ces dernières sont souvent les meilleures pour prédire une tendance à moyen terme.
Ces derniers jours ont été marqués par plusieurs avertissements, dont :
General Mills : La multinationale de l’agroalimentaire a dû faire face à des difficultés liées à des perspectives de ventes moroses. Cette baisse est principalement attribuée aux pressions financières exercées sur les consommateurs, qui ont eu un impact sur leur comportement d’achat. Les ventes de céréales de l’entreprise ont été particulièrement touchées. Des marques comme Cheerios, qui sont des options populaires pour le petit-déjeuner, ont connu une baisse de la demande. Les contraintes financières des consommateurs ont entraîné une baisse des ventes dans cette catégorie.
Walgreen : la chaîne de pharmacies a récemment revu à la baisse ses prévisions de bénéfices pour l’ensemble de l’année en raison d’un environnement de consommation moins favorable que prévu. En voici les points essentiels. Walgreens a révisé sa fourchette de prévisions pour le bénéfice ajusté de l’année entière, qui passe de 3,20 à 3,35 dollars par action à 2,80 à 2,95 dollars par action. La société prévoit de fermer beaucoup plus de magasins dans le cadre de ses efforts de redressement. Toutefois, le nombre exact de fermetures de magasins visées n’a pas été précisé. Enfin, l’entreprise a dû faire face à des problèmes de rentabilité, en particulier dans son activité principale de pharmacie aux États-Unis. Les investisseurs attendaient des actions plus décisives, telles que la vente de sa chaîne Boots ou un accord avec le fournisseur de soins primaires VillageMD. La baisse de la consommation américaine a de nouveau été pointée du doigt. «Nous pensions qu’au second semestre, les consommateurs seraient un peu plus forts, mais ce n’est pas le cas», a déclaré Tim Wentworth, PDG de Walgreens, à la chaîne CNBC.
Avant cela, Chris Kempczinski, PDG de McDonald’s à déclarer «Il est clair que les pressions sur les consommateurs persistent dans le monde entier» (…) «Les consommateurs continuent de faire preuve de plus de discernement pour chaque dollar qu’ils dépensent, car ils sont confrontés à des prix élevés dans leurs dépenses quotidiennes.» Ceci s’est traduit par une croissance des ventes à magasins comparables légèrement inférieure aux attentes lors de la publication des résultats du 1er trimestre. Le fabricant du ruban adhésif 3M quant à lui a également déclaré aux analystes lors de la publication des derniers résultats qu’il voyait «un ralentissement continu des dépenses discrétionnaires des consommateurs». Bien que les bénéfices et le chiffre d’affaires de 3M aient dépassé les attentes au premier trimestre, la direction a déclaré qu’elle s’attendait à ce que les dépenses de consommation soient «modérées» cette année. Un dernier exemple? Le 26 avril, Chris Peterson, PDG de Newell Brands, s’est joint au chœur des dirigeants qui considèrent l’inflation comme la principale force qui pèse sur leurs entreprises. Bien que le groupe ait dépassé les prévisions des analystes pour les trois premiers mois de l’année, la société a publié des prévisions peu encourageantes pour les bénéfices du trimestre en cours et a déclaré que le chiffre d’affaires devrait diminuer.
3 planètes alignées
Contrairement à ce que l’on a connu ces 2 dernières années, les principaux moteurs de la remarquable résistance du consommateur américain s’essoufflent en même temps, ce qui donne à penser que le récent recul de la demande des ménages pourrait être plus qu’un simple phénomène ponctuel :
- Les revenus disponibles réels n’ont augmenté que modestement au cours de l’année écoulée
Le taux d’épargne est actuellement à son plus bas niveau depuis 16 mois, les ménages ayant pour la plupart épuisé les liquidités supplémentaires qu’ils avaient mises de côté pendant la pandémie.
De nombreux Américains ont de plus en plus recours aux cartes de crédit et à d’autres sources de financement pour financer leurs dépenses.
Ces facteurs expliquent pourquoi les dépenses réelles — qui excluent l’impact de l’inflation — ont baissé dernièrement, les consommateurs dépensant moins pour les voitures, les restaurants et les activités de loisirs.
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Une première tranche de la population touchée
Ce qu’il est intéressant de noter aujourd’hui, c’est que ce n’est pas toute la tranche de la population américaine qui est touchée. C’est plutôt les consommateurs à faible revenu comme l’a relevé la direction de Coca-Cola.
Rappelons ici que si les salaires des travailleurs ont continué d’augmenter, il en va de même pour les prix payés par le consommateur type, qui se voit amputé du revenu supplémentaire que lui procurent ces salaires plus élevés.
