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Pascal Lépine

Entrepreneur nouveau genre

Pascal Lépine

Expert(e) invité(e)

Et si vous choisissiez l’humain au lieu des grands profits?

Pascal Lépine|Mis à jour le 29 août 2024

Et si vous choisissiez l’humain au lieu des grands profits?

Catherine Denault et Marie-Ève Collin aiment le vin, évidemment, mais d’une manière qui dépasse les simples saveurs en bouche. (Photo: courtoisie / Altum Image)

EXPERT INVITÉ. On entend souvent parler d’entreprises établies, avec un solide historique de rentabilité et des projections de croissance plus qu’encourageantes, qui sortent l’artillerie lourde pour améliorer leurs pratiques et accomplir des avancées au chapitre des volets environnemental, social et de la gouvernance (ESG). C’est tout à leur honneur!

Mais le revers, c’est que ça peut donner l’impression qu’une entreprise doit être rendue à un tel niveau de réussite pour entrer dans la danse.

On aurait tort de penser ainsi. C’est tout à fait possible — et souhaitable! — de faire les bons choix en matière d’ESG dès le démarrage d’une entreprise. La buvette de quartier Saucette caviste à Saint-Lambert en est un parfait exemple.

Une histoire de rencontres

Saucette est née de l’ambition de deux quarantenaires qui ont délaissé respectivement une carrière bien établie quand elles se sont trouvées à la bonne place au bon moment. À partir de là, ça ne leur aura pas pris un an pour faire germer l’idée de partir en affaires ensemble, la cultiver jusqu’à donner vie à leur commerce, et commencer à en récolter les fruits.

Catherine Denault et Marie-Ève Collin se sont rencontrées par personnes interposées, visitant les mêmes festivals d’une année à l’autre. Elles avaient l’habitude d’y prendre des nouvelles de routine, sans se fréquenter au-delà. Mais à l’aube de l’automne 2022, surprise: elles apprennent qu’elles se sont toutes deux inscrites au même cours de sommellerie à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ).

Et qu’elles caressent le même rêve: se lancer comme caviste.

Mais surtout, elles réalisent alors qu’elles ont plus que des proches et un amour de la musique en commun: elles partagent les mêmes valeurs. Des valeurs qui orienteront l’entreprise qu’elles feront rouler ensemble dès octobre 2023.

Du vin et des humains

Catherine et Marie-Ève aiment le vin, évidemment, mais d’une manière qui dépasse les simples saveurs en bouche. «Notre amour pour le vin, ce n’est pas juste de le boire: c’est de rencontrer les humains», nous explique Catherine, transfuge du marketing.

Elle et sa complice font donc affaire avec des agences d’importation privée qui sont capables de parler des gens qui produisent les vins qu’elles choisissent pour leur clientèle. La constante chez les vignerons qui les séduisent, c’est de produire des vins «dans le plus grand respect de l’être humain et de la nature. Ça rehausse le goût — déjà exquis — quand on sait qui a cueilli les raisins, les a dorlotés, leur a donné de l’amour pour les mettre en bouteille», s’emporte Marie-Ève, qui a travaillé comme sous-cheffe et cheffe pour des tables réputées du Grand Montréal.

Voilà aussi pourquoi l’entreprise invite des vignerons sur place à faire déguster ses produits à une clientèle avide de saveurs et de contact humain.

«Les amateurs de vins prennent plaisir à se rassembler et à reconnaître le travail de ces vignerons-là, qui sont dans le métier par passion bien plus que pour l’argent. Comme nous, en fait. D’ailleurs, on se prend une marge de profit bien plus petite que ce que prennent les restos habituellement; comme ça, tout le monde peut se payer un bon vin et passer un bon moment chez nous, avec nous. C’est ça, notre vœu: connecter.» – Catherine Denault, cofondatrice de Saucette caviste.

Et tout part de là! Qu’elle roule sa bosse depuis des décennies ou qu’elle en soit au tout début de son parcours, une PME qui place au cœur de sa démarche l’être humain plutôt que le plus grand profit fera nécessairement des choix ESG qui ont du bon sens.

Saucette nous offre quelques mesures toutes simples inspirantes: récupération de mobilier et ustensiles existants pour ses installations de départ; don des bouteilles de vin vides à un organisme venant en aide aux jeunes; collaboration avec des fournisseurs de produits et de services locaux qui font eux-mêmes des choix écoresponsables (qu’on pense aux légumes dans les plats au menu ou aux panneaux acoustiques dans la salle à manger, aucun effort n’est négligé!); climat de travail collaboratif où chaque membre de l’équipe est pleinement valorisé et inclus, et où l’on met l’accent sur les compétences transversales et reconnaît les forces individuelles; saine gestion des déchets, incluant du compostage (ce qui n’est malheureusement pas une pratique répandue en restauration au Québec à l’heure actuelle)…

Se tenir debout et ensemble

Je pense que vous aurez compris que les moyens pour prioriser l’être humain en affaires n’ont pas de limite.

Catherine et Marie-Ève l’ont compris, alors elles prennent soin de leur monde au possible. De tout le monde: clientèle, fournisseurs et équipe, ce qui les inclut. «On se fait demander d’étirer nos heures d’ouverture. C’est flatteur, mais l’égo ne doit pas avoir le dessus sur nos valeurs profondes.» Et vous savez quoi? Quand la clientèle se fait expliquer les motivations derrière les journées de fermeture du commerce — soit les journées de congé bien méritées de Catherine et Marie-Ève, qui tiennent à accueillir personnellement et chaleureusement les gens le reste du temps —, il n’y a que de l’empathie et de l’approbation au rendez-vous.

C’est ce qui arrive quand une petite entreprise a de grandes convictions: elle rallie tout le monde autour.