Jerome Powell (Photo: Getty Images)
EXPERT INVITÉ. N’y allons pas par quatre chemins: la seule question qui importait lors de la réunion d’hier soir était de savoir si la Réserve fédérale américaine (Fed) allait baisser ses taux lors de sa prochaine réunion de septembre. Si nous nous attendions à une «réponse définitive» à cette question au symposium de Jackson Hole, Jerome Powell se devait aussi de livrer un message clair sur les intentions de l’institution monétaire américaine. A-t-il réussi cette prouesse? Synthèse et analyse.
Les faits
La Réserve fédérale a maintenu le taux des fonds fédéraux à son plus haut niveau depuis 23 ans, soit 5,25%-5,50%, pour la huitième réunion consécutive, conformément aux attentes du marché. La décision a été prise de manière unanime.
Les décideurs politiques ont noté qu’il y a eu des progrès supplémentaires vers l’objectif d’inflation de 2%, bien que l’inflation reste quelque peu élevée.
De plus, les indicateurs récents suggèrent que l’activité économique a continué à croître à un rythme soutenu.
Les créations d’emplois se sont modérées et le taux de chômage a augmenté, mais reste faible.
La banque centrale estime que les risques liés à la réalisation de ses objectifs en matière d’emploi et d’inflation continuent de s’équilibrer.
Néanmoins, la Fed ne pense pas qu’il soit approprié de réduire la fourchette cible tant qu’elle n’aura pas acquis une plus grande confiance dans le fait que l’inflation se rapproche durablement de 2%.
Lorsqu’elle envisagera d’ajuster la fourchette cible du taux des fonds fédéraux, la Fed continuera d’évaluer attentivement les données reçues, l’évolution des perspectives et l’équilibre des risques.
Hier a eu lieu l’une des quatre réunions annuelles au cours desquelles la Fed ne publie pas de «résumé des projections économiques» (SEP), qui comprend le fameux «dot plot» qui montre comment chaque membre du FOMC envisage l’évolution des futurs taux directeurs.
Le SEP est publié lors des réunions qui se tiennent vers la fin du trimestre. Le prochain SEP sera publié après la réunion des 17 et 18 septembre.
Malgré la réaction positive des marchés, globalement, le discours de Jerome Powell n’est pas aussi conciliant qu’anticipé par les économistes. Le fait de devoir attendre pour avoir un plus grand degré de confiance laisse une nouvelle fois présager que l’institution monétaire américaine sera data dependent jusqu’à… Jackson Hole…
Qu’est qui a changé dans le communiqué?
Par rapport au dernier communiqué de la Fed de juin, voici ce qui a changé:
- Le marché du travail:
Nouveau: «Les gains d’emplois se sont modérés et le taux de chômage a augmenté, mais reste faible.»
Ancienne version: «Les gains d’emplois sont restés importants et le taux de chômage est resté faible.»
- L’inflation:
Nouveau: «L’inflation s’est atténuée au cours de l’année écoulée, mais elle reste quelque peu élevée. Au cours des derniers mois, de nouveaux progrès ont été accomplis en direction de l’objectif d’inflation de 2% fixé par le Comité.»
Ancienne version: «L’inflation a diminué au cours de l’année écoulée, mais reste élevée. Au cours des derniers mois, de nouveaux progrès modestes ont été accomplis en direction de l’objectif d’inflation de 2% fixé par le Comité».
- Sur les objectifs de la Fed en matière d’emploi et d’inflation:
Nouveau: «Le Comité estime que les risques qui pèsent sur la réalisation de ses objectifs en matière d’emploi et d’inflation continuent de s’équilibrer.»
Ancienne version: «Le Comité estime que les risques qui pèsent sur la réalisation de ses objectifs en matière d’emploi et d’inflation ont évolué vers un meilleur équilibre au cours de l’année écoulée.
Qu’en est-il de l’assouplissement quantitatif (QT)?
Comme cela a été annoncé en mai, la liquidation des titres du Trésor se poursuit à hauteur de 25 milliards de dollars américains par mois (G$ US), et les titres hypothécaires sont liquidés sans plafond — tout ce qui est liquidé est liquidé. Mais si plus de 35G$ US de titres adossés à des créances hypothécaires sont retirés au cours d’un mois, le surplus est réinvesti dans des titres du Trésor.
La Fed s’est déjà délestée de 1,74 millier de milliards de dollars américains d’actifs depuis le début du QT en juillet 2022. Pour éviter le désordre que la Fed a connu avec l’explosion du marché repo en septembre 2019 après le QT-1, elle a commencé à ralentir le roulement en juin, conformément à son nouveau plan.
“En allant plus lentement, on peut aller plus loin”, a déclaré Jerome Powell lors de la conférence de presse qui a suivi la réunion de mai. Juillet est le deuxième mois de ralentissement.
À quand la prochaine baisse des taux?
Le communiqué ne mentionne pas de baisse de taux en septembre et laisse inchangé le langage concernant les taux directeurs. Il appartiendra à Powell, lors de la conférence de presse, d’expliquer ce qui se passe ici.
Le communiqué a répété pour la cinquième fois le langage utilisé depuis janvier pour repousser l’annonce officielle de la baisse des taux:
«En envisageant tout ajustement de la fourchette cible du taux des fonds fédéraux, le Comité évaluera soigneusement les données entrantes, l’évolution des perspectives et l’équilibre des risques.»
«Le Comité ne pense pas qu’il sera approprié de réduire la fourchette cible tant qu’il n’aura pas acquis une plus grande confiance dans le fait que l’inflation se rapproche durablement de 2%.»
La déclaration a répété ce qu’elle avait dit depuis le début des hausses de taux, pour repousser les voix qui propagent l’augmentation de l’objectif d’inflation de la Fed à 3% ou 4% ou quoi que ce soit d’autre.
«Le Comité est fermement déterminé à ramener l’inflation à son objectif de 2%.»
La conférence de presse n’a pas réellement apporté plus d’indication concernant la baisse des taux en septembre, cependant on imagine que la baisse récente de l’inflation, la hausse du taux de chômage, le début de «la baisse» de l’activité économique et… les élections présidentielles américaines plaide en faveur d’une baisse des taux lors de la prochaine réunion de la Fed.
Synthèse
En modifiant une seule phrase de son communiqué, la Fed a été plus belliciste que prévu par les investisseurs. En effet, en indiquant que «le Comité est attentif aux risques qui pèsent sur les deux volets de son double mandat» au lieu de «le Comité reste très attentif aux risques d’inflation», on constate que l’institution monétaire américaine est maintenant focalisée sur l’inflation, mais aussi (et surtout) sur l’emploi comme nous l’indiquions la semaine dernière. Il faudra donc attendre le symposium de Jackson Hole pour être convaincu (ou non) que le Fed baissera ses taux en septembre…