Certes, le taux d’inflation a baissé de manière significative. Cependant, l’indice des prix à la consommation — un large panier de biens et de services — a augmenté à un rythme annuel soutenu. Les finances des consommateurs, en particulier celles des ménages à revenus faibles ou moyens, sont également moins bonnes que l’année dernière. Le taux d’impayés sur les cartes de crédit a atteint son plus haut niveau depuis 13 ans, selon les données de la Réserve fédérale.
Avec un ralentissement du marché de l’emploi constaté dernièrement, des entreprises comme Best Buy Co. ont remarqué un changement au cours des derniers mois, les consommateurs à faible revenu se tournant vers des marques moins chères
Un pouvoir d’adaptation nécessaire
Face à cette baisse récente de la consommation américaine par les employés à faible revenu, certaines entreprises se sont déjà adaptées.
McDonald’s par exemple a annoncé un menu à 5 dollars après avoir fait état d’un ralentissement de la croissance de la fréquentation de ses restaurants.
Alors que de nombreux consommateurs, lassés par l’inflation, reculent devant la hausse des prix des menus dans les chaînes de restauration rapide, McDonald’s propose des offres estivales sur des repas moins chers. «Nous avons entendu nos fans haut et fort», a déclaré Joe Erlinger, président de McDonald’s USA, dans un communiqué. «Ils attendent de nous encore plus de valeur ajoutée, et c’est exactement ce qu’ils obtiendront cet été.
Un sondage réalisé en janvier par la société de conseil Revenue Management Solutions a révélé qu’environ 25% des personnes gagnant moins de 50 000 dollars réduisaient leur consommation de fast-food, en raison du coût.
Une récente enquête de LendingTree a révélé que 78% des consommateurs considèrent désormais la restauration rapide comme un produit de luxe qui devient cher.
Deux des principaux concurrents de McDonald’s, Wendy’s et Burger King, ont également lancé des repas à prix réduit dans l’espoir d’augmenter la fréquentation des restaurants.
Selon l’enquête de McKinsey, 37% des consommateurs ont déclaré avoir l’intention de réduire leurs dépenses pour les repas à emporter, et 35% ont déclaré avoir l’intention de dépenser moins dans les restaurants avec service à table, tandis que 32% ont déclaré qu’elles dépenseraient moins d’argent pour l’alcool.
D’autres entreprises, et non des moindres, sont en train de s’adapter à ce “nouvel” environnement. Amazon par exemple prévoirait de lancer une nouvelle section présentant des articles bon marché, sans marque, expédiée de Chine.
Il s’agit de la “réponse la plus agressive à ce jour” d’Amazon aux sites de bonnes affaires populaires tels que Temu et Shein. Ces deux applications auraient suscité un débat interne au sein du géant du commerce électronique sur la manière de concurrencer leurs prix bas et leurs modèles d’expédition directe. Amazon prévoit d’intégrer les vendeurs chinois cet été, avec des délais d’expédition de 9 à 11 jours.
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Un été qui s’annonce compliqué
Les restrictions de voyage liées à l’affaire Covid n’étant plus qu’un lointain souvenir, les voyageurs sont prêts à se rendre en masse sur les plages cet été — du moins s’ils peuvent encore se le permettre.
Les achats quotidiens tels que la nourriture, l’essence et les services publics étant devenus beaucoup plus chers au cours des deux dernières années, de nombreuses familles sont obligées de reconsidérer leurs projets de vacances, voire de les abandonner complètement.
Selon l’enquête 2024 de Deloitte sur les voyages d’été (2024 summer travel survey | Deloitte Insights), l’argent et les prix élevés sont de loin les principaux obstacles auxquels se heurtent les Américains désireux de voyager cet été.
Selon l’enquête, 42% des Américains ne prévoient pas de voyager cet été, c’est-à-dire entre le Memorial Day et la fin du mois de septembre, contre 37% l’année dernière.
Parmi ceux qui ne prévoient pas de voyager, 39% déclarent qu’ils n’en ont tout simplement pas les moyens, 32% que les voyages sont trop chers en ce moment et 19% qu’ils préfèrent dépenser leur argent pour autre chose.
Si l’argent est une préoccupation majeure cette année, la santé ne l’est plus. Seuls 7% de ceux qui prévoient de rester sur place déclarent que les risques pour la santé font partie des raisons qui motivent leur décision, contre 43% en 2021 et 33% en 2022.
L’argent étant un facteur important dans les projets de voyage des gens cette année, il n’est pas surprenant que moins de personnes issues de ménages à faibles revenus partent en vacances cet été.
Selon Deloitte, les personnes issues de ménages dont le revenu est inférieur ou égal à 50 000 dollars représentent 19% des voyageurs cet été, contre 31% l’année dernière.
Dans le même temps, la part des voyageurs dont le revenu du ménage est égal ou supérieur à 100 000 dollars est passée de 35 à 44%, ce qui se traduit par des budgets de vacances plus élevés pour le voyageur moyen.
