Droits de douane, baisse d’impôts, énergie: quel programme économique pour Trump?
AFP|Mis à jour le 14 octobre 2024L'ex-président souhaite porter les droits de douane sur l'ensemble des importations à 10 ou 20%, selon les produits, et même à 60% sur les importations chinoises. (Photo: Adobe Stock)
Washington — Ramener la production aux États-Unis et en baisser le coût tout en imposant des droits de douane sur la production étrangère, voilà comment pourrait être résumé le programme économique du candidat républicain Donald Trump, qui pourrait cependant faire face à une réalité plus complexe.
L’objectif affiché est de voir les droits de douane améliorer les recettes fiscales et servir d’argument de négociation face à des pays qui, comme la Chine, « nous mettent en pièces » dit-il, tout en incitant les entreprises à relocaliser.
« Après 75 ans, les autres pays vont enfin nous rembourser tout ce que nous avons pu faire pour le monde », a résumé Donald Trump à l’occasion de son débat contre sa concurrente démocrate, la vice-présidente Kamala Harris, en septembre.
« Pour moi, « droits de douane » sont de très jolis mots. Ce sont des mots qui vont rendre notre pays à nouveau riche », a-t-il déclaré lors d’une interview à Fox News diffusée dimanche.
« Sans les droits de douane, nous avons un pays bousillé », a-t-il ajouté.
L’ex-président souhaite porter les droits de douane sur l’ensemble des importations à 10 ou 20%, selon les produits, et même à 60% sur les importations chinoises, et jusqu’à 200% sur les importations de véhicules depuis le Mexique.
L’objectif est de financer l’extension de ses baisses d’impôts, instaurées durant son premier mandat et qui doivent prochainement expirer.
Mais des économistes s’inquiètent des effets d’une telle politique qui relancerait l’inflation et reconfigurerait les chaînes d’approvisionnement, sans bénéfice certain pour les États-Unis.
Effets dans les rayons
Pour le cercle de réflexion Tax Foundation, elle pourrait même « contrer les effets positifs de ses baisses d’impôts sans compenser les pertes de recettes » pour l’État.
Bernard Yaros, économiste pour Oxford Economics, estime qu’une telle politique pourrait entraîner une hausse de 0,6 point de pourcentage de l’inflation avec un impact plus marqué si les droits de douane étaient rapidement appliqués.
Les entreprises ont souffert de sa précédente hausse des droits de douane, mais celle prévue sera bien plus importante.
« Les entreprises ont vu les prix de leurs importations augmenter, elles se sont adaptées », explique Kyle Handley, professeur d’économie à l’Université de Californie à San Diego, « s’il y a une hausse générale de 10 ou 20%, elle se verra sur les prix dans les rayons ».
Sans pour autant rapatrier la production à court terme: « on ne fabrique plus de téléviseurs depuis des décennies aux États-Unis », rappelle ainsi M. Handley.
Donald Trump a encore nié dimanche sur Fox News qu’une hausse des droits de douane entraînerait une hausse des prix.
Mais Kyle Handley estime que les hausses précédentes ont correspondu à une hausse de 2 à 4% des prix pour les importations. Plusieurs entreprises ont aussi reconnu auprès de l’AFP avoir ajusté leurs prix en conséquence.
Une étude du Journal des perspectives économiques, publiée en 2019, a estimé que l’année précédente, les droits de douane avaient coûté 3,2 milliards de dollars par mois aux consommateurs américains.
Déréguler l’énergie
En cas de mis en place de droits de douane souhaités par Donald Trump, le commerce entre les États-Unis et la Chine pourrait se réduire de 70%, avec la réorientation ou la disparition de centaines de milliards de dollars d’échanges.
Ceux mis en place en 2018 ont entraîné une redirection des exportations chinoises vers d’autres marchés, provoquant « des pressions protectionnistes supplémentaires dans les pays recevant plus de produits chinois bon marché », souligne Adam Slater, d’Oxford Economics.
La répercussion serait très marquée sur les produits électroniques, avec une baisse de 10% des échanges américains, qui se concentreraient dès lors sur l’Amérique du Nord et d’autres partenaires commerciaux.
Mettre fin à certains mécanismes protégeant Pékin des initiatives américaines, tels que la loi de 2000 pour des « relations commerciales normales permanentes », entraînerait une hausse de l’inflation de 0,4 point de pourcentage, selon l’Institut Peterson.
Or Donald Trump s’est engagé à éliminer l’inflation, un des principaux sujets d’inquiétude des électeurs, en promettant notamment de diviser par deux les factures d’énergie dès sa première année de mandat.
Pour les analystes, cela doit passer par une dérégulation en faveur du secteur pétrolier et gazier.
Mais il n’est pas certain qu’une dérégulation entraîne une forte hausse de la production, estime Bernard Yaros.
Quant à l’alimentation, Donald Trump espère réduire les coûts en restreignant considérablement l’importation de produits agricoles, une mesure qui, selon les économistes, entraînerait des représailles conséquentes sur un secteur agricole américain largement exportateur.