Le premier ministre François Legault (Photo: Andrej Ivanov / AFP / Getty Images)
EXPERT INVITÉ. Northvolt: ça va être gros, ça va être big, ça va être unique, c’est le projet d’une génération qui mettra le Québec sur la mappe. On ne peut pas laisser passer ça. On ne peut pas manquer le bateau même si Christian Sandström, professeur associé à la Jönköping International Business School en Suède croit que l’usine ne verra jamais le jour.
En septembre 2023, le premier ministre du Québec, François Legault, mentionnait à qui voulait bien l’entendre que les Québécois abandonneraient leur emploi à 20$ de l’heure pour des emplois à 40$ de l’heure qu’offrirait Northvolt. D’où sortaient ces chiffres alors qu’aucune grille salariale n’avait encore été élaborée par l’entreprise? On ne le sait pas. Pendant ce temps, en pleine crise de liquidité, les travailleurs suédois (et non les futurs candidats québécois) de Northvolt craignent de ne pas être payés.
Depuis des semaines, des tuiles ne cessent de tomber sur Northvolt et sur leur mégaprojet à Saint-Basile-le-Grand.
À la fin du mois d’août, nous apprenions que le projet de la méga-usine, estimé à 7,3 milliards de dollars, aurait jusqu’à 18 mois de retard si tout va bien et si les employés du secteur de la construction ne vont pas en grève en 2025. Cette annonce faisait suite à l’annonce du mois de juillet, alors que le géant suédois surprenait ses partenaires en annonçant qu’il ralentirait son plan de développement international pour se concentrer sur son usine dans le nord de la Suède. Heureusement que le directeur des affaires publiques et des communications de Northvolt en Amérique du Nord, Laurent Therrien, se faisait rassurant devant la mêlée de presse à ce moment. Toutefois, ces paroles triviales n’ont pu prévenir l’annonce faite par l’entreprise hier, alors que nous apprenions l’élimination de 1600 postes, soit près du quart de son effectif mondial en plus de mettre un frein à l’expansion de son projet phare, dans le nord de la Suède.
Conjointement à cette débandade, l’entreprise continue de réitérer que son annonce n’aura aucune répercussion sur les travaux de la future usine en Montérégie. Il n’y a tellement pas lieu de s’inquiéter de la situation financière de l’entreprise qui se dégrade, que les créanciers de Northvolt ont retenu, la semaine dernière, les services d’une banque d’investissement new-yorkaise pour étudier divers scénarios de redressement.
Les futurs travailleurs québécois sont présentement confrontés à la réalité du marché du travail : fonder leurs espoirs d’un futur emploi payant dans une compagnie qui risque de ne rien offrir.
Parlons franchement, abandonneriez-vous un emploi ou laisseriez-vous votre sécurité d’emploi actuelle pour du vent soufflé par de belles promesses de politiciens?
Même si la plupart d’entre vous disent non, je connais assez les chercheurs d’emploi et les employés pour savoir que beaucoup n’hésiteront pas à déposer leur candidature même s’ils risquent de perdre leur emploi aussi rapidement qu’ils l’auront obtenu.
Ce n’est pas qu’ils sont meilleurs, c’est juste qu’ils se disent que ça ne s’applique pas à eux. Ce n’est pas qu’ils sont meilleurs, c’est juste que ça ne peut pas leur arriver. Ce n’est pas qu’ils sont différents, c’est juste que ce n’est pas pareil pour eux. Ce n’est pas qu’ils sont dans le déni, c’est juste qu’ils y croient.
Dans le merveilleux monde du travail, chaque chercheur d’emploi est confiant, ou du moins, doit être confiant et croire en ses moyens. La chronique d’une belle mort annoncée ne peut pas leur arriver parce qu’ils vont tout faire pour que ça ne leur arrive pas. Même si les astres s’alignent contre eux, ils fonceront quand même tête première et ils se boucheront le nez. Comme ça, en ne pognant pas de bouillon, ils ne peuvent pas s’étouffer et s’ils ne s’étouffent pas, eh bien, ils s’en sortiront indemnes.
Pour une poignée de dollar de plus, l’abnégation du québécois rêvant à des jours meilleurs est forte. Ils répondent donc à l’appel de Legault! Le spectre d’un salaire plus élevé est alléchant. Le levier d’un emploi intéressant, bien rémunéré, et dans un secteur d’avenir est extrêmement puissant. Puissant à un point tel que les signaux d’alarme et les drapeaux rouges se dissipent et disparaissent avant même de se rendre à nous. À moins bien sûr que l’on décide tout bonnement de pratiquer de l’aveuglement volontaire, renforcer par un marketing bien ficelé et par des politiciens qui y croient un peu trop. Facile d’y croire et d’en faire la promotion quand tu n’es pas concerné et que tu te contrefous des possibles dérapages.
Si on attire les abeilles avec du miel, on attire les mouches avec de la merde. Après avoir enfreint ses propres règles pour attirer Northvolt et tout leur offrir sur un plateau d’argent, le premier ministre Legault poursuivait son opération charme en déclarant que le Québec était intéressant pour cette entreprise en raison de ses bas salaires. C’est ce que nous apprenait le Parti québécois et Radio-Canada la semaine dernière à la suite d’un document rendu public. Rappelons que ce document préparé par le gouvernement Legault avait été présenté aux dirigeants de Northvolt en 2022.
Le premier ministre Legault joue sur deux tableaux en même temps, présumant que nous sommes trop stupides pour nous en apercevoir. D’un côté, il tient pour acquis que les Québécois feront la file pour déposer leur candidature sur les bas salaires que risque d’offrir cette entreprise, et il n’a pas totalement tort. D’un autre côté, il refuse des immigrants, il refuse de traiter des dossiers de travailleurs temporaires, il refuse de répondre aux besoins criant et immédiat des employeurs en se pavanant devant les Kodaks en disant qu’il ne veut que créer des emplois payants. Rappelons que cette usine que Northvolt veut bâtir en Montérégie devait faire travailler quelque 3000 personnes. Ce nombre de créations d’emploi a bien évidemment été lancé avant l’annonce de la suppression de 1600 emplois.
Pendant ce temps, François Legault continue de faire ce qu’il fait bien depuis quelques mois, c’est-à-dire se faire rassurant tout en étant absent de la sphère décisionnelle de Northvolt. Au moins, en étant absent du débat, il évite à la fois de se mettre les pieds dans la bouche alors qu’il sait très bien ce qui s’en vient!
L’État suédois, avec son premier ministre en tête, a compris quelque chose que nous n’avons pas encore compris ou du moins que l’on s’obstine à ne pas comprendre, puisque le premier ministre suédois, Ulf Kristersson déclarait la semaine dernière que la Suède n’envisageait pas d’aider financièrement Northvolt à garder la tête hors de l’eau en devenant «actionnaire», alors que l’entreprise a déjà récolté quelque 15 milliards de dollars américains depuis sa fondation en 2015. Pendant ce temps, les gouvernements de Justin Trudeau et de François Legault se sont engagés à hauteur de 2,4 milliards.
M. Legault, arrêtez de parler des deux côtés de la bouche en même temps. Ça donne des crampes, et ça vous déforme le visage. Deux éléments qui ne sont pas à votre avantage.