Qui «craque» d’habitude en premier?
Il est intéressant de noter que les habitudes du consommateur américain à l’aube d’une décélération économique sont souvent pareilles.
La confiance des consommateurs décélère : tout d’abord, l’indice de confiance des consommateurs décélère. Récemment par exemple le Conference Board (CB) a montré une baisse, atteignant 100,4 en juin 2024, contre 101,3 en mai. Bien que les Américains se sentent plus confiants quant à la situation actuelle, leurs perspectives à court terme sont plus pessimistes.
La réduction des dépenses : Ensuite, avant (ou durant) une baisse de la croissance, les consommateurs ont tendance à réduire leurs dépenses discrétionnaires. Ils cherchent à économiser davantage et à limiter leurs achats non essentiels.
Les préoccupations pour l’avenir : On constate aussi historiquement que les consommateurs peuvent s’inquiéter de la stabilité de l’emploi, de la sécurité financière et de la volatilité des marchés. Leur indice des attentes, basé sur les perspectives à court terme, a récemment chuté, ce qui pourrait indiquer une baisse de la croissance.
Un changement de comportement d’achat : Pendant une baisse de la croissance, les consommateurs privilégient souvent les produits essentiels, recherchent des offres spéciales et sont plus sensibles aux prix.
En bref, les réactions des consommateurs américains avant une baisse de la croissance sont variées, mais elles reflètent souvent une prudence accrue et une réévaluation de leurs habitudes d’achat.
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Quel type de consommateur craque en premier?!
Avant un ralentissement économique, historiquement, on constate que certains types de consommateurs sont plus sensibles. Voici quelques caractéristiques :
- La sensibilité au prix : Ce type de consommateur est attentif aux prix et cherche à économiser. Il réduit ses dépenses discrétionnaires et privilégie les produits essentiels.
- Un excès de prudence : Ce consommateur anticipe les difficultés économiques et adopte une approche plus prudente. Il peut réduire ses investissements et augmenter ses liquidités.
- Une sensibilité à la Confiance : L’indice de confiance des consommateurs est un indicateur clé. Si cet indice diminue, certains consommateurs peuvent réagir en réduisant leurs dépenses.
- À la vue des messages délivrés par certaines entreprises américaines, il semble que ce soit le consommateur à bas revenu qui annonce les prémisses d’une baisse de la consommation.
Que fait-il en termes d’investissement? En période de ralentissement économique, il existe plusieurs secteurs qui historiquement tentent à surperformer et notamment :
Actions de Secteurs défensifs : Les actions de secteurs défensifs, tels que les produits de consommation courante, les services publics et les soins de santé, sont souvent plus stables pendant les périodes économiques difficiles. Les entreprises de ces secteurs fournissent des produits et services essentiels, ce qui les rend moins sensibles aux fluctuations économiques.
- Actions à Dividendes : Les grandes entreprises qui versent des dividendes peuvent également être intéressantes. Ces actions offrent un flux de revenus régulier, ce qui peut aider à atténuer les pertes potentielles.
- Obligations du Gouvernement : Les obligations du gouvernement (comme les bons du Trésor) sont considérées comme des investissements plus sûrs pendant les périodes de ralentissement économique.
- Or : L’or est souvent considéré comme une valeur refuge en période d’incertitude économique. Il peut servir de couverture contre la volatilité des marchés.
- Liquidités : Conserver une partie de votre portefeuille en liquidités (argent disponible immédiatement) peut vous permettre de saisir des opportunités d’achat lorsque les marchés sont bas.
Est-ce différent cette fois?
Parier aujourd’hui sur une entrée en récession des États-Unis serait une grave erreur.
Cependant une décélération de sa croissance serait somme tout logique après 2 années d’euphorie liées, entre autres, à la sortie du Covid.
Cependant, contrairement aux précédentes décélérations économiques, un positionnement exclusivement défensif serait (aussi) une grave erreur.
Une approche “barbell +” (sur laquelle nous reviendrons dans un nouveau Morning & Synthèse) commence de plus en plus à se dessiner avec d’un côté des blue chips technologiques et d’un autre des secteurs défensifs.
À confirmer prochainement bien évidemment.
Synthèse
On constate de plus en plus un affaiblissement du consommateur américain, surtout actuellement des bas revenus. Si la tendance devait se transmettre à d’autres couches de la population américaine, cela pourrait nettement impacter la croissance de la première puissance économique mondiale et nécessiterait une plus importante diversification de votre portefeuille. Nous surveillerons en particulier l’emploi américain qui est crucial lorsqu’il s’agit de consommation et le patrimoine net des ménages américains qui et aujourd’hui nettement supérieur au revenu disponible.