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4 critères pour mesurer la qualité des sociétés cotées en Bourse

Le courrier des lecteurs|Mis à jour le 22 août 2024

4 critères pour mesurer la qualité des sociétés cotées en Bourse

Le PDG de Berkshire Hathaway, Warren Buffett. (Photo: Kevin Dietsch/Getty Images)

Un texte de Mathieu Bouthillier, CFA, M.Sc., président et gestionnaire de portefeuille, Bouthillier Capital, avec la collaboration de Félix Rivest

Cette année, l’assemblée annuelle de Berkshire Hathaway fut marquée par l’absence du défunt Charlie Munger, que Warren Buffett qualifiait d’«architecte» de Berkshire Hathaway (BRK.B, 444,51$US).

Munger était apprécié de tous pour sa vision de la vie et de l’investissement, sa sagesse et son humour mémorable. Ensemble, les deux hommes ont fait croître bien plus que de l’argent, bâtissant au passage une grande amitié et une incroyable culture d’entreprise.

Cette culture semble également se transposer à son actionnariat. En effet, aucune autre entreprise ne peut compter sur des actionnaires ayant un horizon d’investissement aussi long terme, permettant ainsi à Berkshire de s’exécuter là où il excelle: laisser croître ses titres gagnants.

Nous pouvons donc parler d’une véritable union de confiance entre les actionnaires, les allocateurs et les sociétés opérantes, une symbiose qui s’embellit avec le passage du temps.

Certains titres boursiers présentent des attributs de qualité plus importants que d’autres, ce qui les distingue et les rend intéressants dans l’élaboration d’une stratégie d’investissement dite «toute saison».

Voici quatre critères qualitatifs importants qui, à notre avis, permettent de mesurer la qualité des sociétés cotées en Bourse.

1. Avantages concurrentiels

Warren Buffett a popularisé au fil des années le terme de «moat» pour désigner les barrières à l’entrée, c’est-à-dire l’ensemble des avantages concurrentiels durables qu’une compagnie possède. Prenons par exemple les transporteurs ferroviaires Canadian Pacifique Kansas City (CP, 108,16$) et Canadien National (CNR, 154,51$), toutes deux cotées à la Bourse de Toronto.

« The most important thing to me is figuring out how big a moat there is around the business. What I would love, of course, is a big castle and a moat with piranhas and crocodiles. » – Warren Buffet

Les deux entreprises ont des réseaux qui couvrent l’ensemble du Canada, une partie des États-Unis et, pour CPKC, une partie du Mexique. Les réseaux de ces sociétés ne sont pas copiables par de nouveaux entrants en raison des coûts exorbitants qu’il faudrait y investir et du temps nécessaire pour établir un réseau compétitif. Dans notre exemple, la composante de l’avantage concurrentiel réside dans l’unicité de l’actif. CPKC et le CN ont donc peu de menace externe et peuvent donc plus librement exercer leur pouvoir de fixation des prix.

Les avantages concurrentiels évoluent dans le temps, pour le meilleur et parfois pour le pire. Pour continuer avec notre exemple, l’acquisition récente de Kansas City Southern par Canadien Pacifique élargit leur empreinte jusqu’au Mexique, ce qui en fait l’unique réseau panaméricain du genre et offre une proposition de valeur logistique appréciable pour le client.

Le scénario inverse est également possible… Les grandes banques canadiennes ont consolidé le réseau de courtage national et ont longtemps représenté la seule option pour l’investissement autonome ou géré. Désormais, des entreprises de technologie financière proposent la négociation de titres sans commission, des comptes d’épargne à intérêts élevés avantageux et un accès simplifié à l’investissement.

On peut croire que le réseau traditionnel est à risque de perdre des parts de marché de ce côté, surtout chez les jeunes investisseurs. À titre d’exemple, selon BNN Bloomberg, le tiers des 300 000 CELIAPP ouverts au Canada à la fin 2023 se trouvaient sur la plateforme Wealthsimple.

2. L’innovation

L’innovation est le deuxième critère que nous prenons en considération dans notre évaluation qualitative: la technologie et le savoir-faire de l’entreprise. À ce titre, certains modèles d’affaires sont résolument dédiés à déloger leurs pairs en misant sur l’innovation. Une entreprise capable d’aborder une industrie mature et de réinventer son modèle d’affaires en se tournant vers l’avenir serait un bon exemple.

