« Plusieurs entreprises ont décidé de retourner sur le pilote automatique et d’importer aveuglément des produits qui pourraient pourtant être fabriqués au Québec de manière rentable. » (Photo : 123RF).
EXPERT INVITÉ. La COVID-19 a été un moment de vérité. Au-delà des décès tragiques et des gens malades, on a vécu plusieurs autres moments difficiles. Les chaînes d’approvisionnement étaient détraquées et il y avait des pénuries comme en temps de guerre. Les consommateurs et les entreprises manufacturières en ont pâti. Ces dernières ont manqué d’intrants critiques, les empêchant d’honorer leurs livraisons et provoquant des crises de liquidités sérieuses. On a presque cru à la fin du show.
À voir la situation actuelle, c’est à se demander si on a tiré les leçons de COVID-19.
S’il y a un élément qui a fait consensus dans le monde politique et des affaires au sortir de la pandémie, c’est bien qu’il fallait rapprocher nos chaînes d’approvisionnement afin de mieux gérer les risques futurs.
Par conséquent, on a vécu le bref âge d’or de l’achat local, du panier bleu, et des efforts des entreprises pour tenter de régionaliser en partie leurs chaînes d’approvisionnement.
La charge fut menée entre autres par Hydro-Québec. La société d’État a réalisé un travail titanesque et exemplaire en localisant davantage une des plus importantes chaînes d’approvisionnement au Québec.
Investissement Québec a également joué un rôle majeur d’appui, en mettant tout son poids pour convaincre les entreprises d’emboîter le pas. IQ leur a aussi offert une gamme de services pour les aider à identifier des fournisseurs locaux.
Or, force est de constater que ces bonnes intentions se sont malheureusement transformées en vœux pieux.
Après tout, quand une entreprise peut sauver quelques sous avec ses coûts d’approvisionnement, pourquoi s’en priver?
Le risque, on s’en occupera le temps venu…
Le numérique et l’IA à la rescousse du juste-à-temps
Les études et les conférences d’experts récentes semblent avoir mis de côté la notion de relocalisation des chaînes d’approvisionnement.
Sans surprise, les acteurs de la logistique et du transport — les transitaires, la marine marchande et autres — misent actuellement sur la numérisation afin de gérer une panoplie de risques économiques, géopolitiques et climatiques, sans parler de collisions ou d’échouements.
Finalement, ces acteurs cherchent avant tout à préserver l’hégémonie du juste à temps.
On va se dire les vraies affaires : ce n’est pas de tout repos de naviguer sur les sept mers reliant cinq continents dans un monde de plus en plus instable.
On s’est presque habitués à la saison des ouragans, à la période des feux de forêt, sans parler de la guerre en Ukraine et celle opposant Israël au Hamas.
Il y a aussi les actes de pirateries de plus en plus fréquents, ainsi que le protectionnisme, les guerres économiques et l’affaiblissement des institutions multilatérales.
La coupe commence à être pleine!
Le pari, c’est qu’une vigie optimale de tous ces risques et qu’une information disponible en temps réel feront en sorte que tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement pourront toujours se rabattre sur un plan B pour limiter les conséquences, et ce, quoi qu’il advienne.
Cette gestion partagée et l’anticipation des risques en temps réel grâce à des modèles prédictifs devraient normalement permettre d’éviter le pire.
Le problème avec cette approche, c’est qu’on laisse de côté des bénéfices qui ont largement fait leurs preuves.
Dérisquer a aussi ses avantages
Le seul fait de rapprocher son réseau de fournisseurs permet de réduire les risques et bien plus.
L’impact économique est considérable lorsqu’on a des fournisseurs qui diversifient leurs activités afin de pouvoir servir de nouveaux clients sur une base locale.
À cela s’ajoute la création, ici, au Québec, de nouveaux fournisseurs de classe mondiale.
Et c’est sans parler des effets bénéfiques sur la balance commerciale et la fierté d’intrants bien fabriqués au Québec.
Il ne faut pas oublier non plus la possibilité de réduire l’empreinte carbone des entreprises ainsi que la possibilité de circulariser des chaînes locales et régionales.
Or, plusieurs entreprises ont décidé de retourner sur le pilote automatique et d’importer aveuglément des produits qui pourraient pourtant être fabriqués au Québec de manière rentable.
Que faire maintenant?
La relocalisation continentale bat son plein actuellement avec des chaînes d’approvisionnement qui reviennent aux États-Unis.
Les tensions avec la Chine favorisent cette tendance.
Le jour où l’Amérique pleure sur son secteur manufacturier est bien terminé, surtout avec un taux de productivité à la hausse et des politiques industrielles très favorables aux investissements dans le pays.
Le phénomène du «reshoring» représente donc une occasion en or pour nos entreprises, et ce, pour être des fournisseurs stratégiques d’intrants «Made in Québec» recherchés aux quatre coins de l’Amérique du Nord.
Le temps de regarder passer les étoiles filantes est révolu.
C’est maintenant qu’il faut agir et se rappeler les vertus de la production continentale.
Comme durant la pandémie.
Quatre références musicales aux Cowboys fringants se sont glissées dans ce texte. Saurez-vous les trouver?