(Photo: 123RF)
EXPERTE INVITÉE. Selon un rapport du Fonds mondial pour la nature publié en 2022, la population de mammifères, de poissons, d’oiseaux, de reptiles et d’amphibiens a chuté de 73% depuis 1970, et plus d’un million d’espèces animales et végétales sont menacées d’extinction.
Alors que la 16e Conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP16) s’est achevée sans accord, notamment sur les questions de financement, moins de 30% des entreprises ont fixé des objectifs de biodiversité dans le cadre de leur stratégie de développement durable. Il est vrai que l’ampleur du thème de la biodiversité peut faire en sorte que les entreprises ne sachent pas par où commencer.
Ce mois-ci, je vous propose un tour d’horizon sur la biodiversité. Pourquoi nos entreprises devraient s’en préoccuper, quels sont les grands principes directeurs, comment lancer un plan d’action et que font les entreprises pionnières?
Qu’est-ce que la biodiversité?
Elle correspond à l’ensemble de la flore et de la faune qui composent le monde naturel. Chaque organisme fonctionne dans le cadre d’un écosystème plus large qui soutient chaque forme de vie en son sein. Ces écosystèmes, et les organismes biodiversifiés qu’ils abritent sont essentiels à la vie sur terre.
Les cadres de référence en 2022, le Canada ont adopté, avec 195 autres pays, le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal lors de la COP15. Il établit une série d’objectifs pour freiner et inverser la perte de biodiversité d’ici 2030 et mettre la nature sur la voie du rétablissement d’ici 2050. Au Québec, le Plan nature 2030 vise à atteindre la majorité des cibles mondiales, tout en tenant compte des spécificités provinciales.
De nouvelles directives de divulgation ont vu le jour afin d’aider les entreprises à gérer les risques et opportunités liés à la nature et à mieux documenter la manière dont ces interactions affectent l’entreprise sur le plan financier. Citons notamment le groupe de travail sur les informations financières liées à la nature qui a publié des orientations et des outils adaptés à chaque secteur d’activité. Recommandations de divulgation — TNFD
Liens de causalité
L’activité des entreprises contribue à la perte de biodiversité et à la destruction des écosystèmes, que ce soit par la surexploitation des ressources naturelles, la destruction d’habitats, ou la production de déchets.
L’initiative financière du Programme des Nations unies pour l’environnement a constaté que 13 des 18 secteurs du FTSE 100 ont une «dépendance matérielle élevée ou très élevée à l’égard de la nature», évaluée à 55% du PIB mondial, soit 58 milliards de dollars.
Avec l’effondrement des écosystèmes, au moins 20% des entreprises seront confrontées à un risque opérationnel accru, que ce soit en raison de leur dépendance à l’égard de la nature pour les produits et les processus (eau propre, sols productifs, etc.) ou en raison des répercussions, incluant les atteintes à la réputation, les perturbations de la chaîne d’approvisionnement ou les actions en justice.
Lancer un plan d’action
Le développement d’une stratégie sur la biodiversité peut sembler hors de portée pour bien des entreprises. Par quelles étapes débuter?
· Réaliser un diagnostic : ceci comprend une étude écologique de la flore et de la faune sur les sites de l’entreprise et une évaluation de l’impact de ses produits et services à travers sa chaîne de valeur. Les experts-conseils et les OBNL environnementaux sont des ressources utiles.
· Engager les parties prenantes : il est important de consulter les principales parties prenantes, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise, pour comprendre leurs besoins et obtenir leur adhésion. Partager le diagnostic écologique, faire l’exposé des avantages financiers et réputationnels, et des exigences en matière de divulgation peut permettre de gagner l’adhésion à des projets initiaux.
· Établir une solide gouvernance : un comité sur la biodiversité, ou une personne désignée au sein de l’entreprise pourra assurer une gestion rigoureuse, une mobilisation sur les projets identifiés, l’identification des données pertinentes, et le suivi des indicateurs de performance.
Vers de meilleures pratiques
Des projets à petite échelle et à faible budget peuvent amorcer un changement immédiat et accroître l’adhésion. Semer des graines de fleurs pour attirer les pollinisateurs, installer des toits verts, créer des jardins de pluie permettant de drainer les sols, contribuent à l’amélioration de la biodiversité et permettent l’engagement et l’éducation des employés.
Les projets d’économie circulaire, tels l’éco-conception, le recyclage des matières utilisées dans la fabrication des produits et la réduction des déchets peuvent également aider à préserver la biodiversité.
Au Canada et ailleurs, des entreprises passent à l’action. Cascades s’est engagé à doubler son approvisionnement en papier certifié FSC™ Mixte afin de soutenir la protection des forêts, la biodiversité et le respect des droits des peuples autochtones et des communautés ; Loblaw verse 500 000 $ par année au profit de projets de protection et de restauration de la biodiversité ; Hydro-Québec a mis en œuvre un plan stratégique dédié pour accroître la résilience et réduire les menaces pour la biodiversité.
La communauté financière aussi s’est engagée à intégrer la biodiversité dans ses critères d’investissements.
La perte de biodiversité est un défi mondial qui ne pourra être résolu sans une participation active des entreprises. Mieux vaut s’y attaquer maintenant et éviter de payer plus tard les conséquences lourdes de l’inaction.