Chute du nombre d’entrepreneurs: à quand le sentiment d’urgence?
Pierre Graff|Mis à jour le 06 novembre 2024Seulement 2,2 % de la population active du Québec appartient à la catégorie des entrepreneurs. (Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. C’est une barrière psychologique que l’on devrait franchir au cours de la prochaine année: en 2025, il y aura moins de 100 000 entrepreneurs au Québec.
La PDG de Persévérance entrepreneuriale, Nathaly Riverin, a lancé l’alerte la semaine dernière et pourtant, l’affaire fait peu de bruit. Cela devrait nous inquiéter au plus haut point!
Le Québec compte environ 4,5 millions de travailleurs actifs. Avec 100 000 entrepreneurs seulement, cela donne une proportion de 2,2% dans la population active. C’est dérisoire.
À titre comparatif, en 1992, le Québec comptait 3,5 millions de travailleurs actifs et 197 000 entrepreneurs soit 5,7% de la population.
Récemment, l’indice entrepreneurial du Réseau Mentorat indiquait un léger rebond des intentions d’entreprendre au Québec qui est passé de 16,1% en 2022 à 16,5% en 2024.
Non seulement on est dans la marge d’erreur, mais il était proche de 30% avant la pandémie!
Une diminution qui pourrait déclasser notre économie
Il faut regarder plusieurs phénomènes ici : perte de sièges sociaux, manque de relève et fermeture d’entreprises ainsi que le nombre limité de démarrages d’entreprises.
Il est à noter que l’attrition naturelle fait qu’en moyenne 8 entreprises sur 10 disparaissent après 10 ans.
Ce phénomène est contrebalancé par la création de nouvelles entreprises.
Or, avec la chute des intentions, cette moyenne déjà peu enviable pourrait s’aggraver.
Surtout lorsque l’on sait que les nouvelles entreprises sont souvent des moteurs d’innovation. L’enjeu est donc immense.
Car moins d’innovation, cela signifie moins de compétitivité, moins de création de richesse, moins d’investissements, moins d’emplois créés et ensuite moins de recettes fiscales, moins de consommation et moins d’attractivité globale pour l’économie et le Québec. Bref, on voit la réaction en chaîne.
C’est la même chose avec la reprise d’entreprise. Diverses organisations, notamment l’Observatoire du repreneuriat et du transfert d’entreprises du Québec, estiment que des milliers d’entreprises pourraient fermer faute de relève. Et là, les effets sont aussi dévastateurs avec, en plus, du chômage direct et une hausse des dépenses sociales engendrées. Cela s’additionne évidemment aux effets déjà mentionnés.
Finalement, et cela est un phénomène en hausse, la perte de nos sièges sociaux.
Dans ce cas, outre des économies d’échelle réalisées par des investisseurs étrangers qui enlèvent des emplois dans notre économie, c’est aussi la perte des profits de ces entreprises et des recettes fiscales associées qui s’ajoutent à la liste.
Tout cela aurait pour effet d’entamer solidement la compétitivité de notre économie et d’enclencher un processus de déclassement plus ou moins rapide.
Des solutions qui prennent du temps
Créer des entrepreneurs par miracle, cela n’existe malheureusement pas. Cela prend du temps.
J’ai parlé longuement d’une culture entrepreneuriale forte et de la nécessité de partager un portrait réaliste de l’entrepreneuriat. Juste valoriser le succès, accepter l’échec, accepter aussi que certains entrepreneurs fassent de l’argent. Ce serait déjà pas mal!
Il faudra aussi pousser toujours plus sur un aspect important : si vous n’avez pas une idée de génie pour lancer une entreprise, reprenez-en une! Et il y a des milliers d’entreprises à reprendre… et à optimiser!
Parce que oui, l’entrepreneuriat, c’est innover en continu!
Et ce n’est pas de tout repos.
Mais vous n’êtes pas seul. Et vous ne devez pas être seul, car l’accompagnement est nécessaire et il existe.
Partons de là, ce sera à mon avis un bon début.