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CELIAPP et RAP: pas seulement pour les premiers acheteurs!

Le courrier des lecteurs|Mis à jour le 18 juillet 2024

CELIAPP et RAP: pas seulement pour les premiers acheteurs!

Une des nouveautés dans le domaine de la fiscalité canadienne serait d’intégrer le CELIAPP dans la planification fiscale d’un particulier. (Photo: 123RF)

Par Gheys Jabbar B.A.A, planificateur financier et conseiller en sécurité financière chez iA Groupe Financier, étudiant à la maîtrise en Fiscalité à l’Université de Sherbrooke

COURRIER DES LECTEURS. Lors du budget fédéral de 2022, le gouvernement libéral avait mentionné la possibilité d’instaurer un REEP (régime enregistré d’épargne-propriété). Ce régime enregistré visait principalement la nouvelle génération afin de les aider à accéder à leur première propriété en leur offrant un outil non imposable pour accumuler leur mise de fonds. Cette proposition a finalement été abandonnée pour un nouveau nom et une nouvelle forme portant ainsi le nom du CELIAPP. Le projet de loi C-32 contenant les règles du CELIAPP a reçu la sanction royale le 15 décembre 2022.

Dès le 1er avril 2023, l’article 146.6 permet à un particulier d’ouvrir le compte CELIAPP offert dans les différentes institutions financières afin de lui permettre d’épargner en vue de l’achat d’une première propriété située au Canada. Ce régime consiste en de nouveaux droits de cotisations déductibles (droits de CELIAPP au lieu de droits de REER ou CELI), jusqu’à un plafond de 8 000$ par année civile, pour des dépôts totaux de 40 000$ à vie. Le revenu gagné dans ce type de véhicule n’est pas assujetti à l’impôt. Les montants retirés à d’autres fins sont imposables.

L’intention du législateur dans la définition d’un «particulier déterminé» en lien avec l’article 146.6 (1) permet d’inclure des contribuables qui n’en sont pas à leur premier achat de propriété. Pour être un «particulier déterminé» les conditions suivantes doivent être remplies:

a) il réside au Canada ;

b) il a au moins 18 ans ;

c) il n’a été, à aucun moment durant l’année civile ou les quatre années civiles précédentes, occupant d’une habitation admissible (ou ce qui serait une habitation admissible si elle se trouvait au Canada) comme lieu principal de résidence, qui appartenait conjointement avec une autre personne.

Ainsi, une personne qui détient un chalet, un immeuble à revenus ou une propriété locative pourrait remplir ces conditions si son lieu principal de résidence est ailleurs, comme par exemple, s’il habite un logement qu’il loue ou chez ses parents. 

S’il y a changement d’usage et que le propriétaire décide d’habiter dans son chalet ou immeuble locatif pour en faire son lieu principal de résidence, il ne pourra retirer immédiatement, sans impôt, des sommes du CELIAPP. Lors du changement d’usage, le contribuable est réputé acquérir l’immeuble pour un montant égal à sa JVM (sous-alinéa 45 [1] a) (ii)). Or, l’ARC a récemment indiqué que cette présomption ne s’applique qu’au calcul du gain et de la perte en capital et non pas au CELIAPP (document 2023-0976911C6, du 3 novembre 2023). Dans ce cas, les conditions pour un «retrait admissible» (tel que défini au paragraphe 146.6 [1]) ne sont pas satisfaites. 

Rien n’empêche cependant que les montants accumulés demeurent dans le CELIAPP. Le particulier pourra même continuer d’y cotiser. Si sa situation change et qu’il satisfait à nouveau les conditions, il pourra procéder à un «retrait admissible», non imposable. À défaut, un transfert à son REER ou à son FEER, ou un retrait imposable sont toujours possibles.

RAP (régime d’accession à la propriété) 

Les règles applicables au RAP et le CELIAPP comportent quelques différences, mais pour la condition du «particulier déterminé», les conditions sont les mêmes pour les deux régimes.

Lors du budget fédéral de 2024, le gouvernement propose également d’augmenter de 35 000$ à 60 000$ le plafond des retraits dans le cadre du RAP. Dans les documents budgétaires initiaux du projet de loi impliquant le CELIAPP, il avait été annoncé qu’il ne serait pas possible d’utiliser à la fois un retrait du CELIAPP et un retrait du RAP pour l’achat d’une même propriété.

En cours de route cette restriction a été abandonnée et n’apparaît pas dans la loi. Il est alors permis d’effectuer à la fois un retrait du CELIAPP et un retrait au titre du RAP pour l’achat de la même propriété.

La combinaison des deux plafonds permet à un particulier propriétaire d’un immeuble à revenus d’avoir droit de retirer plus que 100 000$ pour la mise de fonds de sa résidence principale. Avec le RAP, la limite de retrait maximale est de 60 000$. Avec le CELIAPP, il n’y a pas de limite de retrait ; si les 40 000$ que vous y avez placés valent désormais 50 000$, vous pouvez utiliser la totalité de cette somme pour financer l’achat de votre résidence principale.

Stratégie fiscale

Une des nouveautés dans le domaine de la fiscalité canadienne serait d’intégrer le CELIAPP dans la planification fiscale d’un particulier. Une personne remplissant les conditions mentionnées plutôt pourrait ouvrir un CELIAPP même si elle n’a pas l’intention d’acheter une habitation admissible. En vertu du sous-alinéa 146.6 (16) a) (i), elle pourrait après 15 ans d’ouverture transférer le solde non utilisé du CELIAPP dans un REER sans conséquence fiscale. C’est donc dire qu’il pourrait avoir le luxe de se créer artificiellement «des droits de cotisations REER» supplémentaires d’au moins 40 000$.