Photo: Sebastian Herrmann pour unsplash.com
EXPERTE INVITÉE. «Mais comment c’est possible? Luc et moi étions amis depuis l’adolescence. Secondaire, cégep, université… On a étudié ensemble, eu notre premier appartement ensemble, voyagé ensemble, joué au hockey et au golf ensemble. Ça allait de soi qu’on s’associe pour fonder notre firme-conseil en ingénierie. On s’entendait si bien. Mais qu’est-ce qui a bien pu se passer pour que la chicane pogne à ce point-là?» C’est simple, Stéphane et Luc (noms fictifs) ont commis toutes les erreurs qui mènent à la bisbille.
Parce qu’il s’agit d’un sujet sérieux, mais que l’humour excelle pour désamorcer les situations tendues, je vous propose d’analyse les cinq «meilleures» façons de créer une chicane entre associés.
1 – Ne pas définir clairement les rôles et responsabilités de chacun
- «Ça fait des années qu’il travaille dans l’entreprise, il sait quoi faire.»
- «Il est actionnaire; il doit bien connaître les attentes.»
- «J’en ai bien assez à gérer moi-même; je ne sais pas ce qu’il fait.»
Lorsqu’on ne prend pas le temps de définir avec précision les rôles et responsabilités de tous les associés, deux conséquences sont possibles: on marche sur les platebandes de l’autre ou on se retrouve avec un «trou» dans la gestion. Par exemple, le contrôleur se retrouve à faire de la gestion de personnel alors que c’est le rôle du directeur des ressources humaines… ou bien personne ne s’occupe de bien préparer les rencontres et, surtout, de s’assurer qu’elles ont lieu.
La solution: parlez-vous. Définissez clairement les rôles, les responsabilités et les attentes.
2 – Entretenir des iniquités ou une perception d’iniquité
- «Pourquoi a-t-il payé ses actions le même prix que moi… il y a 10 ans?»
- «Comment répartir la charge de travail équitablement alors que je détiens 60% des actions et l’autre actionnaire 40%?»
- «J’ai l’impression que certains actionnaires bénéficient de beaucoup plus d’avantages sociaux que d’autres.»
- «On dirait que mon associé ne s’implique pas autant que moi, qu’il est démotivé.»
Moins les méthodes, les processus et les règles sont définis, plus les iniquités, réelles ou perçues, augmentent au fil du temps et plus les frustrations s’accumulent.
La solution: parlez-vous. Prenez le temps d’établir une méthode pour évaluer la valeur de l’entreprise et des actions, de définir le partage de la charge de travail et de préciser les différents avantages sociaux.
3 – Adopter un style de gestion très autoritaire
- «Il ne se passe pas une journée sans qu’un employé débarque dans mon bureau pour se plaindre, avec raison, du comportement de mon associé.»
- «Ce n’est quand même pas à moi de lui dire que sa conduite est inadmissible. Ce n’est pas mon employé, c’est mon associé.»
Certains dirigeants gèrent difficilement leur stress. Ils croient gagner du temps en n’expliquant pas les raisons de leurs choix et en prenant des décisions sans consulter personne. Certains ont aussi des attentes irréalistes, mais n’offrent pas le soutien nécessaire. Ces comportements sont à l’opposé du leadership participatif.
Qu’est-ce qui arrive dans ce temps-là? Les employés se tournent vers l’actionnaire bienveillant pour adresser leurs récriminations. Et s’il n’ose pas en parler au principal concerné, comment pourra-t-il se douter qu’il doit changer son comportement?
La solution: parlez-vous. Eh oui! Ça prend du courage pour aborder un sujet si sensible, mais c’est essentiel pour faire évoluer le dirigeant dans la bonne direction.
4 – Discuter de la vision avec le comité de direction avant le conseil d’administration
- «Pourquoi le président a-t-il parlé de son nouveau projet d’acquérir une nouvelle entreprise avec les directeurs plutôt qu’avec nous, ses associés?»
L’évolution de l’entreprise, le développement de nouveaux territoires/marchés, la création de produits ou services… Les discussions concernant la vision à long terme de l’entreprise devraient servir à clarifier les intentions des actionnaires, pour ensuite allumer la créativité du comité de direction qui va bonifier et exécuter cette vision.
La solution: parlez-vous… dans le bon ordre et idéalement en mode circulaire.
5 – Ne pas avoir de processus décisionnel en cas de désaccord
- «Tout allait bien… jusqu’à ce qu’on soit en désaccord sur la façon de gérer les surplus de liquidités. Là, le bordel a pogné.»
- «Chaque fois que nous avons un désaccord, celui qui «a perdu» sort frustré de la rencontre.»
Une entreprise, c’est comme un mariage: ça va bien… tant que ça va bien. C’est pourquoi il est important de définir un processus décisionnel qui précise la marche à suivre en cas de désaccord. Ça évite bien des frustrations!
La solution: parlez-vous… encore et toujours.
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C’est bien rare qu’un conflit de personnalités soit à l’origine de problèmes entre actionnaires. Après tout, si c’était le cas, vous ne vous seriez probablement jamais associés. La plupart du temps, la chicane est causée par le manque de communication. C’est normal de consacrer beaucoup d’énergie aux opérations et à la croissance de l’entreprise, mais on vous souhaite grandement de toujours prévoir du temps pour parler des «vraies affaires»: les responsabilités, les attentes, la vision, l’actionnariat (et tout ce que ça implique), la gestion… Planifiez des rencontres structurées, à intervalle régulier (tous les mois, deux mois, trois mois; comme vous voulez), dans un cadre bienveillant et sécuritaire pour tous.