Pensons ici à l’entreprise Alimentation Couche-Tard (ATD, 83,57$) avec ses nouveaux concepts de dépanneurs et de stations-service équipés de bornes de recharge pour voitures électriques. De plus, le nouveau concept propose un dépanneur modernisé, une offre alimentaire plus importante, des tables avec des prises de recharge et de nombreuses toilettes.

Couche-Tard s’assure ainsi d’être un arrêt de choix lors des voyages en voiture, qu’elles soient électriques ou à essence. Les perspectives sont intéressantes pour l’entreprise, sachant qu’en moyenne, la visite d’un client possédant une voiture électrique génère davantage de ventes à marges élevées (hausse de 15% des ventes de marchandises et 12% de plus pour les lavages de véhicules), ce qui se traduit par un profit de 25% supérieur à celui d’un véhicule à combustion.

3. L’allocation du capital

De manière simplifiée, il s’agit d’évaluer si l’entreprise peut réaliser des projets avec un rendement supérieur à son coût du capital, de manière durable. Dispose-t-elle de projets d’investissement internes pertinents? Est-ce que l’équipe de gestion a démontré ses capacités d’acquisition et d’intégration, notamment en générant des occasions de croissance et des synergies? Une société ayant peu de projets d’investissement a peu d’occasions de croissance et est généralement de moindre qualité. Par ailleurs, une fiche d’évaluation entachée par une acquisition hasardeuse le serait tout autant qu’une vente d’actifs à rabais qui aurait été mal exécutée.

Une perspective historique éclairée doit être prise en compte pour mieux entrevoir l’allocation future du capital et augmenter les probabilités qu’elle soit profitable aux actionnaires.

Une entreprise bien gérée ayant toujours des projets d’investissement créateurs de valeur est souvent un «compounder», c’est-à-dire une entreprise ayant la capacité de croître sans cesse sur une très longue période.

Couche-Tard, Canadien Pacifique et Canadien National sont trois bons exemples, ayant produit respectivement +23%, +14% et +13% de rendement annuel moyen depuis le début des années 2000, incluant les dividendes, ce qui se compare favorablement au +6% par année pour l’indice phare canadien S&P/TSX.

4. L’investissement ESG

Les normes environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) sont des critères que nous prenons en compte dans notre évaluation de la responsabilité d’entreprise, laquelle est gage de pérennité. Chez B-CAP, nous sommes notamment préoccupés par les changements climatiques et leurs conséquences sur notre planète. Nous voulons détenir des sociétés ayant les capacités et la volonté de changer leurs pratiques et d’ajuster leur offre de services en faveur de la protection de l’environnement.

Un exemple est l’entreprise de machinerie agricole et industrielle John Deere (DE, 377,92$US), qui propose entre autres des modèles de tracteurs commerciaux électriques à conduite autonome avec application intelligente de pesticides.

Ces technologies, à travers leur processus d’optimisation en temps réel, permettent de réduire les émissions polluantes, y compris les GES et les pesticides. Dans un autre registre, l’entreprise d’ingénierie Stantec (STN, 113,24$) conçoit pour ses clients des projets d’infrastructure et commerciaux minimisant leur impact environnemental.

Notamment, la firme canadienne possède une expertise dans le domaine de l’eau : traitement des eaux usées, gestion des ressources, transport et gestion des pluies, etc.

John Deere et Stantec sont de bons exemples de sociétés alignées avec nos préoccupations environnementales tout en affichant un score élevé selon nos autres critères qualitatifs et quantitatifs.

Le facteur qualité permet à l’investisseur de garder le cap à travers les cycles économiques et boursiers. La prémisse est ancrée dans la confiance, laquelle s’épanouit sur le long terme et permet de réduire le «bruit» du marché. Ce n’est certes pas la seule façon de générer des profits en Bourse, mais c’est peut-être la plus simple, la plus éprouvée et la plus constante parmi toutes.

En ce qui concerne les stratégies en actions de type «buy-and-hold» (acheter et conserver) à très faible vélocité transactionnelle (lesquelles ont l’avantage de générer très peu de gains réalisés sur la période de détention), c’est, à notre humble avis, la quintessence de la sélection de titres gagnants.