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La Sécurité de la vieillesse ne devrait pas mener à l’insécurité de la jeunesse

Daniel Dufort|Mis à jour le 21 octobre 2024

La Sécurité de la vieillesse ne devrait pas mener à l’insécurité de la jeunesse

La Sécurité de la vieillesse est un programme gouvernemental financé à mêmes les revenus courants de l'État. (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. L’équité intergénérationnelle n’est pas qu’un vague concept, et encore moins un slogan politique.

Elle fait plutôt référence au fait que les générations actuelles ne devraient pas demander aux générations futures de porter le fardeau de leurs décisions d’aujourd’hui. Il serait bon que certains élus s’en rappellent.

Plus tôt ce mois-ci, une majorité de députés fédéraux siégeant à la Chambre des communes ont adopté la motion bloquiste réclamant une augmentation des versements du programme de Sécurité de la vieillesse pour les aînés de 65 à 74 ans.

Il faut comprendre que la Sécurité de la vieillesse n’est pas un régime de pension au sens où nous l’entendons généralement.

Contrairement aux Régime de pension du Canada, à la Régie des rentes du Québec, ou encore au fonds de pension que vous avez peut-être auprès de votre employeur, la Sécurité de la vieillesse n’est pas capitalisée. C’est-à-dire qu’il n’y a aucune somme d’argent qui fructifie en attendant que vous en retirez votre part.

Au contraire, c’est un programme gouvernemental financé à même les revenus courants. Autrement dit, les versements aux aînés bénéficiant de ce programme sont pris à même les impôts payés par les travailleurs et travailleuses la même année. C’est une dépense comme une autre.

Il importe également de préciser que la Sécurité de la vieillesse, contrairement à son programme sœur – le Supplément de revenu garanti – ne cherche pas à aider les aînés les moins nantis.

Cette année, pour voir leurs prestations réduites, les aînés doivent avoir un revenu d’au moins 90 997$. Par la suite, la réduction se fait lentement jusqu’à ce que la prestation soit réduite à zéro pour ceux et celles qui auraient un revenu supérieur à 148 451$.

Autrement dit, presque tous les aînés la reçoivent.

Sur environ 7,8 millions de Canadiens et Canadiennes âgés de 65 ans ou plus, ils sont 7,4 millions à recevoir la Sécurité de la vieillesse.

Comme vous vous en doutez sûrement, verser des transferts à autant de gens nous coûte particulièrement cher.  Cette année, Ottawa s’attend à verser 80,6 G$ de dollars en paiements aux aînés, représentant environ 15 sous pour chaque dollar de dépenses du gouvernement Trudeau.

Autrement dit, c’est un programme qui coûte très cher, particulièrement dans un contexte de population vieillissante. Ce poste de dépense est déjà appelé à coûter de plus en plus cher, avant même que les élus ne décident d’augmenter le montant versé.

C’est aussi un programme qui a été conçu à une époque où la démographie canadienne était bien différente.

Lorsque la loi a été introduite, dans les années 1950, moins de 10 % de la population canadienne était âgée de 65 ans ou plus, et leur espérance de vie à 65 ans était estimée à 1 et 6 ans environ. Il y avait donc un grand nombre de travailleurs se partageant la facture des prestations d’un aîné.

Notre population a vieilli, et la situation aujourd’hui est bien différente, si bien qu’aujourd’hui, il y a un peu plus de trois travailleurs pour chaque retraité, et cette proportion diminue.

D’un point de vue d’équité, on comprendra que demander aux jeunes Canadiens et Canadiennes de payer encore davantage en paiements de transfert pour épauler leurs parents et grands-parents est difficilement défendable. Lorsqu’on y ajoute l’immense dette gouvernementale que nous leurs léguons, on comprend bien pourquoi bon nombre d’entre eux se disent floués.

Malheureusement, ces soucis ne semblent pas avoir pesé aussi fort dans la balance que le vote des aînés, lorsqu’est venu le temps de voter sur la motion bloquiste proposant cette coûteuse hause des prestations.

Seuls les libéraux, en position minoritaire, ont voté contre la motion. Les autres partis, qu’il s’agisse du Bloc Québécois, du Parti conservateur ou du Nouveau parti démocratique, ont tous voté en faveur de la motion.

Et bien que l’adoption d’une telle motion ne contraigne pas le gouvernement à hausser les dépenses, elle envoie un signal et peut servir de munitions pour les oppositions officielles de demain.

On peut facilement imaginer un scénario, par exemple, où le Bloc Québécois l’utilise afin de talonner un futur gouvernement conservateur et lui demander d’adopter cette mauvaise proposition de politique publique.

Après tout, ce ne serait pas la première fois qu’on retire de la sécurité et des ressources à nos jeunes pour les donner aux aînés. On n’a qu’à regarder monter la dette publique pour s’en convaincre.


 [EF1]raison de plus d’inclure la dette dans le ratio plus haut