(Photo: Associated Press)
ZOOM SUR LE MONDE. Même si la gauche et la droite radicale progressent, la démocratie libérale est loin d’être en berne dans le monde. Les exemples de sa résilience sont nombreux depuis un an. Toutefois, la course à la Maison-Blanche aux États-Unis sera déterminante, car elle pourrait à nouveau porter au pouvoir un président « illibéral », Donald Trump.
D’ici décembre, la moitié de la population mondiale en âge de voter a griffonné ou griffonnera un bulletin de vote, selon le quotidien Le Monde. En début d’année, les pronostics étaient sombres. Plusieurs analystes présentaient l’échiquier mondial comme une bataille entre la démocratie et l’autocratie.
Or, le recul généralisé ne s’est pas matérialisé. Certes, des radicaux et des populistes ont fait des gains. En revanche, les modérés et les centristes ont récolté plusieurs victoires.
Le politiste américain Francis Fukuyama, chercheur principal au Centre sur la démocratie, le développement et l’État de droit de l’Université de Stanford et directeur du Master Ford Dorsey en politique internationale de Stanford, a fait une analyse à ce sujet dans le magazine Foreign Affairs (« The Year of Elections Has Been Good for Democracy »).
Victoires des centristes
La première victoire importante des libéraux a eu lieu en Pologne, en octobre 2023. Le Parti Droit et justice (PiS), une formation de la droite radicale et populiste, a perdu le pouvoir au profit d’une coalition de partis libéraux.
« Cela a représenté un revers majeur pour le populisme en Europe, privant la Hongrie d’un allié majeur au sein de l’Union européenne », affirme Francis Fukuyama.
En fait, le seul pays ayant pris un virage populiste en Europe de l’Est est la Slovaquie. En octobre, l’ex-premier ministre Robert Fico, un populiste de gauche, sympathique à la Russie, a repris le pouvoir.
En Asie, le Parti démocrate progressiste (PDP), qui considère Taïwan comme un État souverain, a remporté l’élection présidentielle en janvier. En revanche, la coalition de l’opposition Kuomintang-
Parti populaire taïwanais (KMT-TPP), qui souhaite un rapprochement avec la Chine, contrôle le parlement, ce qui crée une situation tendue.
En Afrique, en mai, les Sud-Africains ont sanctionné le Congrès national africain (ANC, centre gauche), le parti de Nelson Mandela qui domine la vie politique du pays depuis l’instauration de la démocratie en 1994. En revanche, les électeurs n’ont pas embrassé le populisme. L’ANC et l’Alliance démocratique (centre droit) ont formé un gouvernement centriste.
En Inde, plusieurs analystes prévoyaient un renforcement du Parti du peuple indien du premier ministre Neranda Modi, un national-populiste qui a affaibli les médias, les tribunaux et les libertés civiles. Or, il a perdu sa majorité au parlement et a été contraint de former une coalition avec d’autres partis.
En France, malgré la performance du Rassemblement national (droite radicale) et du Nouveau Front populaire (une alliance de partis de gauche et de la gauche radicale) lors des législatives cet été, le président Emmanuel Macron a nommé un premier ministre issu de la droite libérale modérée, Michel Barnier.
Enfin, en juillet, les travaillistes (centre gauche) ont remporté haut la main les élections au Royaume-Uni.
Victoires des radicaux en Allemagne
Si la démocratie libérale résiste dans plusieurs pays, elle recule néanmoins ailleurs, comme en Allemagne.
Début septembre, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), un parti de la droite radicale, voire d’extrême droite (hostile à la démocratie), a remporté les élections régionales en Thuringe, dans l’est du pays. Cette victoire annonce des élections législatives nationales serrées en septembre 2025, alors que l’AfD est déjà la deuxième force politique du pays.
Les Allemands modérés (sociaux-démocrates, libéraux et conservateurs) auront du pain sur la planche pour empêcher l’AfD de prendre le pouvoir ou de joindre un gouvernement de coalition.
Comme l’explique Francis Fukuyama, la résilience de la démocratie libérale tient à plusieurs facteurs. Parmi les principaux, il cite les coalitions, les compromis et les politiques publiques qui tiennent comptent des préoccupations des citoyens.
On cite parfois le Danemark comme l’exemple d’un pays qui a réussi à faire reculer la droite radicale (le Parti populaire danois) en tenant compte d’une préoccupation citoyenne, soit la crainte de l’affaiblissement de l’État-providence en raison d’une immigration jugée excessive, selon une étude de la Fondation pour l’innovation politique, publiée en 2023.
En 2015, lors de la crise migratoire en Europe, le Parti populaire danois a récolté 21,1 % des votes lors des législatives, un record. Les sociaux-démocrates (centre gauche) se sont alors approprié le thème de l’immigration, en proposant une diminution des flux et une meilleure intégration des nouveaux arrivants à la société danoise.
Résultat ? Le vote pour la droite radicale s’est effondré au cours des deux scrutins suivants, pour s’établir à seulement 2,6 % en 2022.
Le test ultime: les États-Unis
D’ici décembre, la prochaine élection à surveiller est la présidentielle américaine.
Le 18 septembre, selon le site FiveThirtyEight, la démocrate Kamala Harris récoltait 48,3 % des intentions de vote (agrégation de sondages) par rapport à 45,3 % pour le républicain Donald Trump. Cela dit, dans le système électoral américain, c’est le vote des grands électeurs (par État) qui compte.
Reste à voir si la vice-présidente saura convaincre les électeurs américains de voter pour elle dans les États pivots comme la Pennsylvanie, la Géorgie et le Michigan.
Pour espérer gagner la présidentielle, son défi sera de proposer des politiques qui répondent aux préoccupations des indécis et des républicains modérés, sur des thèmes comme l’économie, l’immigration et la criminalité, disent des analystes aux États-Unis.