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Dany Provost

Gros bon sens

Dany Provost

Expert(e) invité(e)

La fascinante finance comportementale

Dany Provost|Édition de la mi‑juin 2024

La fascinante finance comportementale

Les investisseurs surévaluent leur habileté à sélectionner des entreprises ou à prédire les fluctuations à court terme des marchés boursiers. (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. Depuis quelques années, la finance comportementale est un sujet assez chaud dans le domaine de la planification financière. Elle combine des concepts psychologiques avec ceux de la finance pour nous faire mieux comprendre l’influence des émotions et du comportement humain sur les décisions financières. Elle s’intéresse particulièrement à l’investissement et aux dynamiques des marchés financiers.

Je trouve cette science fascinante parce que, contrairement à la théorie financière classique, qui suppose que les investisseurs sont toujours rationnels et bien informés, la finance comportementale reconnaît que chaque individu peut être guidé par des biais cognitifs et émotionnels qui lui font faire des choix irrationnels.

Les biais cognitifs, qui sont au cœur de la finance comportementale, constituent une distorsion de la pensée. Ils peuvent altérer le jugement des individus et leur faire prendre des décisions défavorables. En voici quelques-uns et la façon dont ils peuvent brouiller les cartes en matière de comportement rationnel. Voyez si vous vous y reconnaissez.

L’excès de confiance

Les investisseurs surévaluent leur habileté à sélectionner des entreprises ou à prédire les fluctuations à court terme des marchés boursiers, ce qui peut les amener à prendre des risques inutiles ou à négliger la diversification de leur portefeuille. Il survient surtout dans les bonnes années des marchés boursiers, les autres rendant les investisseurs un peu plus humbles.

L’ancrage

Ce phénomène survient lorsque les investisseurs s’accrochent à certaines références initiales, comme le coût d’acquisition d’une action, et fondent leurs décisions sur cette base plutôt que sur la valeur réelle ou potentielle de l’actif. Il nous pousse notamment à patienter pour des titres jusqu’à ce qu’ils « reprennent leur valeur » initiale.

L’aversion à la dépossession (ou l’effet de dotation)

Les investisseurs tendent à attribuer une valeur excessive à ce qu’ils possèdent déjà, simplement parce qu’ils en sont les détenteurs, ce qui peut les empêcher de vendre des actifs quand il serait financièrement judicieux de le faire. Les marchés ne reconnaissent pas cet attachement.

La confirmation

Il incite les investisseurs à privilégier les informations qui renforcent leurs opinions existantes tout en négligeant celles qui les contredisent. Il nous fait voir ce qu’on veut, en d’autres mots.

La récence

Les investisseurs peuvent accorder une importance accrue aux événements récents par rapport aux plus anciens, ce qui peut les conduire à surréagir aux actualités, qu’elles soient positives ou négatives. C’est donc ce qui remonte le plus rapidement comme souvenir qui fait agir avec ce biais.

L’autoattribution (ou l’autocomplaisance)

Les investisseurs sont susceptibles de créditer leurs succès à leurs propres décisions ou aptitudes, et d’attribuer leurs échecs à des causes extérieures, ce qui peut les dissuader d’apprendre de leurs erreurs. Ici, c’est simplement du narcissisme appliqué aux placements.

Comme plusieurs investisseurs sont victimes de ces biais, cela fait en sorte que les marchés illustrent une foule de transactions irrationnelles. Lorsqu’on ajoute le fait que 80 % des transactions à la Bourse sont générées par des robots qui peuvent s’emballer — leurs biais sont d’une autre nature —, on serait naïf de penser que les marchés sont rationnels et efficaces.

Bulles spéculatives et krachs boursiers ne sont pas étrangers aux biais cognitifs dont font preuve les investisseurs. La finance comportementale, en évolution constante, devient de plus en plus pertinente à mesure qu’on saisit l’effet des émotions et des biais sur les choix d’investissement.

Elle offre des perspectives intéressantes pour les investisseurs et les professionnels de la finance et contribue à une compréhension plus subtile des marchés financiers. En intégrant ces connaissances, les acteurs du marché peuvent prendre des décisions plus éclairées, favorisant ainsi une gestion des risques plus efficace et des marchés plus stables.