Les actions de Parex Resources ont chuté de plus de 20%, jeudi.(Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. Il est extrêmement difficile aujourd’hui de faire un pari sur l’évolution à court terme du prix du baril de pétrole. En cause la guerre en Ukraine, le conflit au Proche-Orient, la politique de l’OPEP+ ou encore la demande chinoise. Cependant, on parle peu de la consommation d’énergie par type de source et de son évolution. Nous nous attarderons aujourd’hui sur les statistiques concernant les deux premières puissances mondiales: les États-Unis et la Chine. Synthèse et analyse.
Les États-Unis
Comme chaque année, l’Energy Information Administration (EIA) publie les détails de la consommation américaine par type de source énergétique pour l’année écoulée.
On y apprend tout d’abord que les données sont en Quad ce qui correspond à:
- 8 007 000 000 000 gallons d’essence (1 galon correspondant à 3,8 litres)
- 293 071 000 000 000 kilowattheures (kWh)
- 36 000 000 000 tonnes de charbon
- 970 434 000 000 000 de pieds cubes de gaz naturel
- 25 200 000 tonnes de pétrole
- 252 000 000 000 tonnes de TNT
- 13,3 tonnes d’uranium 235-235
Pour mémoire, 1 Quad égale à un quadrillion (10^15) de British Thermal Units (BTU).
Les évolutions
Si on compare le type de consommation par source énergétique, on peut faire plusieurs constats. Tout d’abord que le pétrole est toujours l’énergie la plus utilisée aux États-Unis. Viennent ensuite le gaz naturel, le charbon et le nucléaire.
La part du pétrole dans la consommation totale d’énergie des États-Unis a atteint son maximum dans les années 1970. En 1978, la consommation totale de pétrole représentait environ 49% (38 quads) de la consommation totale d’énergie aux États-Unis.
En 2023, la part du pétrole dans la consommation totale d’énergie des États-Unis était d’environ 38% (35 quads). La consommation américaine de pétrole a diminué en 2020, en grande partie en raison de la réponse à la pandémie de COVID-19, et a augmenté les années suivantes à mesure que l’économie retrouvait son niveau d’activité d’avant la pandémie.
Ensuite on constate que les plus fortes progressions sont à mettre sur le compte du solaire, du vent et de l’hydroélectricité. Les plus fortes baisses concernent le charbon et le géothermal.
Enfin, la production et la consommation d’énergies renouvelables ont toutes deux atteint des niveaux record en 2023: la production représentait environ 9% (8,43 quads) de la production totale d’énergie primaire et la consommation environ 9% (8,24 quads) de la consommation totale d’énergie primaire.
Les augmentations de ces dernières années ont été principalement dues à de fortes hausses de la production d’énergie solaire (on constate que la part de consommation d’énergie solaire [11% des 9% de l’énergie renouvelable] est minime en comparaison avec celle du pétrole) et éolienne. La production d’hydroélectricité en 2023 était inférieure d’environ 6% à celle de 2022.
La production et la consommation totale d’énergie biomasse en 2023 étaient toutes deux supérieures à celles de 2022, mais inférieures aux records atteints en 2018. Les biocarburants représentaient environ 53% de la consommation totale de biomasse en 2023. La consommation d’énergie géothermique a atteint un niveau record en 2023.
La carte ci-dessous montre la part de la consommation d’énergie primaire provenant de sources renouvelables dans les différents pays, et il en ressort qu’il existe un besoin important d’investissement dans les énergies renouvelables dans le monde entier.
Le développement du nucléaire
La production d’énergie nucléaire dans les centrales nucléaires commerciales des États-Unis a commencé en 1957, a augmenté chaque année jusqu’en 1990 à mesure que le nombre de centrales nucléaires et la capacité de production d’électricité nucléaire augmentaient, et s’est généralement stabilisée de 2001 à 2019.
La part de l’énergie nucléaire dans la consommation d’énergie des États-Unis a atteint son maximum en 2020, soit environ 9% (8,25 quads).
La modernisation des réacteurs et le raccourcissement des cycles de ravitaillement et de maintenance des centrales nucléaires ont permis de compenser la diminution du nombre de réacteurs nucléaires en service depuis les années 1990. De 2020 à 2022, la production annuelle totale d’électricité d’origine nucléaire a diminué après la mise hors service de deux centrales nucléaires en 2020, d’une centrale en 2021 et d’une autre en 2022.
