Le mercredi 18 septembre dernier, Jerome Powell a annoncé que la Fed baissait ses taux de 50 points de base et qu’un cycle était entamé, ce qui laisse bien évidemment entendre que d’autres baisses suivront ces prochains trimestres. (Photo: Getty Images)
La réserve fédérale comme vous le savez a entamé la semaine dernière son cycle de baisse de taux en annonçant un jumbo cut (entendez une baisse des taux de 50 points de base). Cette annonce a eu plusieurs effets sur les marchés financiers avec notamment de nouveaux records pour le Dow Jones et le S&P 500. Cependant on parle très peu des effets que cela va avoir sur les pays émergents. Attelons-nous à cette tâche. Synthèse, analyse et opportunités.
Les faits
Le mercredi 18 septembre dernier, Jerome Powell a annoncé que la Fed baissait ses taux de 50 points de base et qu’un cycle était entamé, ce qui laisse bien évidemment entendre que d’autres baisses suivront ces prochains trimestres. Le premier réflexe des analystes a été d’essayer de prévoir l’évolution des taux
obligataires, des actions ou encore du dollar.
Pourtant, une baisse des taux de la première économie mondiale a bien d’autres conséquences (plus importantes?) sur de nombreuses classes d’actifs ou encore régions du monde. Parmi ces dernières on peut évoquer les pays émergents dont (presque) plus personne ne voulait entendre parler et pourtant une baisse des taux pourrait offrir une marge de manœuvre aux banques centrales des marchés
émergents, leur permettant de soutenir la croissance domestique…
Quel est le mécanisme qui explique un transfert vers les pays émergents?
La baisse des taux américains affaiblit généralement le dollar, ce qui permet aux pays émergents de gérer plus facilement les remboursements de leur dette libellée en dollars, tout en incitant les investisseurs à se tourner vers les actifs à haut rendement des pays émergents.
Cela pourrait stimuler les monnaies des pays émergents et accroître les flux d’investissement sur leurs marchés obligataires. Les banques centrales de pays comme l’Afrique du Sud et l’Indonésie ont déjà emboîté le pas en réduisant leurs propres taux, ce qui pourrait conduire à un nouvel allégement économique et à une amélioration des performances du marché dans ces régions.
Historiquement, les actions et les obligations des pays émergents ont bénéficié des cycles d’assouplissement de la Fed, en particulier lorsque l’économie américaine évitait la récession.
Le changement de la politique monétaire américaine a également conduit à une réévaluation des risques dans les économies des pays émergents qui dépendent fortement du commerce transfrontalier, qui pourraient être vulnérables si le dollar américain se renforce ou si les politiques commerciales changent, en particulier dans le contexte des prochaines élections américaines.
Les experts estiment que la dette des pays émergents pourrait surperformer dans les mois à venir, car la Fed continue d’assouplir sa politique et les banques centrales des pays émergents disposent d’une plus grande marge de manœuvre pour abaisser leurs taux en fonction de la situation locale.
Néanmoins, les investisseurs restent prudents en raison des risques politiques (voir plus
bas) et fiscaux persistants dans plusieurs marchés émergents.
Comment se comportent historiquement les actifs des pays émergents?
Historiquement, les actions des marchés émergents se sont bien comportées pendant les cycles d’assouplissement de la Réserve fédérale américaine, en particulier lorsqu’ils n’étaient pas suivis d’une récession.
Les investisseurs suivent de près les conditions actuelles, dans l’espoir qu’un atterrissage en douceur puisse donner un élan similaire aux actions des marchés émergents.
Selon les données de Julius Baer, les actions des pays émergents ont surpassé de 27% les actions des marchés développés dans les scénarios précédents d’atterrissage en douceur (soft landing).
Les investisseurs devraient attendre davantage de preuves d’un atterrissage en douceur, une diminution des risques liés aux élections et un affaiblissement du dollar américain.
En attendant, les obligations des pays émergents constituent une option d’investissement plus attrayante, car elles ont fourni des rendements solides dans diverses conditions économiques au cours des cycles d’assouplissement de la Fed précédents.
