Lorsque les liens familiaux se mêlent aux affaires, il est inévitable que les émotions se manifestent. Photo: 123RF)
EXPERTE INVITÉE. Les entreprises familiales, cet amalgame parfaitement imparfait de la vie professionnelle et personnelle, que c’est beau (en surface). Lorsque j’ai le plaisir d’échanger avec des gens et qu’ils comprennent que je travaille avec mes quatre frères et ma sœur, et ce depuis toujours, la quasi-totalité est surprise de savoir que ça se passe bien entre nous cinq. Je me suis souvent demandé ce qu’il y avait de si étonnant à ça, jusqu’à il y a une à deux années, moment où j’ai commencé à sortir de chez nous et à côtoyer d’autres entrepreneurs dans des événements.
La discorde, la norme dans les entreprises familiales?
J’ai l’impression que la majorité des gens en affaires avec leur famille — en tout cas ceux que j’ai rencontrés — vivent de la discorde (continue ou impromptue) au sein de leur famille.
Deux frères qui ne se parlent plus, car l’un refuse que l’autre fasse une embauche dans son département. Un père et un fils qui ne se parlent plus, car le père a cédé des parts à sa fille qui, elle, ne travaille pas activement au sein de la compagnie, contrairement à son frère. Des exemples, j’en ai malheureusement au moins une dizaine.
Le rôle des cédants et des cessionnaires
Je vois la gestion d’une transaction d’entreprise familiale un peu celle d’un décès. Voici l’exemple concret d’un entrepreneur encore propriétaire de son entreprise à 93 ans, alors que ses enfants sont impliqués dans les activités courantes de l’entreprise. L’entreprise mourra sûrement avec ce dernier, car les enfants prendront leur retraite au moment de la mort du paternel.
Les enfants n’ont jamais été aussi intéressés que leur père par les affaires, car ils n’ont jamais pu avoir les mains sur le volant. Certains ont même fini par déserter. Les enfants ont tous des attentes suite au décès de leur père. Deviendront-ils tous enfin propriétaires de l’entreprise? À quel pourcentage chacun d’eux sera-t-il propriétaire? Comment géreront-ils, pour la première fois, les commandes véritables de l’entreprise? L’harmonie demeurera-t-elle? Tant de questions, mêlées aux émotions de tout un chacun, ressemblent à un parfait mélange d’explosifs. C’est même la recette parfaite pour anéantir une entreprise familiale.
Le rôle du cédant est d’informer le cessionnaire. Le rôle de quelqu’un en affaires qui a moins en avant qu’en arrière est d’informer sa succession de ce qui s’en vient. Ce n’est pas à la succession d’être prise par surprise. Tout devrait être clair et tout le monde devrait abonder dans le gros bon sens pour le bien et la pérennité de l’entreprise.
Comme dirait mon père, on ne construit pas une maison sur du sable mouvant. Ça prend une fondation solide.
La préparation en amont
D’emblée, il est crucial d’établir une convention d’actionnaires et d’autant plus dans une entreprise familiale. Négliger cet aspect peut rapidement rendre la situation trop émotive et entraîner une perte de temps, d’énergie, de ressources, voire anéantir les liens familiaux.
Imaginez ce scénario: convention d’actionnaires inexistante, rôles non définis, responsabilités pêle-mêles et émotions engagées. C’est intenable à court et à long terme. Achèteriez-vous une voiture ou tout autre bien mobilier avec quelqu’un d’autre sans contrat mentionnant les modalités, les cautions et les utilisations respectives? Sûrement pas! Alors, pourquoi certains entrepreneurs s’associent-ils avec leur famille sans aucune convention d’actionnaires pour ce qui est sûrement leur actif détenant la plus grande valeur? Je cherche encore à comprendre.
Les entreprises familiales, avec leur synergie unique et des liens profonds, sont confrontées à des défis singuliers qui nécessitent une attention particulière. Établir des bases solides, notamment à travers une convention d’actionnaires claire et des rôles bien définis, est essentiel pour garantir la pérennité de l’entreprise et préserver l’harmonie familiale.
En prenant le temps de structurer correctement les relations, les entrepreneurs peuvent éviter des conflits inutiles et se concentrer sur la croissance et le succès de leur entreprise, tout en renforçant les liens familiaux qui les unissent. Dans toute relation, une bonne communication et une planification adéquate sont les clés d’une collaboration fructueuse. Pour la suite des choses, évidemment que les égos doivent être mis de côté et que les décisions doivent toujours être prises au bénéfice de l’entreprise.
