Plastique et intelligence artificielle: même combat?
Olivier Laquinte|Publié il y a 28 minutes | Mis à jour il y a 18 minutesL’avènement du plastique est une des causes de notre croissance économique depuis 50 ans. Est-ce que l’IA jouera le même rôle? (Photo: 123rf.com)
EXPERT INVITÉ. La semaine dernière, j’ai eu la chance d’assister à une conférence de Jacques Nantel sur son dernier livre, «C’en est fait de notre société de consommation!». Coécrit avec Isabelle Thibeault, cet essai analyse de manière rigoureuse et accessible la manière dont notre société s’est construite autour de la consommation.
Pendant son exposé, Jaques Nantel explique que notre économie est basée en grande partie sur la consommation des ménages et que la croissance du PIB a été rendue possible grâce au crédit et à la baisse du coût relatif des produits, notamment due à l’invention du plastique. Cette innovation a transformé l’économie mondiale, réduisant drastiquement les coûts de production et démocratisant l’accès à de nombreux produits.
C’est donc l’effet combiné d’une innovation industrielle, le plastique, et d’une innovation financière, le crédit, qui a permis la croissance des 40 à 50 dernières années.
Mais que se passe-t-il lorsque le crédit des ménages atteint un point de rupture et que le plastique a donné tout ce qu’il pouvait en matière d’optimisation? En fait, non seulement a-t-il épuisé ses bénéfices, mais nous constatons chaque jour les effets pervers de cette matière, ainsi que ceux du pétrole qui en est la base.
C’est à ce moment que je me suis demandé si l’intelligence artificielle (IA) pourrait avoir un impact similaire à celui du boom industriel du plastique. L’IA nous permettra-t-elle de maintenir notre niveau de vie et de «sauver» nos économies?
Et là, vous allez peut-être me dire: «Holà, tu exagères un peu. Il y a des limites à parler de l’IA à toutes les sauces!» Et vous n’auriez pas tort. J’avoue avoir été un peu perturbé par la présentation et par le constat qu’il fait d’un avenir pas si lointain. Loin d’avoir des réponses, je pense qu’à ce stade, toutes les pistes de réflexion sont bonnes, même les plus farfelues.
La révolution du plastique
La découverte du plastique a bouleversé de nombreuses industries en introduisant de nouveaux produits et en redéfinissant les modèles d’affaires. L’IA agit de manière similaire aujourd’hui en transformant des secteurs comme la santé, les finances, la logistique, et même la création artistique. Elle permet non seulement d’améliorer les produits et services existants, mais aussi d’en créer de nouveaux, qui seraient impensables sans la puissance de traitement et d’analyse de l’IA.
Mais au-delà du potentiel de la technologie, je pense que nous devrions tirer des leçons des impacts à long terme d’une innovation aussi significative. Bien qu’innovant, le plastique a eu des effets néfastes sur l’environnement, qui n’ont pas été anticipés à ses débuts. De la même manière, l’IA soulève déjà des préoccupations éthiques et sociétales, notamment en matière de confidentialité, de biais et de sécurité.
Tout comme le plastique a soulevé des questions sur la durabilité, l’IA oblige aujourd’hui à repenser la gestion des données, la transparence des algorithmes et l’impact sur l’emploi. La prolifération de cette technologie demande des régulations et une prise de conscience pour éviter les dérives potentielles.
Comme le plastique est devenu omniprésent, l’IA commence également à l’être dans notre quotidien. En médecine, dans les objets connectés, dans nos véhicules et nos téléphones, l’IA s’immisce progressivement, créant une dépendance technologique qui, tout comme le plastique, pourrait devenir difficile à remettre en question.
Le plastique et l’IA répondent tous deux à des besoins spécifiques de notre société, mais chacun impose des coûts, qu’ils soient environnementaux ou sociaux. L’infrastructure énergétique nécessaire à la mise en œuvre de solutions d’IA, par exemple, peut être aussi controversée que celle du plastique à l’époque, en raison de son impact sur les ressources et l’environnement, notamment dans le cas des modèles d’IA générative et des serveurs de données.
En fin de compte, il n’y a pas de réponse binaire à apporter. Ni à l’avènement du plastique ni à celui de l’intelligence artificielle. Si ces innovations ont permis à nos sociétés de croître et de progresser, il est également impératif de s’interroger sur les cadres à établir, les régulations à instaurer, et les indicateurs à déployer pour identifier les signaux faibles de leurs dérives.
Ce qui est certain, c’est qu’il n’y a pas de solution miracle, pas plus qu’il n’y a d’innovation intouchable. Pour l’IA, comme ce fut le cas pour le plastique, il s’agira d’une gestion équilibrée entre bénéfices économiques et coûts écologiques et sociaux.
Car après tout, l’histoire nous a montré que le progrès a toujours un double visage. La question est, cette fois-ci, serons-nous assez sages pour l’anticiper?