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Alan Freeman

Économie: d'une frontière à l'autre

Alan Freeman

Expert(e) invité(e)

Les Américains ne s’intéressent pas au Canada, et c’est une bonne chose!

Alan Freeman|Mis à jour le 11 octobre 2024

Les Américains ne s’intéressent pas au Canada, et c’est une bonne chose!

Les acteurs politiques et le public américains ont généralement une vision bienveillante du Canada. Après tout, nous sommes très semblables à bien des égards et nous ne représentons pas une grande menace. (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. En juillet 2006, alors que j’étais correspondant du Globe and Mail à Washington, le nouveau premier ministre canadien, Stephen Harper, est arrivé en ville pour sa première visite officielle avec le président américain George W. Bush.

C’était un événement important pour les journalistes canadiens et pour l’ambassade du Canada.

Sous Jean Chrétien et Paul Martin, les relations avec le président Bush avaient été glaciales, en grande partie parce que le Canada avait refusé d’appuyer l’invasion de l’Irak avec des troupes canadiennes.

Mais avec l’élection de M. Harper, on s’attendait à ce que les relations s’améliorent et à ce que les politiques conservatrices de Stephen Harper coïncident davantage avec celles de l’administration Bush.

En revanche, la Maison-Blanche ne semblait pas particulièrement intéressée par cette visite.

Pas de dîner d’État pour Stephen Harper

Aucun dîner d’État n’a été prévu, comme cela avait été le cas quelques jours plus tôt lors de la visite du premier ministre de l’Australie. De plus, seulement 40 minutes ont été allouées pour la rencontre entre les deux leaders.

Lors de la conférence de presse qui a suivi le tête-à-tête, le président Bush a fait l’éloge de Stephen Harper, qu’il a qualifié de solide allié.

Il a été question de bois d’œuvre et des projets du Congrès visant à obliger les Canadiens à se munir d’un passeport pour traverser la frontière, ce que le Canada espérait toujours empêcher, craignant l’effet négatif sur le tourisme.

Le lendemain, j’ai consulté le Washington Post pour voir comment ce vénérable quotidien avait couvert la visite.

Pas un mot!

Les autres médias n’étaient guère plus loquaces.

L’accent portait sur le fait que le président Bush avait fêté son 60e anniversaire et que le premier ministre Harper lui avait offert une boucle de ceinture pour souligner l’occasion.

C’était un sobre rappel de la place qu’occupe le Canada dans l’esprit des décideurs américains.

Alors que nous envisageons les répercussions de l’élection présidentielle du 5 novembre, nous devons réaliser que, quelle que soit l’importance de nos relations économiques mutuelles, nous ne devons pas nous attendre à ce que les États-Unis accordent beaucoup d’attention, voire aucune, au Canada.

En septembre, le prestigieux Center for Strategic and International Studies (CSIS), un groupe de réflexion basé à Washington, a publié un rapport sur la répercussion mondiale de l’élection présidentielle.

Seulement trois paragraphes à propos du Canada

La brique de 100 pages inclut des chapitres spéciaux sur l’alliance historique des États-Unis avec le Royaume-Uni, sans parler de l’importance de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande pour leur sécurité nationale.

Quant au Canada, il n’occupe que trois paragraphes dans un chapitre portant sur les relations des États-Unis avec les Amériques.

Trois paragraphes!

C’est un fait, le Canada est largement considéré comme acquis par nos voisins américains.

Mais honnêtement, nous ne devrions pas en perdre le sommeil.

Cette indifférence est peut-être une blessure à notre ego collectif, mais nous nous portons généralement mieux lorsque les États-Unis ne nous accordent que peu ou pas d’attention.

Les acteurs politiques et le public américains ont généralement une vision bienveillante du Canada. Après tout, nous sommes très semblables à bien des égards et nous ne représentons pas une grande menace.

Le Canada est considéré par la plupart des Américains comme un partenaire fiable, honnête et digne de confiance.

En matière de commerce, nos exportations vers les États-Unis sont plus ou moins invisibles. 

Les dossiers ayant intérêt à être des angles morts

L’Américain moyen ne se soucie sans doute pas de savoir si l’aluminium de ses canettes de bière provient du Québec, ou si sa Toyota Lexus a été fabriquée en Ontario.

Du reste, il est probablement préférable que personne n’y prête attention.

Car, lorsque les Américains s’intéressent au Canada, ce n’est généralement pas pour quelque chose de positif…

Par conséquent, il est préférable que Donald Trump ne se souvienne pas que le Canada consacre bien moins de 2% de son PIB à ses engagements en matière de défense, ce qui en fait un traînard au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN).

Il vaut sans doute mieux que les producteurs laitiers du Wisconsin oublient que le Canada craint tant la concurrence qu’il érige un mur tarifaire massif pour empêcher le fromage à bas prix d’envahir nos supermarchés — avec le système de la gestion de l’offre.

Nous préférons que les Américains pensent que tous les dangers aux frontières terrestres proviennent du Mexique et ignorent que le Canada est considéré comme une voie d’accès facile pour certains demandeurs d’asile désirant entrer aux États-Unis.

Il ne faut donc pas s’attendre à ce que le Canada fasse l’objet de beaucoup d’attention au cours du dernier mois de la campagne électorale présidentielle américaine.

Et c’est probablement une bonne chose.