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John Parisella

La diplomatie en action

John Parisella

Expert(e) invité(e)

Le Canada doit préparer son parapluie diplomatique en vue d’une tempête nommée ACEUM

John Parisella|Publié le 18 octobre 2024

Le Canada doit préparer son parapluie diplomatique en vue d’une tempête nommée ACEUM

La secrétaire à l'Économie du Mexique, Raquel Buenrostro, la représentante au Commerce des États-Unis, Katherine Tai, et la ministre de la Promotion des exportations, du Commerce international et du Développement économique du Canada, Mary Ng, posent pour une photo avant la réunion de la Commission du libre-échange de l'Accord États-Unis-Mexique-Canada à Phoenix, le 22 mai 2024. (Photo: Chris Coduto / AFP / Getty Images)

EXPERT INVITÉ. À quelques semaines de l’élection présidentielle américaine qui oppose la candidate démocrate et vice-présidente des États-Unis, Kamala Harris, et le candidat républicain et ancien président, Donald Trump, plusieurs sondages indiquent une chaude lutte où environ sept états clés détermineront l’identité du prochain dirigeant.

Peu importe le choix, le Québec et l’ensemble du Canada doivent s’attendre à un certain niveau d’incertitude et d’imprévisibilité.

En 2016, l’entrée en scène de Donald Trump a transformé la dynamique conventionnelle entre le Canada et les États-Unis.

Tôt dans son mandat, en 2017, le président Trump a indiqué son intention de quitter l’ALENA, signé en 1993 avec le Canada et le Mexique. Le choc a été instantané et les années qui ont suivi n’ont rien fait pour rassurer les deux autres partenaires de l’entente.

Finalement, après plusieurs rencontres et soubresauts de 2017 à 2020, une entente fut signée à l’été 2020. La nouvelle entente, maintenant l’ACEUM, a modifié certaines dispositions concernant des règles d’origine et instauré un mécanisme pour assurer que l’entente s’ajustera aux nouvelles réalités. L’entente est d’une durée de 16 ans avec un contexte de révision.

L’arrivée au pouvoir du démocrate Joe Biden, en 2020, a coïncidé avec la mise en application de l’entente. En 2026, l’ACEUM doit faire l’objet de révision. Les trois pays partenaires se préparent donc en conséquence.

Cette année, le Mexique s’est choisi un nouveau gouvernement dirigé par la présidente Claudia Sheinbaum. Les États-Unis choisiront leur prochain président le 5 novembre. Quant au Canada, le divorce politique entre le gouvernement libéral et le Nouveau Parti démocratique apporte de l’incertitude au sujet de la date du prochain scrutin. Chose certaine, des élections fédérales auront eu lieu au pays avant la révision de l’ACEUM en 2026.

Se préparer en conséquence

C’est dans ce contexte que chaque pays se prépare déjà et que chacun s’apprête à prioriser ses intérêts. Sous l’administration Biden, on a observé un ton différent que sous celle de Trump.

Toutefois, sur le fond, le protectionnisme économique et commercial reste de la partie.

Puis, il ne faut pas oublier que Kamala Harris, lorsqu’elle était sénatrice en 2020, a voté contre l’ACEUM.

Il est juste de prévoir que peu importe le gagnant des élections du 5 novembre, les États-Unis ne feront pas de cadeau au Canada.

De plus, le Congrès américain sera lui aussi renouvelé lors du scrutin du 5 novembre. Le tiers des sièges du Sénat sont en jeu. C’est la totalité des sièges du côté de la Chambre des représentants. S’ajoutent à cela une douzaine de postes de gouverneurs dans différents États.

Quoi qu’il arrive lors de cette élection, il est prévu que les Américains seront en consultation publique pour déterminer ce qu’ils souhaitent apporter à la révision de l’ACEUM à partir du 1er octobre 2025.

Le scénario d’un retour de Trump ne garantit pas une simple mise à jour de l’ACEUM. On peut s’attendre à une remise en question du bien-fondé de l’entente, ainsi que des batailles ciblées sur certains sujets comme la gestion de l’offre, le commerce numérique, la question du bois d’œuvre, la transition énergétique et les mécanismes de règlement et de litiges qui encadrent l’entente.

La question des tarifs, mise en place sous Trump et maintenue par Biden, sera aussi à l’ordre du jour. La situation ne serait pas plus facile sous une administration Harris. Le Canada doit donc se préparer.

La diplomatie en action

La leçon à retenir du dernier chapitre de négociation est justement l’avantage d’être bien préparé. En prévision de cette joute, le gouvernement canadien a mis en place ce qu’il appelle « l’équipe Canada » sous la gouverne des ministres François Philippe Champagne et Mary Nq.

Tout récemment, l’ambassadrice du Canada aux États-Unis, Kristen Hillman, a fait état des démarches réalisées depuis janvier dont plus de 500 réunions avec des personnalités américaines clés, incluant plus d’une trentaine de gouverneurs et d’administrations d’États.

Il faut ajouter que le Québec a 11 délégations et bureaux sur le territoire américain, ce qui est unique pour une province canadienne. Ces bureaux travaillent bien avec les ambassades du Canada aux États-Unis et au Mexique ainsi qu’avec la délégation générale du Québec à Mexico.

La diplomatie économique doit tisser des liens de façon régulière, promouvoir nos orientations, nous présenter comme des collaborateurs et non des adversaires. Cela permettra de régler certains irritants, si possible avant le début des négociations en 2025 pour faire valoir que nous sommes des partenaires stratégiques tournés vers l’avenir. Nos représentations à l’étranger joueront un rôle essentiel à ce chapitre.

Au-delà des intérêts individuels des trois membres de l’ACEUM, il faut dire que les trois économies sont largement intégrées et qu’elles le demeureront. Le volume quotidien très élevé des échanges fait en sorte qu’un dialogue proactif et que des efforts qui vont bien au-delà des instances de négociation s’imposent.

D’ici là, la soirée électorale américaine du 5 novembre sera déterminante. Car, le choix du prochain président des États-Unis aura une répercussion sur les plans social, économique, environnemental et géopolitique dans la négociation. Le choix des Américains entraînera inévitablement des conséquences pour les Canadiens.