Lorsque l’action d’une entreprise est éjectée d'un indice pondéré à cause de sa capitalisation boursière, on parle souvent de «suppression» ou de «retrait» de l'indice. (Photo: capture d'écran TSX.com)
EXPERT INVITÉ. Vous n’êtes pas sans savoir que pour qu’une entreprise entre dans un indice, elle doit respecter certains critères. Parmi ceux-ci, on peut noter le volume des transactions sur le titre de l’entreprise ou encore la représentativité des secteurs d’activité. Si, pour une quelconque raison, elle ne respecte plus ces critères ou pas assez par rapport à un nouveau venu, elle est «supprimée» de l’indice ou « retirée » pour aller dans un autre indice moins contraignant par exemple.
Contrairement à ce que l’on peut penser, ces entreprises «bannies» connaissent des performances étonnamment … bonnes ! Synthèse et analyse d’un phénomène peu commun.
Les faits
Lorsque l’action d’une entreprise est éjectée d’un indice pondéré à cause de sa capitalisation boursière, on parle souvent de «suppression» ou de «retrait» de l’indice.
Cela se produit généralement lors d’un rééquilibrage périodique de l’indice ou en raison de changements dans la capitalisation boursière de l’action ou d’autres critères d’éligibilité.
Par exemple, si la capitalisation boursière d’une société tombe en dessous d’un certain seuil ou si elle ne remplit pas d’autres critères, elle peut être retirée de l’indice.
Voici les détails pour rentrer dans le S&P 500:
- Capitalisation boursière qui dépasse 12.7 milliards de dollars
- Un ratio de liquidité ajusté au flottant supérieur ou égal à 0.75
- L’action de la société doit coter plus de 1 dollar
- La société doit avoir publié au total sur les quatre derniers trimestres consécutifs, un résultat net positif selon les normes GAAP, de même que le dernier trimestre le plus récent
- Le volume échangé doit être d’au moins 250 000 actions par mois sur chacun des six mois qui précèdent la date d’évaluation de Standard & Poor’s
- La nature juridique de la société ne doit pas être dans la liste que fournit Standard & Poor’s, telle qu’une société en commandite
Les sociétés supprimées sont historiquement des entreprises impopulaires et malaimées qui se négocient à des prix bas. Elles ont un potentiel de surperformance grâce à un renversement de tendance à long terme.
Se pose alors la question de savoir quelle est la performance de ces valeurs qui sont « bannies » des indices.
Que nous disent les études sur le sujet?
De nombreuses études ont été écrites sur le sujet des valeurs «effacées». Rob Arnott par exemple, dans son analyse intitulée sobrement «The upside of getting dumped» relève les éléments suivants.
Tout d’abord que lorsque des entreprises sont retirées des principaux indices boursiers, cela peut ressembler à une « rupture » financière, et leurs actions sont souvent en difficulté dans un premier temps.
Toutefois, des études montrent que le retrait d’un indice peut avoir des effets bénéfiques surprenants à long terme. Les entreprises retirées d’indices tels que le S&P 500 affichent souvent des performances supérieures dans les années qui suivent leur retrait, parfois même plus élevées que les actions qui les ont remplacées.
Ensuite, ce phénomène s’explique par le fait que les actions sont généralement ajoutées aux indices lorsqu’elles sont populaires et chères, alors que les actions supprimées ne sont généralement pas populaires et sont sous-évaluées.
Malgré les baisses initiales dues aux ventes forcées des fonds indiciels, ces actions supprimées se redressent souvent fortement au fil du temps
Des études menées sur plus de 33 ans révèlent que si les actions nouvellement ajoutées affichent de bonnes performances à court terme, elles ont tendance à sous-performer le marché à long terme (voir plus bas).
À l’inverse, les actions supprimées surperforment généralement le marché de plus de 5 % par an au cours des cinq années suivantes.
