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Lettre à un nouveau gestionnaire

Jenny Ouellette|Édition de la mi‑novembre 2024

Lettre à un nouveau gestionnaire

«Chère gestionnaire, peu importe ton niveau dans la hiérarchie, tu joues un rôle important dans ce succès collectif.» (Photo: Adobe Stock)

EXPERTE INVITÉE. Aujourd’hui, je déroge de mes chroniques habituelles pour m’adresser aux nouveaux gestionnaires qui ont choisi de plonger dans un rôle moins populaire. Cette lettre a pour but d’éclairer cette relève qui a tant à apprendre, mais qui bénéficie si peu du soutien nécessaire.

Cher gestionnaire,

Tu occupes l’une des plus belles fonctions qui existent. Entre tes mains se trouvent une équipe et une organisation à faire grandir. Peu importe ton niveau dans la hiérarchie, tu joues un rôle important dans ce succès collectif. Ce qui m’intéresse ici, c’est « ton » succès. Effectivement, tu peux t’épanouir en gestion comme jamais tu ne l’aurais imaginé dans ta carrière. Cependant, l’inverse est tout aussi vrai : tu peux aussi t’éteindre à petit feu, en y laissant une partie de toi-même. Laisse-moi te guider grâce à ces mots.

Prends soin de toi

Un bon boss commence par être bon envers lui-même. Il se respecte, connaît ses limites, fait preuve de justice et de bienveillance. Il se donne le droit aux essais et aux erreurs. Sois indulgent malgré tes échecs, mais lucide dans les leçons que tu en retires. Plus tu apprendras vite, plus tu excelleras.

Fais confiance aux autres, mais avec discernement. Tout le monde n’est pas digne de confiance. Apprends à lire les gens, à déceler leurs forces, leurs motivations et leurs besoins en développement. Gère par les forces.

Délègue des responsabilités, pas des tâches

La nuance est importante : les tâches ne rendent pas autonome et démotivent tes employés. Trop de gestionnaires se surchargent inutilement en déléguant des tâches au lieu de responsabilités. Fais des suivis réguliers, car déléguer ne signifie pas se décharger. Sois plutôt un phare pour ton équipe. Montre l’exemple et incarne le changement que tu souhaites voir. Le cerveau reproduit ce qu’il observe, pas ce qu’il entend.

Arrête de répéter en te plaignant que les gens n’écoutent pas. Ils écoutent, mais il y a plus que des mots derrière un message. Explique bien les projets en faisant en sorte qu’ils comprennent le sens derrière le travail. Pose des questions simples : Que retenez-vous de ce plan ? Qu’en pensez-vous ? Tu sauras si ta communication est efficace.

Ne confonds pas l’autorité (permet et libère) à l’autoritarisme (impose et contraint). Surtout, ne cherche pas à être un bon gestionnaire à tout prix. Paradoxalement, je vois des gestionnaires qui veulent tellement être bienveillants qu’ils finissent par ne plus « gérer ».

Ils fuient les discussions difficiles au lieu de les aborder sainement. Parle des sujets délicats avec la même simplicité que si tu commandais un café : sans stress, sans émotion négative et avec un but positif.

Discuter d’objectifs et de pistes d’amélioration fait partie de ce poste. Il est sain d’offrir à chacun la possibilité de connaître ses zones d’amélioration. Fais-le avec bienveillance, en préservant l’intégrité de l’autre. Écoute et codéveloppe des solutions. Tu n’as pas à travailler pour deux. Fais émerger le génie en chacun.

Ne tolère jamais l’inacceptable

Ce que tu tolères, tu devras le gérer, crois-moi. Les meilleurs talents quittent le navire parce qu’une culture s’empoisonne à cause de comportements irrespectueux, de l’absence de règles, du manque de reconnaissance et d’une direction floue.

Aie une vision de ton équipe à son meilleur. Sois exigeant, c’est sain. Ce qui est malsain, c’est d’être exigeant sans soutenir ton équipe. Alors, soutiens-la. Demande l’avis de tout le monde avant de décider. Donne les outils pour exceller et une latitude dans un cadre défini.

Revois les priorités. Le monde change vite. Il faudra revenir sur des décisions, ce qui peut être le signe d’intelligence.

Nul besoin d’obtenir l’unanimité pour créer l’unité. Forme une équipe diversifiée et soudée. Sache que ton équipe te rendra meilleur. Grâce à elle, tu comprendras que la gestion, c’est avant tout du communityship (dans lequel les processus collectifs mènent à des réalisations remarquables), pas uniquement du leadership, comme on tente de nous faire croire.

Enfin, trouve ta véritable raison d’être gestionnaire. Certains veulent seulement le titre et le pouvoir. Sois gestionnaire parce que tu aimes les gens. Et non parce que tu veux être aimé. On ne peut être un bon boss pour tout le monde. À chacun son bon gestionnaire et à chacun la bonne équipe.

Si vous êtes gestionnaire d’expérience, écrivez une lettre à une recrue. Elle a besoin de vous pour réussir. Et vous, d’elle, pour réaliser le chemin parcouru.