En tant que telles, les obligations pourraient constituer un meilleur point d’entrée dans la mesure où la croissance américaine reste incertaine. Une fois que des signes plus clairs apparaîtront, les actions des pays émergents pourraient constituer une meilleure opportunité d’investissement.
La question politique avant tout
Alors que les spécialistes des pays émergents s’attendent à une surperformance des obligations locales, la récente volatilité a incité les investisseurs à la prudence.
Dans l’ensemble, si les valorisations des pays émergents sont attrayantes, des facteurs imprévus, comme l’instabilité politique, ont tempéré l’enthousiasme des investisseurs.
Il faut donc être sélectif dans les investissements dans les pays émergents, en particulier en raison des incertitudes entourant l’élection américaine et de son effet potentiel sur le commerce et la force des devises.
Rappelons qu’on estime qu’environ 80% des prêts transfrontaliers aux économies de marché émergentes sont libellés en dollars américains.
Qu’en dit le FMI?
Intéressant de noter que le fonds monétaire international (FMI) vient de publier une analyse sur l’impact de la baisse des taux sur les pays émergents.
Selon l’institution, les flux de capitaux vers les marchés émergents et les économies en développement ont connu des cycles de hausse et de baisse au cours des dernières décennies, souvent influencés par les politiques monétaires des grandes économies avancées.
Récemment, malgré un resserrement monétaire mondial, ces flux sont restés relativement stables grâce à des politiques économiques solides et à des réserves internationales saines.
Cependant, les pays les plus vulnérables ont été durement touchés par l’augmentation des coûts d’emprunt, comme en témoigne la forte baisse des émissions d’Eurobonds (obligations internationales en devises étrangères).
Ces Eurobonds permettent aux pays émergents de contourner les limites de leurs marchés financiers nationaux, mais exposent les emprunteurs aux risques de change et à des taux d’intérêt plus élevés.
Entre 2022 et 2023, les émissions nettes d’Eurobonds ont chuté de 70%, affectant particulièrement 26 pays, dont la Bolivie et la Mongolie. Les conditions financières externes plus strictes et les vulnérabilités internes ont poussé certains pays à réduire les investissements, ce qui a freiné leur croissance économique.
En 2024, l’assouplissement des politiques monétaires des grandes économies a permis une reprise des émissions d’Eurobonds, notamment pour des pays comme le Bénin et la Côte d’Ivoire.
Cela pourrait annoncer un rebond plus large des flux de capitaux vers les économies émergentes.
Comment investir dans cet environnement
La question est bien évidemment de savoir comment investir dans cet environnement. Il y a deux éléments à surveiller de très près. Tout d’abord la devise dans laquelle on investit.
En effet, investir dans la monnaie locale sur les marchés émergents présente des avantages considérables. Premièrement, il y a un fort potentiel d’appréciation de la monnaie, ce qui peut booster vos rendements si la monnaie locale se renforce face au dollar ou à l’euro. Cela permet également de diversifier le risque de change, un atout essentiel en période de fluctuations monétaires. Ensuite, les marchés émergents offrent souvent des opportunités de rendement plus élevées, notamment dans des secteurs sous-exploités et en croissance rapide.
L’inflation est un autre aspect à considérer: investir en monnaie locale permet d’atténuer l’effet des hausses de prix, car les actifs sont évalués localement. De plus, les économies émergentes qui affichent une solide croissance et une démographie jeune voient souvent leur monnaie s’apprécier, ce qui offre un autre levier de profit.
Ensuite, comme nous l’avons noté précédemment, il est important de considérer la question politique. En effet, des modifications de gouvernance ou encore politique fiscale dans un pays émergent peuvent avoir des implications importantes sur l’évolution des obligations souveraines et/ou de l’indice de tel ou tel pays.
Enfin, il est crucial de ne pas ignorer les risques inhérents à ces marchés, tels que la volatilité et les tensions géopolitiques.
Synthèse
Est-ce enfin l’heure pour les pays émergents? La réponse pourrait bien être… oui, mais! En effet, si la baisse des taux d’intérêt américains (et potentiellement du dollar) devait apporter une bouée d’oxygène à de nombreux pays, il convient de surveiller la devise dans laquelle vous investissez ainsi que la situation politique du pays. À surveiller.