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La pensée magique de Jean Boulet

Courrier des lecteurs|Mis à jour il y a 9 minutes

La pensée magique de Jean Boulet

(Photo:123RF)

Les intentions sont bonnes et les objectifs louables, mais lorsqu’il est question de gouvernement, de programmes servant de ballons d’essai, et d’intervention pour colmater rapidement les effets indésirés et les lacunes des politiques et des actions gouvernementales déjà mises en place, nous nous retrouvons la plupart du temps en mode réactif et en mode de colmatage de brèche.  

Il n’est pas dit que le gouvernement actuel a créé le problème, mais il y a fortement contribué par ses mauvaises décisions, ses mauvais choix et son incapacité à les expliquer ou à les justifier. Quand il voit un problème, il tente bien évidemment de le régler sans en créer de nouveaux. Mais malheureusement, lorsque nous sommes mal préparés, ou bien lorsque nous improvisons sous le sceau de l’urgence d’agir, ou encore, lorsque nous intervenons sans trop comprendre les tenants et aboutissants du problème et des solutions proposées, on se retrouve souvent dans un cul-de-sac à réparer les pots cassés. 

Face à l’augmentation des accidents de travail impliquant des travailleurs étrangers, le gouvernement de François Legault a récemment annoncé un financement supplémentaire pour améliorer leur sécurité sur le lieu de travail. Le financement débloqué par le gouvernement permettra de mettre en place des programmes de formation en santé et sécurité, d’améliorer les conditions de travail et de faciliter l’accès aux services de soutien pour les travailleurs blessés. 

Sur papier, c’est formidable, mais sur le plancher des vaches, on ne peut pas en dire autant! 

Ces immigrants qui travaillent 50 heures dans les champs, ou 48 heures dans les usines, ou qui font leurs 40 heures avant d’être obligés, que dis-je, d’être fortement sollicités et contraints à faire du temps supplémentaire, manquent cruellement de temps. 

Sans compter le temps consacré au cours de francisation. Sans compter le temps à attendre son lift pour aller au travail et y revenir, faute de permis de conduire québécois ou bien faute de ne pas avoir un véhicule. Bien évidemment, nous oublions les obligations familiales et les interminables échanges et suivis de dossiers avec notre fameuse bureaucratie québécoise.  

En résumé, ces travailleurs étrangers n’ont pas le temps de respirer et de reprendre leur souffle alors qu’ils ne font que marcher. Là, on leur demande de courir, de rattraper leur souffle et d’être présent partout en même temps. 

Ni vous ni moi n’aurions le temps pour accomplir ce que ces travailleurs font. Ni vous ni moi n’apprécierions les conditions dans lesquelles ils se retrouvent en arrivant ici et n’apprécierions encore moins l’ensemble des contraintes et des obligations auquel ils sont soumis. 

Malgré tout, on leur demande de trouver du temps qu’ils n’ont pas! 

C’est en grande pompe que le ministre du Travail, Jean Boulet nous annonce que les travailleurs immigrants non syndiqués ont maintenant accès à de nouvelles ressources et formations en santé et sécurité au travail, et que les organismes qui leur viennent en aide peuvent dorénavant obtenir du financement afin d’offrir des formations à ces travailleurs. 

Super, mais quand? 

Sur leurs heures de travail ou bien les samedis soir entre 21h00 et 23 h30? 

Déjà en pénurie de main-d’œuvre, les employeurs faisant appel à ce type de main-d’œuvre peinent à produire ou à être compétitif, et peinent à offrir des journées de maladie ou de vacances à ses employés. 

Il est donc impensable que ces employeurs trouvent par magie du temps pour libérer leurs employés afin d’aller se faire former, pendant les heures de travail, sur les risques qu’ils encourent sur leur lieu de travail. 

On ne peut pas en vouloir au ministre Boulet d’essayer, tout comme on ne peut qu’encourager l’Union des travailleurs accidentés ou malades, le Centre des travailleurs immigrants, et le Réseau d’aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec de poursuivre dans leur mission. 

Toutefois, est-ce que l’initiative visant à renforcer les mesures de prévention et d’offrir un soutien accru à ces travailleurs est accompagnée d’outils et de soutien pour les employeurs? Ou bien, espère-t-on que les employeurs, qui peinaient à comprendre et à mettre en place des mesures garantissant un environnement de travail sain et sécuritaire, ou qui agissaient impunément en connaissance de cause développeront de l’empathie, de la sympathie et adopterons une approche plus humaine à l’égard de ses ressources?