En 2023, la production d’électricité nucléaire a augmenté par rapport à 2022, car un nouveau réacteur a été mis en service au cours de l’année. En 2023, la part de l’énergie nucléaire dans la consommation totale d’énergie aux États-Unis était d’environ 9% (8,10 quads).
Gaspillage
Sur le graphique de la consommation d’énergie (ci-dessous de 2022 — derniers chiffres disponibles), on constate que 67,3% de toute l’énergie est en fait de l’énergie rejetée, ou dit avec d’autres mots: c’est de l’énergie qui est gaspillée à cause de certaines inefficacités.
Par secteur, sans surprise, les mauvais élèves sont:
- Habitat résidentiel: 35% de rejet soit 4,08 quads
- Commercial: 35% de rejet soit 3,18 quads
- Industriel: 47,35% de rejet soit 13,2 quads
- Transport: 79,15% de rejet soit 21,2 quads
Là où le bât blesse, c’est que le secteur des transports a utilisé 24,6 quads en 2022 soit 28% de la consommation totale, mais a perdu (gaspillé) 21,2 quads de cette énergie à cause de la pauvreté de son efficience énergétique.
Ce gaspillage étant plus élevé que le cumul de la consommation des trois autres secteurs (habitat résidentiel, commercial, industrie).
La Chine
En septembre 2020, le président chinois Xi Jinping a annoncé par vidéoconférence devant l’Assemblée des Nations unies à New York les mesures que prendrait son pays pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2060.
Une Chine neutre en carbone nécessite de changer l’ensemble de l’économie au cours des 40 prochaines années, un changement que l’AIE compare à l’ambition des réformes qui ont industrialisé l’économie du pays en premier lieu.
La Chine est le plus grand consommateur d’électricité au monde, loin devant le deuxième consommateur, les États-Unis.
Actuellement, 80% de l’énergie de la Chine provient de combustibles fossiles, mais ce plan prévoit que seulement 14% de cette énergie proviendra du charbon, du pétrole et du gaz naturel en 2060.
Selon le Carbon Brief, le 14e plan quinquennal de la Chine semble consacrer l’objectif de Xi. Ce plan présente une liste générale et non spécifique de projets pour un nouveau système énergétique. Il comprend la construction de huit centres d’énergie propre à grande échelle, l’énergie nucléaire côtière, les routes de transmission de l’électricité, la flexibilité du système électrique, le transport du pétrole et du gaz, et la capacité de stockage.
Le mix énergétique de la Chine
Bien que l’objectif semble éloigné dans le futur, la Chine est sur une trajectoire de réduction des émissions de carbone de son réseau électrique grâce notamment à l’augmentation du nucléaire et à l’accroissement de la capacité de production d’énergie solaire.
Selon ChinaPower, le charbon a alimenté l’essor de la Chine, le pays ayant utilisé 144 millions de tonnes d’équivalent pétrole (Mtep) en 1965, pour atteindre un pic de 1 969 Mtep en 2013. Cependant, sa part dans le mix énergétique total du pays a diminué depuis les années 1990, passant de ~77% à un peu moins de ~60%.
Une autre tendance de la transition énergétique de la Chine sera la plus grande consommation d’énergie sous forme d’électricité. Au fur et à mesure que la Chine s’est urbanisée, ses villes se sont étendues, créant une plus grande demande d’électricité dans les foyers, les entreprises et la vie quotidienne. Cette tendance devrait se poursuivre et approcher les 40% de l’énergie totale consommée d’ici 2030, contre environ 5% en 1990.
Selon le nouveau plan, d’ici 2060, 42% de l’énergie consommée par la Chine proviendra de l’énergie solaire et nucléaire, contre 6% seulement en 2025. La Chine a augmenté sa capacité nucléaire et solaire et prévoit d’ajouter l’équivalent de 20 nouveaux réacteurs d’ici 2025 et suffisamment d’énergie solaire pour 33 millions de foyers (110 GW).
Changer le mix énergétique pour s’éloigner des combustibles fossiles, tout en inaugurant un nouveau modèle économique, n’est pas une mince affaire, ce d’autant plus que le charbon est toujours considéré comme une matière première de haute nécessité pour le redémarrage de l’économie du pays qui se remet lentement de la politique de la Covid zéro.
Synthèse
Il y a deux importants constats à faire par rapport aux statistiques de consommation d’énergie. Tout d’abord que le pétrole a encore de beaux jours devant lui et ensuite que la croissance du vent et du solaire est très importante. La transition énergétique prendra (malheureusement) du temps, mais est plus que nécessaire.