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Marine Thomas

Billet

Marine Thomas

Analyse de la rédaction

Déconnectez… pour de vrai!

Marine Thomas|Édition de la mi‑juin 2024

Déconnectez… pour de vrai!

(Photo: Martin Flamand / Visual Box)

BILLET. «Et toi, tu fais quoi cet été?» Dans les dernières semaines, cette question a pris toute la place dans les événements d’affaires auxquels j’ai assisté. Tandis que les plans estivaux étaient racontés les yeux brillants d’anticipation, j’ai été frappée de constater à quel point tout le monde finissait cette première moitié de l’année avec la langue à terre. 

Pourquoi avons-nous cette impression que le temps s’écoule à toute vitesse, toujours plus vite, tel un sablier fou? Nos semaines prennent la forme de marathons en sprint, et on franchit la ligne d’arrivée souvent complètement épuisés. Pour compenser ce rythme effréné, nous nous accordons annuellement quelques semaines de congés, moments de bonheur d’occasion dans des destinations avec ou sans soleil. Les plus chanceux ont pu ou su réellement «déconnecter», nouveau Graal de notre époque, pour se recharger, avant de retourner au front et recommencer.

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La frontière toujours plus poreuse entre le personnel et le professionnel, la glorification de la productivité et, soyons honnêtes, la dépendance à notre téléphone créent une pression qui érode insidieusement nos temps de pause. 

Ployant sous le poids de l’injonction de la performance constante, nous ne savons plus valoriser les temps morts. En fait nous les comblons compulsivement. Nous ne supportons pas de ne rien faire alors nous remplissons notre temps de manière frénétique, la plupart du temps en nous tournant vers un écran. Je ne reviendrai pas ici sur les effets de ce dernier sur le cerveau, ils sont largement documentés. Pourtant, quand notre cerveau n’est pas stimulé, il est loin de ne rien faire, au contraire! C’est le moment où il est en mode «par défaut» qu’il peut commencer à faire des liens ou des associations inusitées. Vous savez, cette idée géniale qui surgit sans qu’on l’ait cherchée, sous la douche ou en marchant?

Notre déficit d’attention chronique et cette illusion de productivité permanente nous coûtent cher, individuellement, socialement et économiquement.

Devant l’explosion du taux d’épuisement professionnel, les organisations, déjà sous pression avec la pénurie de main-d’œuvre, se retrouvent bien démunies pour soutenir leurs équipes. Pour faire face à cette nouvelle réalité, la solution est-elle de légiférer pour les inciter à agir? C’est la solution adoptée par plusieurs États pour endiguer le problème, avec peu de résultats pour le moment. Au Québec, une telle loi n’est pas sur la table à dessin du ministre du Travail — il en a déjà plusieurs! —, qui nous a expliqué en entrevue éditoriale qu’il mise plutôt sur une meilleure sensibilisation aux risques psychosociaux.

Alors que pouvons-nous faire à notre échelle, surtout lorsque nous occupons des postes de gestion? Fixer des limites claires à nos collaborateurs, communiquer clairement les attentes sur la connectivité, promouvoir des pauses numériques, favoriser les interactions conviviales en personne, valoriser les temps de réflexion. Nous pouvons également à notre tour nous déconnecter pour mieux nous recentrer… Cela a l’air évident, mais on oublie bien trop souvent d’appliquer pour nous-mêmes ce qu’on conseille aux autres.

Pour être des leaders inspirants et inspirés cet automne, je vous souhaite de prendre le temps de vous ennuyer cet été! Apprivoisez l’oisiveté et reposez-vous pleinement sans culpabiliser. 

Au plaisir de vous retrouver en septembre!