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John Parisella

La diplomatie en action

John Parisella

Expert(e) invité(e)

Devant Trump, le Canada doit être stratégique

John Parisella|Publié le 13 novembre 2024

Devant Trump, le Canada doit être stratégique

Donald Trump et Justin Trudeau lors d'une rencontre en Grande-Bretagne en 2019 (Photo: Dan Kitwood / Getty Images)

EXPERT INVITÉ. S’il y a un consensus depuis le 5 novembre dernier, c’est que c’est bien Donald Trump qui a remporté l’élection présidentielle de 2024 aux États-Unis.

Trump, qui portera le titre de président élu jusqu’à son investiture le 20 janvier prochain, a remporté les sept États clés qui avaient été identifiés pour cette élection, lui permettant de décrocher un deuxième mandat non consécutif à la présidence du pays.

À noter, c’est la première fois qu’un candidat présidentiel républicain obtient la majorité du vote populaire depuis 2004. Il s’agit d’une victoire claire et décisive. Cette victoire a été rapidement reconnue par la candidate démocrate, Kamala Harris, ainsi que par le président actuel, Joe Biden.

En plus de reprendre la Maison-Blanche, le Parti républicain a aussi repris le contrôle du Sénat. Alors que les résultats se font toujours attendre pour la Chambre des représentants, il semble de plus en plus probable que les républicains la conservent également.

Cette victoire de Donald Trump et de son parti aura de multiples répercussions. Certes, malgré la polémique au sujet de l’avenir de la démocratie avec le retour de Trump, la transition se fera dans l’ordre et de façon pacifique. En dépit de la polarisation et des discours qui sèment la division, force est de constater que la démocratie américaine fonctionne normalement. D’ailleurs, les voix qui criaient à la fraude électorale se sont soudainement tues à la suite de la victoire de Trump.

Dans ce contexte, le Canada doit rester calme et adopter une approche stratégique face aux défis qui l’attendent.

Le retour de Trump

Aujourd’hui, malgré la baisse du volume des discours dans l’espace public, rien ne laisse à présager que le style de Donald Trump changera. Il faut prévoir qu’il aura toujours une approche aussi imprévisible et marquée par une philosophie transactionnelle.

De son côté, le gouvernement du Canada se dit prêt à composer avec le retour de Trump. D’ailleurs, les priorités du président élu ainsi que les nôtres seront fort similaires : l’économie et le commerce, la révision de l’ACEUM, la défense et la sécurité, l’énergie, l’environnement et les changements climatiques ainsi que la frontière et les questions d’immigration. Tous ces sujets ont fait l’objet d’une entente entre le président Biden et le premier ministre Trudeau en 2021.

Or, il faut certainement prévoir que le nouveau président n’aura pas la même approche que son prédécesseur.

En effet, Trump s’est engagé à imposer des tarifs de l’ordre de 10 à 20% sur toutes les importations aux États-Unis et de 60% sur les produits en provenance de Chine. Dans son message de félicitations au président élu, Justin Trudeau a déjà souligné que les échanges commerciaux et la fiabilité des chaînes d’approvisionnement entre les deux pays sont prioritaires. Pour le Canada, c’est assurément un élément qu’il faut communiquer au plus grand nombre de décideurs américains.

Dans les prochaines semaines, le gouvernement canadien tentera de conclure certaines discussions avec l’administration Biden en amont de l’assermentation de Trump.

Une fois Trump en place, il faut s’attendre à une critique virulente de la part du nouveau président au sujet de la sécurité et de la défense. L’objectif annoncé de Justin Trudeau d’atteindre une contribution à l’OTAN équivalente à 2 % du PIB d’ici 2032 sera assurément remise en question. Trump va insister pour que cet engagement soit largement devancé. Il pourrait notamment faire entrer cet enjeu dans l’équation lors de la renégociation de l’ACEUM prévue pour 2026.

Puis, étant donné que Trump s’est engagé à déporter en masse des immigrants illégaux qui sont en territoire américain, il faudra souhaiter que le gouvernement canadien, avec l’appui des provinces, soit en mesure de présenter un plan pour sécuriser la frontière et être en mesure d’éviter l’apparition d’une multiplicité de «chemins Roxham».

Bref, le retour de Trump ne sera pas reposant pour le Canada.

La nécessité d’une approche stratégique

Plus que jamais, le Canada et le Québec doivent se préparer à mettre en vigueur une approche proactive, constructive et stratégique, basée sur la diplomatie économique en continu.

On doit être en mesure d’entreprendre des démarches pour mettre en lumière nos points en commun et les avantages d’une collaboration économique. Parmi ces points, notons le caractère fortement intégré de nos économies, l’existence de chaînes d’approvisionnement fiables et résilientes, ainsi que les atouts du Canada, comme notre énergie et nos minerais critiques.

Il sera également crucial de bien connaître les proches du président élu afin de mieux évaluer ses priorités et d’anticiper ses actions. L’arrivée de sa nouvelle chef de cabinet, Susan Wiles, est considérée comme une nomination positive, alors que cette dernière semble bien placée pour gérer le côté imprévisible de Trump. Le Canada ne doit pas tarder à prendre contact avec elle.

Certainement, le retour de Trump inquiète non seulement le milieu politique, mais aussi le milieu des affaires. S’isoler et être en attente serait une mauvaise stratégie. Plus que jamais, il faut s’engager.

Les gouvernements et les entreprises du Canada doivent non seulement établir des liens avec les responsables du gouvernement américain, mais aussi avec le monde des affaires et avec des influenceurs économiques et politiques. Il faut bien s’engager avec l’entourage de Trump, mais également avec les élus clés du Congrès et avec les gouverneurs des États. Cela n’inclut pas seulement les républicains.

Le Canada représente la première destination pour des exportations de 34 États américains, et au-delà de 400 000 citoyens traversent la frontière tous les jours. La pertinence du maintien de la relation économique canado-américaine est évidente. Il faut s’assurer que nos homologues américains le comprennent bien eux aussi.