«Nous sommes l’une des premières entreprises à intégrer ces technologies à un programme de fidélité à grande échelle», se félicitait à l’époque la chaîne à la sirène rieuse. (Photo: 123RF)
LES CLÉS DE LA CRYPTO. Le programme de fidélité de Starbucks basé sur la chaîne de blocs s’est soldé par un échec. Mais l’expérience illustre les bonheurs divers qui attendent les entreprises traditionnelles s’aventurant dans les cryptos.
Grillé. Le géant des chaînes de café garde certainement un goût amer de sa brève aventure dans les cryptos. Pour mémoire, Starbucks avait initié en décembre 2022 la «Odyssey Expérience», une extension de son célèbre programme de fidélité. La particularité? Les technologies du Web3 devaient offrir aux membres, clients comme employés, de nouveaux avantages exclusifs et des expériences inédites. Pour ce faire, il suffisait de participer à toutes sortes d’activités divertissantes et interactives surnommées Voyages (Journeys) pour obtenir une sorte de tampon sur un passeport (Journey Stamps) sous la forme de NFT. «Nous sommes l’une des premières entreprises à intégrer ces technologies à un programme de fidélité à grande échelle», se félicitait à l’époque la chaîne à la sirène rieuse.
L’initiative avait largement attiré l’attention compte tenu de l’importance et du succès rencontré par son programme historique de récompenses, soulignent les analystes de TheBlock Pro dans leur dernier rapport sur le marché de la consommation crypto. «Au moment du lancement d’Odyssey, le programme de fidélité de Starbucks comptait près de 30 millions de membres, qui représentaient collectivement plus de 50% du chiffre d’affaires de l’entreprise aux États-Unis. L’intégration des technologies Web3 dans un programme aussi massif et bien établi représentait à l’époque l’effort le plus important de ce type», expliquent-ils dans leur cas d’étude.
Les résultats de cette expérience pionnière permettent en effet d’évaluer l’efficacité et la viabilité de l’intégration d’éléments Web3 dans les pratiques traditionnelles de fidélisation. Les Starbucks avaient d’abord émis 2000 NFT sur la blockchain Polygon, au prix unitaire de 100 $, qui furent écoulés en moins de vingt minutes. À la clé, les participants les plus impliqués pouvaient jusqu’à bénéficier d’une expérience exclusive dans le temple de la torréfaction, la Starbucks Reserve Roastery https://www.starbucksreserve.com/. Mais l’excitation de ce programme crypto-caféiné n’a pas duré.
Cette «odyssée numérique» a été arrêtée fin mars 2024. Starbucks s’est contenté d’adresser un courriel aux membres pour les informer que la version de test (beta) arrivait à terme, mais que cela avait servi «d’étape importante» pour faire évoluer son programme général. Publiquement, le géant du café n’a pas pipé mot sur d’éventuelles sous-performances. «Il est probable que l’entreprise ait connu une participation plus faible que prévu et qu’elle ait eu du mal à apporter des améliorations significatives à l’engagement des clients», notent les rapporteurs de TheBlock Pro.
Ce cas inspire quelques réflexions quant aux défis rencontrés par les marques traditionnelles lorsqu’elles tentent d’exploiter les technologies du Web3 pour enrichir l’interaction auprès d’une clientèle plus large :
- complexité technique : il est encore nécessaire de vulgariser NFT, blockchain et concepts associés pour le consommateur moyen. Tout comme des efforts sont encore à mener pour offrir aux expériences crypto toute la convivialité d’autres expériences.
- degré d’abstraction : la proposition de valeur des NFT et des programmes de fidélité basés sur la blockchain peut s’avérer déroutante, pas assez convaincante pour la majorité des clients de Starbucks. Les éléments Web3 risquent d’être perçus comme des gadgets, voire considérés comme inutiles.
- pertinence à vérifier : l’expérience avortée de Starbucks rappelle l’importance d’évaluer et de sonder le degré de préparation du public cible, la clarté de la proposition de valeur et la facilité d’utilisation. «Les entreprises doivent s’assurer que les intégrations sur la chaîne de production correspondent aux besoins, aux préférences et aux comportements de leur clientèle de base. Si elles ne le font pas, les initiatives risquent de ne pas prendre de l’ampleur et, en fin de compte, d’entraîner un gaspillage de ressources et des occasions manquées», insistent les analystes.
Starbucks a réalisé à ses dépens une démonstration intéressante : les marques traditionnelles veulent expérimenter et intégrer dans leurs activités les technologies popularisées par le bitcoin. En plus, si l’on en croit les prévisions du célèbre cycle d’engouement de Gartner, l’écosystème crypto mûrit.
«Le développement de produits cryptos plus intuitifs et accessibles, associé à une sensibilisation et à une acceptation croissantes de la part des consommateurs, créera probablement un environnement plus favorable aux entreprises traditionnelles pour investir dans des initiatives. Les enseignements tirés de ces premiers efforts pourraient contribuer à des initiatives plus fructueuses et plus efficaces à l’avenir», estiment les experts de The Block Pro.