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John Plassard

Préparé pour le futur

John Plassard

Expert(e) invité(e)

Le protectionnisme est-il bon pour l’économie?  

John Plassard|Publié le 20 juin 2024

Le protectionnisme est-il bon pour l’économie?  

Sur le papier, le Rassemblement national et Donald Trump n’ont pas grand-chose en commun. (Photo: Getty Images)

EXPERT INVITÉ. Les récentes élections européennes et les futures élections présidentielles américaines pourraient laisser des traces dans l’inconscient collectif, mais aussi dans la manière de faire du commerce avec les autres pays et les autres nations. En effet, la montée en force du populisme laisse planer des doutes concernant une hausse du protectionnisme. Il s’agit aujourd’hui d’analyser ses conséquences économiques et les… possibilités d’investissement! Synthèse et analyse.  

Les faits  

Sur le papier, le Rassemblement national et Donald Trump n’ont pas grand-chose en commun.   

Il y a cependant une valeur qu’ils «partagent» (le mot est fort): le protectionnisme.  

De son côté, le Rassemblement national affirme aussi sur son site internet que «refuser le protectionnisme, c’est baisser les bras face au chômage».  

Enfin, la politique commerciale de Donald Trump est une politique ouvertement protectionniste mise en place lors de la présidence. Celui-ci a dénoncé à de nombreuses reprises des accords de libre-échange déjà signés, notamment l’ALENA. Il a également fait sortir les États-Unis de l’Accord de partenariat transpacifique.  

Bref, la menace du protectionnisme est partout. Cependant, comment le protectionnisme affecte-t-il l’économie?  

La définition du protectionnisme 

Pour les entreprises, la politique protectionniste a brouillé les pistes ces dernières années, rendant le paysage de plus en plus incertain avec des complexités croissantes au niveau national et international et affectant la façon dont l’industrie interagit. Mais qu’est-ce que le protectionnisme et comment les entreprises doivent-elles s’y retrouver?  

Le protectionnisme désigne la politique de protection des industries nationales contre la concurrence étrangère au moyen de droits de douane, de quotas d’importation et de subventions, ou d’autres restrictions imposées aux importations de concurrents étrangers.  

Les gouvernements peuvent mettre en œuvre des politiques protectionnistes dans le but d’améliorer l’activité économique dans son ensemble, mais ces politiques peuvent également être le résultat de préoccupations des gouvernements ou d’un scepticisme croissant à l’égard des accords commerciaux multilatéraux.  

Au-delà des barrières commerciales, le protectionnisme influence de plus en plus les actifs nationaux, notamment la technologie, qui est devenue le dernier champ de bataille et la nouvelle frontière de la suprématie mondiale entre les États-Unis et la Chine et au-delà.  

Les politiques protectionnistes sont mises en œuvre par de nombreux pays dans le but d’atténuer la concurrence et de protéger l’économie au niveau local et national. Toutefois, de nombreux économistes estiment que l’économie mondiale bénéficie plus généralement du libre-échange et que les mesures protectionnistes sont contre-productives à l’échelle mondiale.  

Suivant: Avantages et désavantages du protectionnisme?  

Avantages et désavantages du protectionnisme?  

Une politique commerciale protectionniste peut permettre aux gouvernements de promouvoir le commerce et la production nationale de biens et de services, en imposant des droits de douane, des subventions et des quotas ou en limitant d’une manière ou d’une autre la présence de biens et de services étrangers sur le marché.  

Toutefois, à long terme, s’éloigner des politiques de libre-échange ou déployer des actions protectionnistes peut être préjudiciable aux pays en ralentissant la croissance économique et en augmentant l’inflation.  

Au niveau national, les mesures protectionnistes restreignant les importations pourraient favoriser activement la réussite commerciale et la production des entreprises accédant à un marché moins concurrentiel, ce qui pourrait renforcer le flux économique national.  

De même, les barrières commerciales entraînent une augmentation des coûts pour les investisseurs internationaux dans les biens, les services ou les technologies exportés. Pour les entreprises en croissance et les nouveaux venus sur le marché, le protectionnisme peut également stimuler la croissance nationale dans les secteurs dominés par des puissances internationales.  

À cela on peut ajouter que le protectionnisme peut affaiblir activement les économies nationales par le biais de mesures très restrictives. Pour les entreprises, de telles restrictions pourraient être catastrophiques en raison des limitations imposées en dehors d’un marché libre et de l’étouffement de l’innovation.  

Ces mesures peuvent avoir pour conséquence de rendre les marchés moins compétitifs, en particulier pour les entreprises qui cherchent à accéder à des marchés où les politiques protectionnistes nationales sont contraignantes et où les concurrents bénéficient d’avantages grâce à des restrictions déséquilibrées. À long terme, cela peut conduire à l’isolement économique des entreprises et des marchés.  

