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John Plassard

Préparé pour le futur

John Plassard

Expert(e) invité(e)

Jackson Hole n’a jamais été aussi important

John Plassard|Publié il y a 6 minutes

Jackson Hole n’a jamais été aussi important

EXPERT INVITÉ. Si Jackson Hole est une station de ski réputée aux États-Unis, c’est aussi l’occasion d’une réunion annuelle entre les grands argentiers de ce monde. Depuis la crise financière de 2007-2009, les présidents de la Réserve fédérale américaine (Fed) ont profité de leur intervention à la conférence — qui se tient généralement à la fin août depuis 1978 — pour signaler d’importants changements dans la politique monétaire ou les perspectives économiques. Cette année Jerome Powell est ainsi attendu comme le lait sur le feu avant la prochaine réunion de la Fed et d’une potentielle première baisse de taux de la Fed depuis 2020. Synthèse et analyse.

La circonstance de cette réunion 

Les circonstances de cette réunion qui se tiendra du 22 au 24 août prochain sont très spéciales cette année. Tout d’abord parce que le thème de cette année «Reassessing the Effectiveness and Transmission of Monetary Policy,» («Réévaluer l’efficacité et la transmission de la politique monétaire») est très actuel tout comme en 2023 «Structural Shifts in the Global Economy,» (Changement structurel dans l’économie mondiale)

Ensuite, parce que les investisseurs ont besoin de comprendre comment la Réserve fédérale américaine (Fed) va se sortir de son dilemme avec d’un côté une inflation qui baisse et d’un autre un taux de chômage extrêmement bas.

À cela on peut rajouter que les anticipations de baisse des taux pour septembre sont majoritaires alors que le rendement des Treasuries semble être dans une «zone neutre»… Enfin, les risques liés à la guerre en Ukraine et au conflit au Proche-Orient sont dans l’esprit de tous les responsables politiques et monétaires. 

Comment se passe le symposium? 

Le symposium de politique économique de la Banque fédérale de réserve de Kansas City, qui se tient à Jackson Hole (Wyo), est l’une des plus anciennes conférences de banques centrales au monde. Il réunit des économistes, des acteurs des marchés financiers, des universitaires, des représentants du gouvernement américain et des médias pour discuter de questions de politique à long terme d’intérêt commun.

Afin de favoriser la discussion ouverte qui fait la réputation du symposium, les participants sont sélectionnés en fonction du thème de chaque année, tout en tenant compte de la diversité des régions, des milieux et des secteurs d’activité. En règle générale, environ 120 personnes participent au symposium. 

L’une des principales caractéristiques de l’événement est la discussion approfondie qui a lieu entre les participants. Compte tenu des participants et des thèmes abordés, le symposium suscite un vif intérêt. Toutefois, pour favoriser la discussion ouverte qui a été si essentielle au succès du symposium, la participation à l’événement est limitée.

À la suite: Les intentions de la Fed seront-elles clarifiées ?

Les intentions de la Fed seront-elles clarifiées ?
La question est bien évidemment de savoir si la Fed est proche de sa première baisse de taux depuis 4 années ou si la pause qui dure depuis 2023 est toujours d’actualité.

Pour mémoire, lors de sa dernière réunion, la Réserve fédérale a maintenu la fourchette cible des fed funds à 5,25 %-5,50 % pour une septième réunion consécutive, conformément aux prévisions. C’est leur niveau le plus élevé depuis janvier 2001.

Les décideurs politiques ne pensaient pas qu’il serait approprié de réduire la fourchette cible jusqu’à ce qu’ils soient plus confiants dans le fait que l’inflation se rapproche durablement de 2%. 

Par ailleurs, le nuage de points (Dot Plots) a montré que les responsables politiques n’envisagent qu’une seule réduction de taux cette année et quatre en 2025. 

La Fed n’a pas révisé ses projections de croissance du PIB, l’inflation PCE a été revue à la hausse et le taux de chômage est resté inchangé (voir les prévisions exactes ci-dessous). 

