«Les exemples de réussites entrepreneuriales féminines foisonnent.» (Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. Le mois dernier, les Chefs de l’Assemblée des Premières Nations se sont réunis à Montréal dans le cadre de son Assemblée générale annuelle. Pour l’occasion s’est tenu un banquet sous le thème du leadership féminin autochtone. Pourquoi avoir choisi ce thème plus qu’un autre se demanderont certains? Permettez-moi de vous éclairer à ce sujet.
Des décennies de colonialisme ont instauré un modèle de gouvernance patriarcal qui a changé profondément les pratiques politiques des Peuples autochtones, et ce, partout dans le monde. Ce nouveau système a profondément dégradé le rôle des femmes autochtones et les a écartées de toute position de prise de décision et de leadership dans leurs communautés. Les conséquences perdurent encore aujourd’hui, on peut le remarquer, notamment dans le domaine de l’entrepreneuriat et du développement socioéconomique, qui a longtemps relevé presque exclusivement des hommes autochtones.
Heureusement, depuis quelques années, on remarque un changement de paradigme à cet effet. D’abord, au niveau de l’entrepreneuriat, selon Statistiques Canada, «de 2005 à 2018, les entreprises autochtones appartenant à des femmes ont augmenté plus rapidement (+3,3% en moyenne) que les entreprises autochtones appartenant à des hommes (+2,2%)». Elles demeurent toutefois minoritaires vis-à-vis les hommes pour 24,7% contre 71,8% d’entreprises appartenant respectivement à des femmes et à des hommes autochtones.
Contribuant sans doute à rattraper cet écart, l’entrepreneuriat féminin est notamment soutenu par de nombreux programmes aux services des femmes. Par exemple, le Programme de soutien à l’entrepreneuriat féminin autochtone (PSEFA) de la Commission de développement économique des Premières Nations du Québec et du Labrador (CDEPNQL) qui veut favoriser l’accès des femmes entrepreneures autochtones à des ressources professionnelles dans le cadre d’un projet d’affaires existant ou en démarrage et appuyer les femmes entrepreneures autochtones dans la création d’un site Internet, le développement d’un site existant ou encore l’implantation d’une plateforme transactionnelle.
Les exemples de réussites entrepreneuriales féminines foisonnent! Je pense, entre autres, à Onquata dont la popularité des pagaies créées par le duo mère-fille est indéniable, aux nombreuses artisanes-commerçantes, à Akua Nature et la boutique Ashukan, ou encore plus récemment, à Josée Leblanc, créatrice du nouveau magazine autochtone, Atikuss.
Par ailleurs, il est dans l’intérêt de toute entreprise d’embaucher et de valoriser le rôle des femmes dans leur organisation. D’abord, car l’argument économique est convaincant: selon une étude de McKinsey, «les entreprises présentant des niveaux élevés de diversité ethnique, culturelle et de genre ont davantage tendance à surpasser leurs homologues moins diversifiés sur le plan de la rentabilité».
C’est sans compter la plus-value qu’apporte un leadership généralement plus collaboratif, inclusif, empathique, humble, pour ne nommer que quelques caractéristiques générales du leadership féminin autochtone. Loin de moi l’idée d’embarquer dans les stéréotypes, mais cette approche dite « féminine » apporte un équilibre nécessaire dans les organisations et communautés.
Le développement socioéconomique des communautés autochtones est non seulement assumé de plus en plus par des femmes entrepreneures, mais également par le nombre croissant de femmes autochtones dans des postes de haut niveau et de pouvoir. De façon générale, les femmes autochtones accordent une attention particulière aux domaines qui ont été trop souvent mis de côté par le leadership masculin, tels que l’éducation, la famille, la santé et le mieux-être, la culture et la langue. C’est d’ailleurs pourquoi elles occupent généralement des emplois dans les secteurs liés à ces domaines.
Cela dit, de plus en plus de femmes sont nommées et élues en tant que directrices, conseillères, vice-cheffes, Cheffes ou même Grandes Cheffes. Sans mettre de côté le développement socioéconomique par des voies traditionnelles, telles que l’exploitation des ressources naturelles, le leadership féminin autochtone mise généralement plus sur la force de l’éducation et de former la relève, sur l’importance de la langue et de la culture, la mise en valeur des territoires et la protection de l’environnement, par rapport à leurs homologues masculins.
Le leadership féminin autochtone est en plein essor et retrouve la place qui a longtemps été la sienne au sein des communautés des Premières Nations. Ce sont nos communautés et l’ensemble de la société qui bénéficient de ce retour à l’équilibre bien nécessaire.