La théorie de Friedrich List  

Lorsqu’on parle de protectionnisme, on ne peut s’empêcher de penser à Friedrich List (né le 6 août 1789 à Reutlingen, Württemberg, Allemagne). Cet économiste germano-américain pensait que les droits de douane sur les marchandises importées stimuleraient le développement national. List soutenait également le libre échange des produits nationaux et s’est fait connaître en tant que fondateur et secrétaire d’une association d’industriels d’Allemagne moyenne et méridionale qui cherchaient à abolir les barrières tarifaires à l’intérieur des États allemands. On appelle cela la théorie de List.  

Largement autodidacte, List prône des réformes dans la fonction publique allemande et encourage une plus grande publicité des procédures judiciaires, ce qui lui vaut d’être exilé en 1825. Il s’installe aux États-Unis et devient rédacteur en chef d’un journal de langue allemande à Reading, en Pennsylvanie.  

En 1827, il publie Outlines of American Political Economy, dans lequel il affirme qu’une économie nationale en phase initiale d’industrialisation nécessite une protection tarifaire. Selon lui, le coût d’un tarif douanier doit être considéré comme un investissement dans la productivité future d’une nation.  

Après avoir obtenu la citoyenneté américaine, List retourne en Allemagne en 1834 pour occuper le poste de consul des États-Unis à Leipzig.  

C’est là qu’il écrit son livre le plus connu, Système national d’économie politique (1841). À noter que List se suicide quelques années plus tard en proie à des … difficultés financières.  

Suivant: Conséquences réelles du protectionnisme  

Conséquences réelles du protectionnisme  

Il y a beaucoup de littérature concernant les effets du protectionnisme sur l’économie en général. On peut tenter d’analyser un des derniers exemples en date: la présidence de Donald Trump.  

• Répercutions économiques:  

Selon les études de S&P Global, il n’y a pas de véritables gagnants dans la guerre commerciale initiée par les États-Unis à l’arrivée de l’ancien président au pouvoir.  

Les pays confrontés à de nouveaux droits de douane, y compris les États-Unis, voient leurs exportations réelles et leur PIB diminuer.  

D’autres pays sont indirectement touchés par la baisse de la demande pour leurs propres exportations, soit à travers les chaînes d’approvisionnement, soit en réponse à une croissance économique mondiale plus faible.  

Ces effets l’emportent sur les gains potentiels d’une réorientation des échanges pour éviter les droits de douane. Dans le scénario protectionniste, le niveau du PIB réel mondial est réduit de 0,1% en 2018, de 0,8% en 2019 et de 1,4% en 2020. Ainsi, la croissance économique mondiale en 2019 et 2020 ne dépasse que marginalement le seuil de 2,0% pour une récession mondiale.  

Le commerce mondial a souffert d’un environnement plus protectionniste. En effet, les pays se sont repliés sur eux-mêmes, et les entreprises multinationales ont déplacé leur production vers les marchés finaux pour rester compétitives. Dans ce scénario, les exportations mondiales réelles de biens et de services ont été inférieures de 2,4% au niveau de référence entre 2018 et 2020. Les baisses les plus marquées des exportations réelles se sont produites en Chine et dans les trois pays d’Amérique du Nord.  

Il n’est pas surprenant que les États-Unis aient connu la plus forte baisse des importations réelles de biens et de services. En effet, par rapport au niveau de référence, les importations réelles des États-Unis ont diminué de 4,5% en 2020.  

En raison de la forte dépendance de la Chine vis-à-vis de ses exportations, le pays a également enregistré une baisse significative de ses importations réelles, qui ont diminué de 3,2% par rapport au niveau de référence en 2020.  

• Incidences sur le plan de l’emploi  

Ensuite, il faut analyser les bienfaits (ou non) pour les travailleurs. Selon les estimations de l’analyste Geoffrey Gertz, les travailleurs qui produisent les biens spécifiques couverts par les droits de douane bénéficient généralement du protectionnisme.  

Bien qu’il soit difficile d’établir des chiffres exacts, les droits de douane sur les produits sidérurgiques semblent avoir contribué à la création de plusieurs milliers d’emplois dans l’industrie de l’acier; de même, les droits de douane sur les machines à laver sont associés à environ 1 800 nouveaux emplois dans les usines de Whirlpool, Samsung et LG aux États-Unis. Dans ces secteurs spécifiques, les droits de douane ont donc probablement été bénéfiques pour les travailleurs.  

Mais tout avantage pour les travailleurs des industries concurrentes des importations doit être mis en balance avec les pertes subies par deux autres groupes de travailleurs.  

Premièrement, de nombreux travailleurs sont employés dans des usines qui utilisent des biens importés comme intrants dans leurs processus de production, et lorsque le coût de ces importations augmente en raison des droits de douane, cela nuit à leur production, ce qui entraîne souvent des pertes d’emploi.  

