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Analyse de la rédaction

Lightspeed : la prochaine grande disparue ?

Denis Lalonde|Édition de la mi‑octobre 2024

Lightspeed : la prochaine grande disparue ?

(Photo: Adobe Stock)

Il y a des signes qui ne mentent pas. Par exemple, il arrive parfois que l’équipe des relations avec les médias d’une entreprise approche certains journalistes de la presse spécialisée quelques jours avant la publication de résultats trimestriels pour leur offrir une entrevue avec leur grand patron, le plus souvent le président et chef de la direction.

Il s’agit habituellement d’un signal clair que la société en question s’apprête à dévoiler des résultats trimestriels supérieurs aux prévisions des analystes, ou à tout le moins qu’elle a dépassé ses propres cibles fixées au préalable.

Le dirigeant est alors disposé à parler de l’atteinte de ces jalons et parfois même de cibles relevées pour les trimestres à venir.

En d’autres occasions, une entreprise peut aussi procéder à des changements qui laissent croire que sa mise en vente est imminente. Elle peut annoncer qu’elle effectue des changements à sa haute direction avant de procéder quelque temps plus tard à des suppressions d’emplois pour alléger sa structure de coûts et gagner en efficacité.

Le nouveau dirigeant peut aussi dire ouvertement qu’il est de son « devoir de fiduciaire envers les actionnaires de toujours évaluer toutes les options qui s’offrent à l’entreprise ».

En prime, ce même dirigeant peut aussi donner l’impression qu’il est plus présent dans divers événements touchant de près ou de loin à son secteur d’activité ou dans des conférences d’investisseurs. De telles sorties, même occasionnelles et ciblées, offrent une visibilité certaine à l’entreprise.

Quelle entreprise coche toutes ces cases depuis environ un an ? Le fournisseur de solutions de paiements Lightspeed (LSPD, 22,59 $).

Après avoir déclaré un premier bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements (BAIIA) ajusté positif au second trimestre de son exercice 2024, terminé le 30 septembre 2023, Lighspeed a annoncé le 15 février dernier le retour de son fondateur, Dax Dasilva, au poste de chef de la direction. En avril, l’entreprise a supprimé 280 postes, soit environ 10 % de sa main-d’œuvre.

Plus récemment, le dirigeant était entre autres conférencier vedette d’un souper qui s’est déroulé en marge du Forum Fintech, événement qui s’est tenu les 10 et 11 septembre au Fairmont Le Reine Elizabeth.

Tout cela a culminé deux semaines plus tard, lorsque Lightspeed a annoncé publiquement qu’elle « a participé à des discussions sur un éventail d’éventuelles solutions de rechange stratégiques, et qu’elle pourrait continuer de participer à de telles discussions ». Traduction libre : si nous recevons une offre à notre goût, on quitte la Bourse.

En soi, cette réaction à un texte de l’agence Reuters peut sembler être une « non-nouvelle », puisque le fondateur et chef de la direction de l’entreprise disait déjà la même chose au printemps dernier. Il était alors difficile d’être plus clair et transparent, ce qui est tout à son honneur.

L’annonce du 25 septembre est toutefois venue officialiser la chose.

S’il avait voulu nier les rumeurs, Dax Dasilva aurait pu faire comme le président du conseil d’administration de Cogeco (CGO, 60,23 $), Louis Audet, dont la famille contrôle l’entreprise et sa filiale Cogeco Communications (CCA, 71,34 $).

En 2020, malgré une offre évaluée à plus de 11 milliards de dollars de Rogers et d’Altice USA, Louis Audet avait réitéré que sa famille ne souhaitait pas vendre ses actions. Fin de la discussion !

Dans le cas de Lightspeed, ce sera différent, elle qui pourrait subir le même sort que Nuvei (NVEI, 45,04 $), Héroux-Devtek (HRX, 32,00 $) et la minière ontarienne Osisko (OSK, 4,86 $), qui sont en voie d’être privatisées ou d’être acquises par de plus grandes sociétés cotées en Bourse. D’autres entreprises de plus petite taille, comme MDF Commerce, acquise par l’américaine KKR pour un montant de 225 millions de dollars (M $) en mars dernier, ont déjà quitté la Bourse.

Il faut dire que Lightspeed a connu de meilleurs jours en Bourse, elle dont le titre a touché un sommet intraséance de 165,87 $ le 22 septembre 2021. Une semaine plus tard, le vendeur à découvert Spruce Point Capital Management s’attaquait à la société en disant qu’elle n’avait jamais été rentable et que son titre pouvait chuter de 60 % à 80 % à long terme. Le titre a alors amorcé une descente rapide dont il ne s’est jamais remis.

Une éventuelle privatisation de la société serait un autre coup dur pour la Bourse de Toronto, qui n’a accueilli aucun premier appel public à l’épargne depuis mars 2023. À ce moment, la minière Lithium Royalty (LIRC, 5,90 $) était entrée en Bourse, récoltant au passage un montant de 150 M $.

À la fin de 2023, la Bourse de Toronto regroupait 1809 émetteurs, mais ce chiffre inclut plus de 900 fonds négociés en Bourse, des fonds d’investissement à capital fixe et des produits financiers structurés, selon des chiffres de son propriétaire, le Groupe TMX, qui recense aussi 1670 émetteurs à la Bourse de Croissance TSX.

Ce n’est donc pas demain la veille que les marchés boursiers canadiens disparaîtront, ce qui n’empêche pas leur lent déclin de se poursuivre.