Le nouveau communiqué (ci-dessous) met en avant le fait qu’il y a eu de modestes progrès sur l’inflation (contre un manque de progrès lors de la dernière réunion). Il n’y a plus de mentions sur le plafond mensuel de remboursement des titres du Trésor, qui passe de 60 à 25 milliards de dollars. Normal nous direz-vous, il débutait le 1er juin…

Les questions auxquelles on veut des réponses 

Il y a plusieurs questions qui seront posées lors du symposium de Jackson Hole aux différents dirigeants monétaires (on aura la liste exacte des participants seulement quelques jours avant l’évènement) : 

  • Les taux vont-ils baisser en septembre ?! : C’est bien évidemment LA question à laquelle on voudrait que Jerome Powell réponde. Si nous sommes (plus ou moins) d’accord sur le fait qu’il n’y a (peut-être) pas assez de données économiques aujourd’hui à même de faire pencher la balance en faveur d’une baisse des taux, on imagine qu’à la fin août ça sera le cas.
  • La politique peut-elle interférer dans les décisions monétaires? : On est tout à fait d’accord pour dire que la banque centrale américaine est indépendante et que le gouvernement en place (ou l’attente d’un futur gouvernement) n’a pas d’influence sur ses décisions. Cependant, on ne peut nier que Jerome Powell a plus d’accointances avec Joe Biden (qui veut baisser les taux) qu’avec Donald Trump (qui veut laisser les taux au niveau actuel). Si on se réfère à l’histoire, la Fed ne reste pas sur la touche pendant les années électorales, mais continue à poursuivre son double mandat de stabilité des prix et d’emploi maximum, tout en conservant son indépendance vis-à-vis de la politique.
  • L’économie américaine est-elle effectivement en train de décélérer? La croissance économique américaine a considérablement ralenti au premier trimestre 2024, les consommateurs en proie à l’inflation se serrant la ceinture et dépensant moins. Les chiffres publiés par le bureau d’analyse économique ont montré que le produit intérieur brut a augmenté à un rythme annualisé de 1,6% au cours des trois premiers mois de l’année, après avoir augmenté de 3,4% au quatrième trimestre 2023. «La dynamique de croissance se ralentit nettement par rapport au rythme soutenu du second semestre de l’année dernière et, bien que l’histoire de l’exceptionnalisme américain reste intacte, nous commençons à voir apparaître des fissures dans les données concrètes.» Jerome Powell fait-il le même constat pour le reste de l’année 2024?

À la suite: Que s’est-il passé lors de la réunion de 2023 ?

Que s’est-il passé lors de la réunion de 2023 ?

Jerome H. Powell, avait profité d’un discours très suivi pour indiquer clairement que la banque centrale ne pensait pas encore avoir totalement maîtrisé l’inflation et qu’elle était prête à augmenter encore les taux d’intérêt si nécessaire.

Jerome Powell, qui prononçait un discours vendredi lors de la conférence annuelle de la Banque fédérale de réserve de Kansas City à Jackson Hole, dans le Wyoming, avait déclaré que la Fed «procéderait avec prudence» lorsqu’elle déciderait de faire de nouveaux ajustements de sa politique après un an et demi au cours duquel elle avait fortement augmenté ses taux d’intérêt. 

Mais il avait également indiqué que les responsables surveillaient attentivement les données économiques — qui avaient été étonnamment résistantes ces derniers mois — pour tenter d’évaluer dans quelle mesure les taux d’intérêt plus élevés refroidissaient réellement l’économie. 

Enfin, le président Powell s’était engagé à poursuivre sa quête de réduction de l’inflation jusqu’à ce que le travail soit terminé. 

Dans l’ensemble, le discours avait mis l’accent sur un point essentiel : Les décideurs de la Fed n’étaient pas prêts à crier victoire sur l’inflation après quelques bons rapports qui avaient montré une modération significative de la hausse des prix. Les responsables voulaient voir plus de progrès pour les convaincre qu’ils avaient vraiment la situation sous contrôle. 

«Le message est le même : il incombe à la Fed de ramener l’inflation à notre objectif de 2%, et nous le ferons», avait déclaré Jerome Powell confirmant ainsi leur vision du «higher for longer».