Deuxièmement, lorsque les États-Unis imposent unilatéralement des droits de douane, les partenaires commerciaux américains appliquent souvent des droits de douane de rétorsion qui peuvent limiter la production d’exportations américaines, ce qui, en fin de compte, nuit également aux travailleurs de ces industries.  

• Des pouvoirs sur le plan de la «pression»  

Il est important de se focaliser sur le protectionnisme en tant que moyen de pression.  

L’administration Trump a fait valoir en son temps que les droits de douane faisaient partie d’une position de négociation plus stricte qui donnerait aux États-Unis un moyen de pression pour obtenir des accords commerciaux plus favorables.  

Au cours de son premier mandat, l’administration a conclu deux accords commerciaux majeurs: l’accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), qui a mis à jour l’ancien accord de libre-échange nord-américain (ALENA), et l’accord dit «de phase 1» avec la Chine.  

Les droits de douane américains ont certainement façonné le contexte des négociations de l’ACEUM et de la Chine: en l’absence de pressions américaines, notamment l’application de droits de douane et la menace de droits de douane futurs, il semble peu probable que le Mexique et le Canada ou la Chine aient cherché à négocier un nouvel accord avec l’administration Trump.  

En ce sens, les droits de douane de Trump ont donné aux négociateurs commerciaux américains un certain pouvoir.  

• Effets sur le plan de la sécurité nationale  

Il est difficile d’évaluer toutes les conséquences de la politique commerciale sur la sécurité nationale. Dans l’ensemble, les décideurs politiques de Washington s’accordent à dire que l’intensification de la concurrence entre les États-Unis et la Chine en matière de sécurité justifie une révision de la stratégie économique des années 1990 et 2000, qui reposait principalement sur un engagement accru. Mais les changements nécessaires ne sont pas toujours clairs.  

Les arguments en faveur de la sécurité nationale pour les droits de douane sur l’acier et l’aluminium sont encore plus obscurs: s’il peut être justifié de garantir la capacité de production nationale de ces produits, il n’est pas certain que les droits de douane soient le meilleur instrument (ni même qu’ils permettent d’atteindre cet objectif).  

Ces droits de douane ont contrarié bon nombre des partenaires les plus proches des États-Unis en matière de sécurité, en particulier le Canada. Ce qui a sapé les efforts visant à cultiver une alliance multilatérale plus large pour défier la Chine.  

En outre, les recours fréquents de l’administration Trump à la sécurité nationale pour des motifs peu convaincants rendront plus difficile la riposte des États-Unis lorsque d’autres pays dissimuleront le protectionnisme sous des appels ténus à la sécurité nationale. 

Suivant: Comment investir dans un tel environnement?  

Comment investir dans un tel environnement?  

Il est extrêmement difficile de répondre à cette question. Cependant, on peut dire que les actions des petites et moyennes capitalisations sont considérées comme un bon placement lorsque les pays annoncent des droits de douane.  

Les petites capitalisations offrent beaucoup plus de possibilités de trouver des entreprises axées sur les États-Unis (ou l’Europe par exemple) que les multinationales diversifiées qui composent l’univers des grandes capitalisations. Seulement 38 % des entreprises de l’indice Russell 2500 réalisent plus de 10% de leur chiffre d’affaires avec des acheteurs étrangers, contre 66% des entreprises de l’indice S&P 500.  

Les investisseurs ont adopté cette sagesse conventionnelle avec enthousiasme, poussant l’indice Russell 2500 des petites et moyennes capitalisations américaines à augmenter de 5,5% en 2018, contre 2,7% pour le S&P 500 jusqu’au 30 juin 2018. 

Rappelons cependant qu’en période de protectionnisme, les dépenses des consommateurs pourraient constituer un point sensible pour toutes sortes d’entreprises. Une chaîne de restaurants entièrement basée aux États-Unis peut dépendre principalement de l’appétit des Américains.  

Mais si, par exemple, les travailleurs américains des usines et des exploitations agricoles perdent leur emploi ou voient leurs heures de travail réduites, il est peu probable qu’ils s’arrêtent aussi souvent pour manger.  

Les investisseurs doivent être attentifs à ces nuances et se méfier des affirmations selon lesquelles une guerre commerciale est «bonne» pour les actions des PME. La vérité est qu’une guerre commerciale affectera profondément les entreprises de toutes tailles et qu’il est important de comprendre les risques spécifiques et relatifs pour chaque action individuelle d’un portefeuille.  

Il convient donc d’analyser certaines entreprises constituant le Russell 2000 par exemple au lieu d’acheter simplement l’ETF Russell 2000.  

Synthèse  

Comme on l’a constaté dans cette étude, le protectionnisme n’est historiquement pas une bonne chose pour la croissance économique d’un pays. Il y a cependant certaines thématiques qui surperforment durant ces phases de «renfermements». On peut notamment citer les petites et moyennes entreprises. Que cela soit aux États-Unis ou en Europe…