Ce lundi 7 octobre marque le premier anniversaire de l’attaque terroriste du Hamas en Israël, qui a fait a plus de 1200 morts. Ce massacre a provoqué une contrattaque de l’État hébreu qui a pratiquement détruit Gaza et tué des dizaines de milliers de personnes. (Photo: Getty Images)
ANALYSE GÉOPOLITIQUE – Ce lundi 7 octobre marque le premier anniversaire de l’attaque terroriste du Hamas en Israël, qui a fait a plus de 1200 morts. Ce massacre a provoqué une contre-attaque de l’État hébreu qui a pratiquement détruit Gaza et tué des dizaines de milliers de personnes, provoquant ensuite une guerre avec le Hezbollah au Liban et l’intervention de l’Iran. Difficile d’être optimiste pour l’avenir du Moyen-Orient. Pourtant, un retour de la paix est possible à terme dans cette région du monde, mais à certaines conditions.
Les entreprises qui commercent dans ce coin de la planète ou qui faisaient habituellement transiter leurs marchandises par le canal de Suez et la mer Rouge pour importer ou exporter en Asie du Sud-Est — cette voie maritime n’est presque plus utilisée — peuvent donc garder espoir, mais disons à très long terme.
Et, détrompez-vous, ce n’est pas porter des lunettes roses que d’espérer une paix durable au Moyen-Orient.
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Prenez l’exemple de l’Europe occidentale. Durant des siècles, la France et l’Angleterre ont été des «ennemis héréditaires», sans parler des guerres révolutionnaires et napoléoniennes entre la France et ses voisins, au tournant du 19e siècle.
N’oublions pas non plus la Première Guerre mondiale (1914-1918) et la Deuxième Guerre mondiale (1939-1945) – une guerre civile européenne – qui ont ravagé l’Europe. Pourtant, les Européens de l’Ouest ont réussi à créer l’Union européenne et à instaurer une paix continentale.
Qui peut imaginer aujourd’hui une guerre entre la France et le Royaume-Uni ou entre l’Allemagne et une coalition franco-britannique?
Eh bien, c’est à peu près la même logique au Moyen-Orient.
Le Moyen-Orient n’a pas toujours été en guerre
Contrairement à une idée reçue, cette région du monde n’a pas toujours été en guerre, même si elle a connu son lot de conflits au fil des siècles.
Juste avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale, la région était d’ailleurs relativement stable. Il faut dire que l’Empire ottoman (dont la Turquie est l’héritière), fondé à la fin du 13e siècle, englobait alors la plupart des pays actuels du Proche-Orient.
La plupart des historiens s’entendent pour dire que c’est la création de l’État d’Israël, en 1948, au lendemain du génocide des Juifs en Europe par les Nazis, qui a déstabilisé la région.
C’est sans parler de la révolution islamique iranienne, en 1979 — qui a porté au pouvoir un régime religieux intégriste — qui souhaite la destruction de l’État hébreu, tout comme le Hamas et le Hezbollah, deux milices pro-iraniennes.
Même s’il y a eu des royaumes hébreux en Judée durant l’Antiquité et une présence juive constante au fil des millénaires en Palestine (le nom donné par les Romains à cette région), les pays arabes n’ont pas accepté la création d’Israël – qui a forcé à l’exode des milliers de Palestiniens à l’époque.
C’est pourquoi l’État hébreu et les pays arabes ont été en guerre à plusieurs reprises depuis 1948, explique le géographe et historien Yves Lacoste dans Géopolitique : la longue histoire d’aujourd’hui (Larousse, 2012):
- 1948 : 1re guerre israélo-arabe – des armées arabes (égyptienne, jordanienne, irakienne, syro-libanaise) ont envahi Israël, mais ont été repoussées.
- 1967 : la guerre des Six Jours – au terme de cette guerre, Israël occupe toujours la Cisjordanie – qui était occupée auparavant par la Jordanie, un pays arabe.
- 1973 : la guerre du Kippour – une coalition militaire formée de l’Égypte et de la Syrie a attaqué par surprise l’État hébreu, qui l’a finalement repoussée.
Les rendez-vous ratés pour la paix
Pourtant, après trois décennies de guerre, l’Égypte dirigée par le président Anouar el-Sadate a décidé en 1975 de signer un traité de paix avec Israël. Il a mené aux Accords de Camp David, en 1978, qui ont contribué plus tard à la reconnaissance de l’État hébreu.
Puis, en 1993, l’inimaginable s’est produit: le 13 septembre 1993, à Washington, le chef de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Yasser Arafat, et le premier ministre israélien, Yizthak Rabin, ont échangé une poignée de main historique pour sceller les Accords d’Oslo.
Pour l’essentiel, ils établissaient une feuille de route pour la paix, avec une reconnaissance mutuelle entre Palestiniens et Israéliens. Les accords prévoyaient aussi l’autonomie de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, ainsi que d’autres négociations futures à propos de Jérusalem, des réfugiés et des frontières.
