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John Plassard

Préparé pour le futur

John Plassard

Expert(e) invité(e)

Le portefeuille 60/40 peut-il renaître de ses cendres?

John Plassard|Publié à 10h56

Le portefeuille 60/40 peut-il renaître de ses cendres?

(Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. En lisant le titre de cette étude, vous êtes certainement en train de sourire. En effet, le modèle 60/40 (60% d’actions et 40% d’obligations) réputé comme étant immunisé contre tous les vents contraires a connu (comme vous le savez) 2 années de suite en territoire négatif (2021 et 2022), ce qui est assez rare pour le noter. Pourtant, contre toute attente, la tendance est en train de s’inverser. Synthèse, analyse et retour vers le futur. 

Les faits 

Non seulement 2022 a été l’une des pires années pour un portefeuille 60/40 depuis le milieu des années 1970, mais c’est aussi la première fois depuis 1974 que le marché obligataire a amplifiée la douleur ressentie par les actions. En d’autres termes, 2022 a été une année incroyablement inhabituelle pour les marchés et la 3e plus forte baisse du «modèle» 60/40 depuis près de 100 ans.

À cause de cette mauvaise performance, le 60/40 a été immédiatement décrié par certains investisseurs et la presse financière argumentant, entre autres, que le modèle était «cassé». Pourtant sur le long terme, cette stratégie s’est avérée très efficace.

Que nous racontent les statistiques historiques?

Voici comment un portefeuille 60/40 se serait comporté de 1926 à 2023, selon Vanguard :

Portefeuille 60/40 

• Rendement annuel moyen : 8,7%. 

• La pire année civile : 1931, avec un rendement de moins 26,6%.

• Meilleure année : 1933, avec un rendement de 36,7%.

Portefeuille boursier : 

• À titre de comparaison, voici un portefeuille purement boursier. Il affiche des rendements plus élevés, mais des creux plus faibles : 

• Rendement annuel moyen : 10,3%. 

• La pire année civile : 1931, avec un rendement de moins 43,1%. 

• Meilleure année : 1933, avec un rendement de 54,2%.

Ce qu’il faut noter c’est que la meilleure année pour les actions a souvent suivi de peu la pire. Ce schéma n’est pas rare, car nous avons constaté que les meilleurs et les pires rendements des actions ont tendance à être étroitement regroupés sur les marchés, ce qui rend leur synchronisation difficile.»

Les obligations : 

Les obligations sont moins flamboyantes. Voici les rendements historiques d’un portefeuille d’obligations de première qualité : 

• Rendement annuel moyen : 5,1%. 

• La pire année civile a été 2022, avec un rendement de moins 13,1%. 

• Meilleure année : 1982, avec un rendement de 32,6%.

Plus globalement, depuis près de 100 ans, il existe une probabilité de 80% de rendements positifs au cours des deux années suivant une année de rendements négatifs, tant pour les actions que pour les obligations. Nous sommes aujourd’hui dans la 2e année après l’effondrement de 2022.

Suivant: Ode à la désinflation! 

Ode à la désinflation!

Il existe des experts financiers qui considèrent que le portefeuille 60/40 est une construction de l’ère désinflationniste de 1980 à 2021. La seule raison pour laquelle les rendements étaient si élevés était la baisse des taux d’intérêt et de l’inflation. 

Ces vents contraires ont certainement aidé, mais ce n’est pas comme si les rendements des marchés financiers étaient si terribles avant 1980. 

Si on observe les rendements sur les 41 années allant de 1981 à 2021, au cours desquelles les taux et l’inflation ont principalement baissé, et sur les 41 années allant de 1940 à 1980, au cours desquelles les taux et l’inflation ont principalement augmenté on constate qu’au cours des 96 années écoulées entre 1926 et le 31 décembre 2021, le rendement annualisé a été de 8,8%. Il s’agit d’un rendement très intéressant pour un portefeuille modérément risqué.

Si l’on considère les 95 années précédentes, de 1928 à 2022, pour une vision à plus long terme, le rendement annuel a été de 8,1%. Ce n’est donc pas comme si l’environnement de taux plus élevés et d’inflation de la période 1940-1980 était si éloigné de la moyenne à long terme.

2022, n’est-elle «qu’une erreur» de parcours? 

En 2022, les banques centrales ont relevé leurs taux d’intérêt afin de maîtriser le taux d’inflation le plus élevé depuis 40 ans, alors que le marché du travail était le plus tendu depuis 50 ans. Il s’agit du cycle de hausse des taux le plus agressif depuis l’ère Paul Volcker au début des années 1980. 

