Les équipes RH, la carte cachée des transformations numériques
Olivier Laquinte|Mis à jour le 21 octobre 2024Photo: gstockstudio pour 123fr.com
EXPERT INVITÉ. Plus que jamais, je suis persuadé que la véritable clé pour apprivoiser et tirer parti de la technologie ne réside pas dans les outils eux-mêmes, mais dans la capacité des organisations à développer une «culture numérique» solide.
Mais qu’est-ce que la culture numérique?
La culture numérique ne se limite pas à l’adoption de nouveaux logiciels ou à l’utilisation d’appareils connectés. Elle englobe un ensemble de valeurs, de compétences, de comportements et de connaissances qui permettent à une organisation d’embrasser pleinement les possibilités offertes par le numérique. Une entreprise dotée d’une culture numérique forte est capable non seulement de réagir rapidement aux changements technologiques, mais aussi d’anticiper ces évolutions et de les intégrer dans ses processus de manière proactive.
Cette culture se manifeste à travers une compréhension collective des enjeux numériques et une ouverture à l’innovation. Chaque personne, du ou de la PDG au commis, doit être en mesure de comprendre les impacts des nouvelles technologies sur ses fonctions et sur l’organisation en général.
La maturité de la culture numérique
Comme pour toute compétence, une culture numérique ne se développe pas du jour au lendemain. Elle évolue avec le temps, au fur et à mesure que les entreprises renforcent leur compréhension des outils numériques et leur capacité à les exploiter efficacement.
Le problème avec la notion de culture, c’est qu’elle est difficile à mesurer. C’est la raison pour laquelle j’aime bien les «modèles de maturité». Ils permettent de poser un diagnostic sur la situation actuelle, de se donner des objectifs et surtout, de les communiquer.
On peut identifier différents niveaux de maturité numérique:
Niveau 1 – Ad hoc: Les initiatives numériques sont sporadiques et non coordonnées. Il n’y a pas de stratégie formelle ou de leadership pour piloter la culture numérique.
Niveau 2 – Réactif: Certaines initiatives numériques sont gérées et il y a une prise de conscience croissante de la nécessité d’une culture numérique.
Niveau 3 – Proactif: Une stratégie numérique claire est en place et la culture numérique est reconnue comme importante. Le leadership est impliqué dans la promotion des initiatives numériques.
Niveau 4 – Stratégique: La culture numérique est intégrée dans la stratégie globale de l’organisation. Il y a un leadership fort et une adoption généralisée des pratiques numériques.
Niveau 5 – Innovant: La culture numérique est entièrement intégrée dans l’organisation. Il y a une focalisation continue sur l’innovation et l’utilisation des technologies numériques pour atteindre les objectifs commerciaux.
Au risque de déplaire à plusieurs, la majorité des organisations sont au niveau 2. Mon évaluation repose notamment sur la place des équipes «TI» dans les organigrammes, de l’absence de représentativité au niveau des comités exécutifs et des conseils d’administration, et la structure de gouvernance des projets.
Paradoxalement, la clé pour progresser d’un niveau ne se situe pas dans le département TI, mais plutôt dans les équipes RH. En effet, la solution réside dans la formation continue, la sensibilisation et l’engagement à tous les échelons de l’entreprise. Une culture numérique mature est celle qui place l’apprentissage au cœur de son fonctionnement, permettant à l’ensemble des équipes de rester à la pointe des évolutions technologiques.
Les RH sont en première ligne lorsqu’il s’agit de promouvoir une culture numérique. Leur mission va au-delà de l’embauche de talents techniques ou de la gestion des compétences numériques existantes. Ils doivent favoriser une «mentalité d’apprentissage continu» et aider les employés à comprendre comment le numérique impacte leur travail au quotidien. De plus, ils doivent faciliter le changement culturel qui accompagne la transformation numérique et recruter des talents capables de s’adapter aux nouveaux environnements numériques.
Ensemble, les équipes TI et RH, doivent concevoir des stratégies permettant d’intégrer le numérique dans la culture d’entreprise et d’assurer une compréhension collective des enjeux numériques.
Historiquement, les départements des ressources humaines ont subi un sous-investissement chronique en technologie, pendant que les départements TI étaient les boucs-émissaires de tous les problèmes entourant les projets de transformation. Ce sont typiquement les «enfants pauvres» de nos organisations en comparaison aux puissants départements de finances, ventes et opérations.
Face au tsunami technologique, je me demande si nous n’assisterons pas à une version moderne des films d’adolescents où les malaimés de l’école se transforment en vedette lors de la graduation!