Toutefois, les extrémistes religieux juifs et palestiniens du Hamas ont torpillé les accords, les premiers en assassinant le premier ministre Rabin (en 1995), les seconds en perpétrant des attentats terroristes en Israël.
Depuis, la colonisation juive de la Cisjordanie se poursuit. En revanche, Israël a évacué ses colons de Gaza en 2005.
En 2020, sous l’égide de l’administration de Donald Trump, Israël et des pays arabes, dont les Émirats arabes unis, ont signé les Accords d’Abraham afin de normaliser leurs relations diplomatiques, économiques et sécuritaires.
Ils prévoyaient aussi la suspension de l’annexion de territoires palestiniens par Israël.
En 2023, il y avait même des rapprochements afin de normaliser aussi les relations entre Israël et l’Arabie saoudite, un acteur de premier plan dans la région et rival de l’Iran.
Or, l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023 a mis fin à ce rapprochement, qui aurait sans doute marginalisé les revendications des Palestiniens, selon certains observateurs.
Bref, cette attaque terroriste visait à torpiller le rapprochement entre Israéliens et Saoudiens, qui auraient aussi de facto marginalisé l’Iran et ses milices alliées dans la région, à commencer par le Hamas et le Hezbollah.
Ce qui nous ramène à la crise actuelle, alors qu’Israël tente d’éradiquer le Hamas à Gaza et qu’il essaie maintenant d’affaiblir le Hezbollah au Liban, donc, de facto, l’Iran, puisque la milice chiite est une création du régime des Mollahs à Téhéran.
Au moment de mettre cette analyse en ligne, l’armée israélienne n’avait pas encore répliqué directement à l’attaque de missiles lancée par l’Iran contre l’État hébreu, le 1er octobre. Le premier ministre Benjamin Nétanyahou a promis de riposter.
Israël bombardera-t-il les infrastructures nucléaires civiles de l’Iran, qui peuvent permettre au régime de se doter de la bombe atomique en relativement peu de temps?
Israël bombardera-t-il d’autres infrastructures stratégiques du pays, comme des installations pétrolières?
Israël continuera-t-il de s’en prendre uniquement au Hezbollah au Liban – et de facto, à la population civile libanaise – pour ainsi affaiblir l’Iran, qui a déjà perdu son allié du Hamas pour un avenir prévisible?
Les conditions nécessaires pour pacifier la région
Si on prend de la hauteur et du recul, trois conditions sont nécessaires pour espérer rétablir une paix durable au Moyen-Orient – et une quatrième qui pourrait faciliter ce processus dans la région.
1. L’Iran et ses milices alliées doivent reconnaître Israël – L’État hébreu est légitime et il est là pour de bon. Même si les deux pays ne seront pas des alliés dans un avenir prévisible, ils peuvent néanmoins avoir des relations diplomatiques, comme la Chine et les États-Unis, qui ne veulent pas se détruire mutuellement.
2. Israël doit cesser de construire des colonies en territoire palestinien – Selon le droit international, l’État hébreu occupe illégalement la Cisjordanie depuis 1967. Une évacuation du demi-million de Juifs répartis dans plus de 130 colonies apparaît impossible. La création de nouvelles colonies doit donc cesser.
3. Les Palestiniens doivent avoir leur État national comme les Juifs – Les Palestiniens ont le droit à l’autodétermination, à Gaza comme en Cisjordanie. Deux défis pointent toutefois à l’horizon.
D’une part, comment faire avec les colonies juives réparties en Cisjordanie? Selon des analystes, des transferts de population seraient nécessaires. D’autre part, quel gouvernement dirigerait ce nouvel État? Un régime terroriste comme à Gaza ou un régime modéré et ami comme en Jordanie? Les Israéliens refuseront toujours la création d’un État voyou à leur frontière.
Et la quatrième condition?
C’est l’éléphant dans la grande pièce du Moyen-Orient: le régime des Mollahs à Téhéran.
Sans nécessairement être une démocratie, il va sans dire que la présence d’un nouveau régime plus modéré en Iran pourrait faciliter la pacification de cette région du monde, en cessant par exemple d’appuyer des milices anti-Israël.
L’ancienne Perse est une vieille civilisation millénaire et raffinée, qui a toujours ou presque été un acteur géopolitique de premier plan au Moyen-Orient. Ce pays de 88 millions d’habitants a donc le potentiel de devenir une puissance moyenne constructive dans le système international.
Ce scénario d’avenir est-il trop optimiste, voire naïf?
Peut-être.
En revanche, il ne l’est pas plus que celui imaginé durant la Deuxième Guerre mondiale par certains politiques et intellectuels, alors que les combats faisaient encore rage en Europe, voulant qu’un jour les Européens de l’Ouest pourraient faire la paix et commercer entre eux, tout en devenant de bons voisins.