En cette rentrée scolaire 2024, Québec chercherait encore 3858 enseignants. (Photo: Drazen / Adobe Stock)
EXPERT INVITÉ. S’il ne parle pas de politique, un politicien parle souvent à travers son chapeau. Puisqu’il contrôle habituellement et habilement l’art de communiquer, le politicien semble toujours savoir de quoi il parle, alors que dans les faits, il est possible qu’il n’en ait aucune idée. Un bon politicien s’en remet habituellement à son équipe de communication pour lui expliquer et résumer les tenants et aboutissants d’un défi particulier. Il se met ensuite devant les Kodaks et appuie sur Play afin de nous rassurer. Afin de se rassurer.
Le politicien sait rendre les choses mielleuses. Les politiciens savent donner des explications et trouver des excuses lorsque les choses ne se déroulent pas comme prévu, surtout quand le simple peuple, comme vous et moi, savons d’avance que les choses ne fonctionneront pas comme prévu ou du moins, comme le politicien tente de nous le faire croire.
Ce n’est pas que nous soyons devenus cyniques. C’est plutôt que nous avons déjà vu neiger et que nous savons quand un politicien met ça plus beau que ce ne l’est en réalité; lorsqu’il rend ça plus facile et simple que ce ne l’est concrètement. Jamais qu’il ne se salit les mains. Des sbires le font pour lui. Le politicien a beau être redevant, mais il est rarement redevable. Il doit être responsable et imputable. Dans les faits, il réussit toujours à s’en tirer indemne tout en faisant porter le chapeau à un de ses fonctionnaires, ou bien il transfère le fardeau sur la lourdeur du système qu’il défend et qui l’arrange.
Un politicien baigne tellement dans la politique, qu’il se croit seul au monde, et surtout seul à comprendre les dossiers et sujets dans lesquels il s’empêtre. Il est tellement dans sa bulle, qu’il se croit le seul à comprendre une problématique. Il dit consulter la population et il dit écouter sa base militante, alors que sa ligne de parti, ses intérêts personnels et le goût du pouvoir lui dictent s’il doit tourner à gauche ou à droite. La consultation est une illusion, et dire que l’on consulte est un mécanisme parfait pour nous museler.
Un politicien dit tellement de choses, qu’il finit par dire tout et rien. Il finit surtout par oublier ce qu’il a dit à une époque donnée, et croit dur comme fer que nous l’oublierons aussi. Un politicien aime se faire rassurant et déblatérer tout ce qui peut l’arranger pour stabiliser sa position et justifier à la fois son rôle et ses positions idéologiques.
Amélioration chancelante
Donc, en cette rentrée scolaire 2024, Québec chercherait encore 3858 enseignants. Sans parler du personnel administratif et autres catégories d’emplois cruciales pour un apprentissage réussi.
Bien évidemment, quand on se compare, on se console. Pourquoi chercher la perfection si l’on peut se contenter d’une amélioration chancelante. Ça semble être la position du ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, puisque l’an passé, à pareille date, il manquait toujours 8558 professeurs. Dans un dédale d’explications numériques, le ministre Drainville s’assure de nous perdre pour mieux s’en sortir.
Faisant partie de son plan, de sa solution et de ses promesses bancals pour recruter et pour s’assurer que chaque classe aurait un enseignant, le ministre Drainville comptait beaucoup sur sa fameuse liste d’affectation. Ainsi, pour la première fois cette année, les centres de services scolaires avaient jusqu’au 8 août pour affecter les enseignants à un poste.
En 2023, le ministre s’emballait en tentant de nous faire croire à sa solution miracle. Il avait presque réussi à nous convaincre que la situation serait réglée. Alors qu’il était empêtré dans les renouvellements des conventions collectives, que les professeurs prenaient la rue, et qu’il avait l’ensemble des parents contre lui, pour s’en sortir ou du moins pour pelleter par avant, il nous disait « Ça n’a pas de bon sens. Le choix des horaires se fait au mois d’août. L’avancement des affectations à la fin du calendrier scolaire est la solution et c’est un objectif qui est extrêmement ferme. Il faut qu’on ait des rentrées moins chaotiques. »
Aucun syndicat n’y croyait. La fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement n’y croyait pas non plus. Personne n’y croyait, et il y a fort à parier que le ministre Drainville n’y croyait pas non plus. Il l’espérait, et espérait surtout qu’un miracle survienne.
Mais non! Le ministre Drainville n’est pas le petit Jésus. Il n’est qu’un simple mortel qui fait de la politique et qui s’est convaincu avec le temps qu’il agissait pour le bien de nous tous et qu’il servait la cause.
«Si on était capable d’affecter davantage de profs, mettons, au mois de juin, avant la fin juin, je pense que ça ferait en sorte que notre rentrée scolaire se passerait beaucoup mieux pour les élèves, les parents et pour le personnel scolaire, honnêtement», maintenait le ministre de l’Éducation.
Nous n’avons pas été capables, et ce n’est évidemment pas la faute de M. Drainville, mais bien la faute des profs, des syndicats, et de l’augmentation de nombre d’élèves inscrits en 2024.
C’est toujours plus facile dire ce qu’il faut faire plutôt que de se donner les moyens sur la façon de procéder pour réussir. C’est toujours plus facile de dire n’importe quoi pour tenter de s’en sortir que de dire la vérité et ceci même si le constat ne nous est pas toujours favorable.
M. Drainville, quelle est votre chimérique promesse cette année pour régler ce problème l’an prochain? Mais surtout, quelles seront vos excuses pour justifier votre constat d’échec anticipé pour la rentrée 2025?