La partie hawkish (faucon) de Jerome Powell :

  • Il y avait un risque de ré-accélération de l’inflation.
  • L’inflation ne reviendrait pas à l’objectif sans une croissance économique
    inférieure à la tendance et un marché du travail plus souple.
  • Il y avait une « incertitude quant au niveau précis de la détente monétaire »,
    c’est-à-dire qu’il était possible, mais en aucun cas certain, qu’il y ait d’autres
    hausses de taux

La partie dovish (colombe) de Jerome Powell :

  • Il n’y avait pas d’engagement clair à respecter les dots plots. D’autres hausses pourraient être justifiées, mais la Fed était entièrement dépendante des statistiques et pourrait donc rester en pause.
  • Il y avait une évaluation plus équilibrée du risque d’un nouveau resserrement,
    par rapport aux déclarations antérieures selon lesquelles le risque d’en faire
    trop peu était plus grand.
  • L’incertitude concernant les décalages signifiait qu’il pourrait y avoir un
    ralentissement supplémentaire significatif des hausses qui avaient déjà eu lieu.

Quelle pourrait être la réaction des marchés suite à Jackson Hole? 

Si le Président Powell devait confirmer que la baisse des taux aura lieu en septembre, il est intéressant de voir comment pourraient réagir les différents actifs. 

Historiquement, l’évolution de la performance des actifs financiers a été différente entre les actions, les obligations et l’immobilier pendant et après les baisses de taux d’intérêt. 

Les actions et l’immobilier ont affiché des rendements négatifs pendant les phases de baisse, les actions étant les plus touchées. À l’inverse, les obligations, valeur refuge traditionnelle, ont gagné du terrain.

Toutefois, au cours des trimestres précédant la (dernière) baisse des taux, ces trois actifs ont progressé. Un an plus tard, c’est l’immobilier (voir plus bas) qui a enregistré la performance moyenne la plus élevée, suivi de près par les actions, les obligations arrivant en troisième position.

Ci-dessous, l’évolution des secteurs où l’on constate une surperformance notoire de la technologie, des matériaux, de l’immobilier et des services aux collectivités 12 mois après la première baisse de taux.

En règle générale, lorsque l’économie connaît un ralentissement ou une récession, la Réserve fédérale réagit en réduisant les taux d’intérêt. Ainsi, chacun des sept cycles de baisse des taux précédents s’est produit pendant ou autour des récessions américaines, selon les données de la Réserve fédérale.

En règle générale toujours, lorsque la Fed décide de baisser ses taux, elle ne le fait pas qu’à une seule reprise, mais elle déclenche un « cycle de baisse ».

À la suite: La référence 2007 

La référence 2007 

En pleine crise des subprimes en 2007, la réunion du 31 août (2007) aura marqué la réputation du symposium de Jackson Hole. 

En effet, en signalant clairement que «La Réserve fédérale se tient prête à prendre des mesures supplémentaires, en fonction des besoins, pour apporter des liquidités et favoriser le fonctionnement harmonieux des marchés», Ben Bernanke donnera le coup d’envoi à un cycle de baisses de taux quasi sans précédent puisque ces derniers passeront de 5,25% le 18 septembre (soit la réunion de la Fed qui suivra Jackson Hole) à 0,25% en décembre 2008.

La surprise viendra-t-elle de la … BCE ?!

Si tout le monde surveillera le discours de Jerome Powell la surprise pourrait néanmoins venir des responsables européens (la liste des participants n’est pas encore annoncée à l’heure qu’il est).

En effet, les responsables de la BCE se sont faits très discrets ces dernières semaines à part le compte-rendu de la dernière réunion de l’institution européenne : les fameuses Minutes de la BCE. 

Rappelons que les anticipations de baisse de taux pour la prochaine réunion de la BCE ne sont pas claires. De plus en plus de voix s’élèvent pour affirmer que la baisse des taux en juin était un «coup dans l’eau» et que l’institution monétaire pourrait décider de laisser ses taux inchangés, l’inflation devenant de plus en plus difficile à «lire» (ce qu’a affirmé Christine Lagarde lors de la réunion des banquiers centraux à Cintra).

Quels sont les prochains rendez-vous ?

Plusieurs banques centrales se réuniront en septembre, dont :

  • Banque du Canada (BoC) : 4 septembre
  • Banque centrale européenne (BCE) : 12 septembre
  • Réserve fédérale des États-Unis (Fed) : 18 septembre
  • Banque nationale suisse (BNS) : 26 septembre
  • Banque d’Angleterre (BoE) : 19 septembre
  • Banque du Japon (BoJ) : 20 septembre

Synthèse

Le symposium de Jackson Hole sera certainement cette année l’un des rendez-vous
les plus importants de l’année. Jerome Powell et les autres banquiers centraux ne
pourront plus se défiler, ayant en leur possession de nombreuses nouvelles données
économiques. Attention.