CA: lutter contre le syndrome de l’imposteur des jeunes
Louise Champoux-Paillé|Mis à jour le 26 juin 2024Louise Champoux-Paillé et Yasmina Ghazouani, MBA dans le cadre du programme mentorat ESG-UQAM. (Photo: courtoisie)
EXPERTE INVITÉE. Il y a maintenant sept ans, le gouvernement du Québec modernisait sa Loi sur la gouvernance des sociétés d’État afin de favoriser la présence de jeunes gens au sein des conseils d’administration des sociétés d’État.
À cette fin, cette loi établissait que le gouvernement était tenu de nommer au conseil d’administration de chaque société d’État minimalement un membre âgé de 35 ans ou moins (au moment de sa nomination). Cette loi ouvrait la voie à une réflexion sur la pertinence d’insuffler un vent de jeunesse au sein de nos conseils d’administration d’entreprises publiques et privées.
Fortement engagée dans la promotion d’une meilleure représentation féminine et de personnes issues d’autres groupes que la majorité dominante, j’ai ajouté à mon engagement celui de la promotion des gens de moins de 35 ans en enseignant la gouvernance auprès des jeunes, en les sensibilisant à leur valeur ajoutée au sein des instances décisionnelles et en agissant comme mentore auprès de plusieurs d’entre eux et elles.
Si l’accueil réservé à l’arrivée d’un nouveau jeune membre de conseil est souvent positif, j’ai pu ressentir un certain inconfort des principaux intéressés compte tenu de leur inexpérience des hautes instances et de la gouvernance et de l’investissement requis pour développer les talents nécessaires à l’exercice de ces nouvelles fonctions.
L’importance de l’équilibre des perspectives
Le rôle d’un conseil d’administration est de décider collectivement des grandes orientations d’une organisation, de fixer des objectifs et de planifier stratégiquement leur réalisation, de s’assurer de la saine gestion de l’organisation, de voir à une utilisation responsable et durable de ses ressources tout en veillant à sa pérennité.
Pour accomplir son mandat, le conseil d’administration doit tout autant tenir compte des intérêts de ses actionnaires que de ses diverses parties prenantes : employés, consommateurs, fournisseurs, partenaires financiers et extra-financiers, ainsi que la société dans son ensemble. Ceci exige des perspectives diversifiées non seulement en termes de compétences et d’expériences mais également en regard de la diversité des personnes qui les composent soit le genre, les origines, les croyances religieuses, les orientations sexuelles et les conditions physiques.
L’apport spécifique de la jeune génération
Selon le plus récent rapport publié par Spencer Stuart sur les conseils d’administration canadiens, seulement 1 % des administrateurs des 100 grandes entreprises analysées étaient âgés entre 30 et 39 ans. La moyenne d’âge de l’ensemble des administrateurs était de 63 ans.
Au cours des deux dernières décennies, nos conseils d’administration ont été confrontés à de nombreux nouveaux défis. Mentionnons notamment les nouvelles technologies qui redessinent l’évolution des organisations, les changements climatiques et défis environnementaux, la transformation numérique, la cybersécurité, la requalification de la main d’œuvre et la rétention des talents, l’impact des médias sociaux sur la vie organisationnelle.
Selon une étude réalisée par la firme Spencer Stuart, un bon éclairage sur ces défis et la manière de les relever réside dans les compétences uniques que peut apporter la nouvelle génération.
Outre de faire bénéficier les conseils d’administration de leurs expertises particulières, les jeunes gens contribuent à développer une vision contemporaine de la manière dont les décisions affecteront l’ensemble des parties prenantes.
Cette nouvelle génération d’administrateurs est confrontée au quotidien à un ensemble différent de défis en milieu de travail dans leurs fonctions de direction. En tant qu’administrateurs, ils et elles peuvent exprimer leurs préoccupations et leurs points de vue qui sont rarement, voire jamais, entendus autour de la table du conseil d’administration.
Mes années d’expérience m’ont enseigné que la présence de jeunes administratrices et administrateurs autour de la table insuffle une certaine candeur et fraîcheur dans l’évaluation des problématiques qui nous sont soumises, ce qui nous amène à y regarder à deux fois avant de prendre certaines décisions. C’est là une contribution positive, qui sort des sentiers battus, et qui s’avère souvent fort appréciable.
Rééquilibrer la pyramide d’âge
Compte tenu des défis du XXIe siècle, nous ne pourrons réussir comme société sans rééquilibrer la pyramide d’âge de nos conseils d’administration. Pour ce faire, il nous faut revoir nos processus d’intégration de nouveaux administrateurs afin d’éviter qu’ils soient happés par le syndrome de l’imposteur, et d’encourager le transfert d’expériences et de connaissances entre les plus et les moins expérimentés en faisant appel notamment au mentorat. L’objectif doit être de créer une masse critique de ces nouveaux administrateurs afin qu’ils puissent avoir l’impact souhaité dans la prise de décision.
Il est permis de s’interroger si la présence d’un seul administrateur âgé de moins de 35 ans est suffisant pour atteindre cet objectif. Comme l’expérience pour une meilleure représentation féminine l’a démontré, une présence de deux ou trois jeunes administrateurs permettrait de faire fructifier plus rapidement et facilement la valeur ajoutée d’une perspective différente et complémentaire.