Ce résultat contre-intuitif est en partie dû au retour à la moyenne, où les actions supprimées, souvent des actions de petite capitalisation et de valeur, se remettent de leurs prix déprimés. L’analyse suggère qu’un portefeuille axé sur ces actions supprimées pourrait surpasser de manière significative les investissements indiciels traditionnels, en particulier lorsque les valeurs de croissance ne dominent plus le marché.
Par exemple, un portefeuille d’actions supprimées d’indices tels que le S&P 500 ou le Russell 1000, détenu pendant plusieurs années, pourrait largement surpasser la performance de ces indices.
Malgré la domination récente des valeurs de croissance, les perspectives à long terme pour les valeurs de rendement et les petites capitalisations, y compris les actions supprimées, restent solides.
SUITE: Comment investir dans la thématique ?
Comment investir dans la thématique ?
La constatation du Point b, c’est-à-dire la surperformance de ce type de valeurs (les valeurs effacées) a conduit au développement de stratégies d’investissement spécialisées, telles que l’indice Research Affiliates Deletions Index (NIXT), qui se concentre sur l’achat et la détention d’actions supprimées pendant cinq ans.
Cette stratégie vise à tirer parti de la résilience historique des actions supprimées, offrant ainsi des rendements potentiellement importants.
Quel impact sur le cours des entreprises qui … entrent dans un indice?
Si on a parlé des entreprises qui sortent des indices, place maintenant à celles qui y rentrent.
En fait, l’impact sur le prix des actions des entreprises de leur inclusion dans un indice boursier, tel que le Standard and Poor’s (S&P) 500, est analysé et débattu depuis longtemps. Dans Regression Discontinuity and the Price Effects of Stock Market Indexing (https://www.nber.org/papers/w19290), Yen-cheng Chang, Harrison Hong et Inessa Liskovich constatent que lorsqu’une entreprise passe par exemple du Russell 1000 au Russell 2000, le prix de son action augmente. Le mouvement inverse déclenche une baisse du prix de l’action. Ces résultats confirment l’idée que l’inclusion dans un indice peut affecter la demande d’actions d’une entreprise.
Si des études antérieures ont montré que les entreprises qui ont rejoint l’indice S&P 500 ont vu la valeur de leurs actions augmenter, d’autres études récentes portant sur les plus grands échantillons ont également montré qu’il n’y avait pas de baisse correspondante de la valeur des actions lorsque des entreprises étaient supprimées de cet indice.
Ce paradoxe apparent a conduit certains à conclure que les hausses du prix des actions pourraient ne pas être uniquement liées à l’achat par des ETFs ou des investisseurs institutionnels qui sont référencés sur différents indices. La flambée des prix des actions pourrait plutôt être associée à une augmentation des prévisions de bénéfices et à une amélioration des bénéfices réalisés au moment où une entreprise est ajoutée à un indice.
D’autres études affirment que si une société sort d’un indice, les investisseurs lui restent fidèles à moins d’un changement de paradigme.
Les auteurs ont également constaté que l’inclusion du Russell 2000 entraîne une augmentation des échanges en juin, après le calcul des capitalisations de fin mai, et que cette activité est conforme au rééquilibrage et au suivi des actions par les investisseurs. Les actions qui viennent d’être ajoutées ont un volume d’échange plus important que les actions qui viennent de ne pas être ajoutées à un indice, tandis que les actions qui viennent de disparaître ont un volume d’échange plus important que les actions qui sont restées dans l’indice.
Enfin, certaines études empiriques affirment que les mouvements sur le S&P 500 sont différents que sur le Nasdaq lors de l’arrivée/sortie d’une nouvelle société. Il y aurait 1 différence notoire : l’indice Nasdaq-100 est principalement basé sur la capitalisation boursière plutôt que la sélection individuelle, comme dans le S&P 500.
Synthèse
En tant qu’investisseur, on néglige souvent les entrées et les sorties des entreprises dans les indices. Et pourtant c’est une erreur. En effet, on constate notamment une nette surperformance des valeurs qui quittent les indices, à l’encontre de toute logique. À surveiller de très près.