Durant cette période de forte inflation et de hausse rapide des taux d’intérêt en 2022, les actions et les obligations ont subi des baisses, ce qui a contribué à la mauvaise performance du portefeuille 60/40. En conséquence, la corrélation négative qui existait entre les deux classes d’actifs depuis deux décennies est devenue positive, bouleversée par les hausses de taux agressives de la Fed à partir de mars 2022, qui ont provoqué l’effondrement des deux marchés. 

Le portefeuille 60/40 a perdu 17% cette année-là, sa pire performance depuis la crise financière mondiale de 2008. Ce n’est plus de cas en 2024.

Le fait que 2022 ait été l’une des pires années pour le portefeuille 60/40 est d’autant plus surprenant que les dix années qui se sont achevées l’année dernière ont été plutôt bonnes. Les rendements annuels ont été de 7,7% entre 2013 et 2023.

L’important, c’est… les taux! 

Comme vous le savez, la brutale hausse des taux d’intérêt par les banques centrales a été le meilleur (seul?) outil dont elles ont disposé pour s’attaquer au problème de l’inflation. Les cycles de hausse des taux d’intérêt se sont produits à de nombreuses reprises au cours des 40 dernières années sans aboutir au carnage (le mot est bien utilisé) de 2022. 

Mais ceci s’est produit à une vitesse vertigineuse puisque les taux sont passés de 0 — 0,25% en mars 2022 à 5,25%-5,5% en juillet 2023. Ces mesures ont entraîné une réévaluation spectaculaire des marchés du crédit et ont largement contribué à la baisse de 13% de l’ensemble du marché obligataire en 2022. 

Selon la définition même du 60/40, la «poche» obligataire est historiquement un hedge (protection) contre la baisse de la «poche actions» et inversement. La hausse des 2 «poches» favorise bien évidemment aussi la progression du modèle. 

Certes, les actions ont terminé l’année 2022 en baisse de 19% (et même plus à certains moments), mais ce niveau de volatilité n’est pas atypique en soi. Nous observons régulièrement des mouvements intra-annuels pouvant aller jusqu’à 20% en raison des émotions diverses qui se manifestent sur les marchés.

Seulement voilà, à cause de la mauvaise lecture du cycle monétaire des banques centrales, il n’y a pas eu de «contre-balancier» en 2022 puisque la performance des obligations a aussi été mauvaise. 

Ceci ne devrait plus être le cas. 

En effet, la majeure partie des banques centrales ont commencé leur normalisation monétaire (entendre baisse de taux) ces derniers mois et la Fed devrait commencer le mois prochain.

Suivant: Quel est «l’environnement parfait» pour un 60/40 

Quel est «l’environnement parfait» pour un 60/40 

Selon les analyses de Morgan Stanley, les rendements des actions et des obligations sont fortement influencés par l’interaction entre l’accélération et la décélération de la croissance et de l’inflation. 

En utilisant un cadre simple mesurant les rendements médians des actions et des obligations pendant les périodes d’accélération et de décélération de la croissance réelle et de l’inflation depuis 1946, nous pouvons voir comment le portefeuille 60/40 se comporte dans différents environnements macroéconomiques. 

Le portefeuille 60/40 est le plus performant lorsque la croissance réelle s’accélère et que l’inflation décélère, car il bénéficie d’une croissance plus élevée des bénéfices réels des actions, d’une augmentation des multiples due à la baisse de l’inflation et des taux d’intérêt, et d’une augmentation des prix des obligations lorsque les taux baissent. 

À l’inverse, le portefeuille 60/40 est plus difficile à gérer dans des conditions macroéconomiques caractérisées par une baisse de la croissance et une hausse de l’inflation.

Dans ce scénario, les actions souffrent généralement d’une baisse des bénéfices et des multiples, tandis que la hausse de l’inflation peut déclencher un resserrement de la part de la banque centrale, ce qui entraîne une hausse des taux et, en fin de compte, nuit également aux obligations.

Keep calm and invest! 

Il y a une chose que les investisseurs peuvent faire pour améliorer leurs chances de succès avec un portefeuille 60/40 : le conserver plus longtemps. 

Selon les données de Morningstar, en utilisant les rendements historiques depuis octobre 1995 (selon la simulation de Monte-Carlo) sur un an, il y a environ une chance sur cinq de perdre de l’argent, mais sur 15 ans, les chances tombent à moins de 1%.

Synthèse 

On constate que les rendements attendus du portefeuille 60/40 sont plutôt bons en ce moment, car les investisseurs peuvent enfin gagner «quelque chose» sur la tranche des 40% (donc les obligations). Il faudra bien suivre le cycle monétaire dicté par les banques centrales et en définitive le niveau de l’inflation. Cependant, dire que le 60/40 est mort revient à dire que la diversification est morte. C’est une vision à court terme qui n’a aucun fondement dans la réalité.