«On dit que le fédéral a l’argent, les provinces ont le pouvoir et les municipalités ont les problèmes. Transformons les conditions du fédéral en solutions communes.» (Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. Le logement est de juridiction provinciale et Québec est le maître de ses décisions. Analysons quelles conditions du fédéral aideraient à régler la crise du logement et quelles sont inutiles.
Une densification douce
L’étalement urbain est néfaste pour l’environnement et coûte cher à la société. Mais tout le monde n’a pas envie d’habiter dans une tour. Il y a trop de terrains où le zonage ne permet que la construction d’une maison unifamiliale. Ottawa veut encourager la construction de duplex, triplex, quadruplex et de logements accessoires sur presque tous les terrains résidentiels.
L’an passé, Ottawa a lancé un fonds de quatre milliards pour accélérer la construction de logements. Ottawa s’est entendu avec 179 municipalités hors du Québec. Ces municipalités ont accepté de permettre jusqu’à quatre logements.
C’est la plus grande réforme de zonage qu’a connu le Canada. Ottawa désire l’étendre et le met comme exigence pour le nouveau fonds de six milliards pour les infrastructures pour l’eau. La répercussion se fera surtout sentir au Québec.
Et avec son nouveau fonds pour les transports en commun, Ottawa veut aller plus loin. À moins de 800 mètres d’une ligne de transport en commun à haute fréquence, ou de cégeps et d’universités, les municipalités devront permettre une plus haute densification. On doit aussi enlever toute exigence de stationnement à moins de 800 mètres d’une ligne de transport en commun à haute fréquence.
Cessons de bloquer de beaux projets de développement avec le phénomène du pas dans ma cour. Des changements de zonage sont hautement souhaitables pour s’attaquer aux défis en logement, en transports et mieux s’adapter aux changements climatiques.
Charte des droits des locataires et des acheteurs
Le logement est bien régi par le Code civil. Ottawa va trop loin en voulant imposer ces deux chartes. Ces chartes auraient peu de répercussion sur la crise. Je vais me contenter de prendre deux exemples.
Québec vient d’instaurer des amendes pour les propriétaires qui n’indiquent pas le loyer précédent à la section G du bail. Les avantages de créer un registre des loyers par rapport au coût n’en valent pas la chandelle.
Lors d’offres d’achat multiples, Ottawa voudrait que les enchères ne soient plus à l’aveugle. Quelques pays ont pris cette approche sans succès.
En se présentant comme leurs défenseurs, Ottawa paraît bien auprès de plusieurs électeurs. Je m’attends à ce qu’Ottawa laisse tomber ces deux chartes, du moins pour le Québec.
Conditions techniques non litigieuses
En recevant des fonds pour leurs infrastructures, les municipalités ne devraient pas s’opposer à geler leurs redevances aux promoteurs pour trois ans.
Le fédéral a l’intention de modifier son code du bâtiment pour favoriser la construction de logements abordables et durables. Ils veulent s’assurer aussi que les maisons de leur catalogue seront acceptables. Les provinces ont dans le passé adapté leur code lorsque celui du fédéral change.
Ottawa exige que les municipalités établissent leur besoin en logement. Justement, c’est ce que Québec requiert avec son l’orientation gouvernementale en aménagement du territoire en matière d’habitation.
Programme de prêts pour la construction d’appartements (PPCA)
La SCHL offre un financement avec un taux d’intérêt avantageux aux emprunteurs admissibles offrant des logements abordables. Ce financement commence à l’étape la plus risquée de l’aménagement d’appartements locatifs, de la construction jusqu’à la stabilisation des opérations.
Le fédéral ajoute 15 milliards à l’enveloppe actuelle de 40 milliards. Le programme vise à permettre la construction de plus de 131 000 nouveaux appartements dans la prochaine décennie.
Le provincial n’est pas impliqué. Les promoteurs font leur demande de prêt directement auprès de la SCHL.
Programme Bâtir au Canada
Cette nouvelle initiative offrira des prêts à faible taux d’intérêt et pigera les fonds dont dispose le PPCA.
Il y a trois exigences:
- Les provinces doivent offrir des terrains
- Les délais d’approbation ne doivent pas dépasser 18 mois
- Dois répondre aux critères d’abordabilité
Avec une contribution du fédéral, la Colombie-Britannique a lancé récemment « BC builds », un financement pour des logements locatifs abordables destinés à des ménages faisant partie de la classe moyenne. Le fédéral souhaite que d’autres provinces imitent la Colombie-Britannique.
Fonds d’innovation et programme de protection des loyers
Ottawa va aussi investir 600 millions pour innover afin qu’il soit plus facile et moins coûteux de construire plus de logements, plus rapidement. Ceci inclut des prêts pour 500 millions, pris dans l’enveloppe du PPCA, pour des projets utilisant des techniques de construction innovatrices, tels que les logements préfabriqués ou modulaires.
Ce nouveau programme offrira un milliard en prêts et 470 millions sous forme de contributions à des OBNL ou autres organismes communautaires. C’est une excellente nouvelle. Le Québec a plusieurs OBNL (SOLIDES, Interloge, Mainbourg, Gérer son quartier) qui achètent des immeubles du privé et maintiennent leur abordabilité de façon pérenne.
Tout seul, on va plus vite, ensemble on va plus loin
Je salue les efforts d’Ottawa. L’automne dernier, leur congé de TPS pour la construction de logements neufs a eu un effet positif. Et le budget du 16 avril a le logement comme priorité.
Ce sont les nouveaux fonds pour les infrastructures et le transport en commun qui auront le plus d’impact. Certains maires et citoyens accepteront mal de devoir augmenter la densité, mais c’est pour le bien collectif.
Ottawa dévoilera au cours des prochaines semaines son plan pour s’attaquer à la crise du logement. Il aura trois piliers: construire plus, venir en aide aux plus vulnérables et des mesures visant à ce qu’il soit plus facile de louer ou d’acheter. N’est-ce pas ce que Québec et les municipalités cherchent aussi?
Pour contrer les défis en logement, transport et changements climatiques, la population s’attend à ce que l’on établisse un plan d’action commun. Est-ce que les politiciens vont s’élever au-dessus de la joute politique et collaborer?
On dit que le fédéral a l’argent, les provinces ont le pouvoir et les municipalités ont les problèmes.
Transformons les conditions du fédéral en solutions communes.
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