Les ventes à découvert peuvent avoir des conséquences catastrophiques pour des entreprises qui sont pourtant en bonne santé financière. (Photo: Thibault Camus / Associated Press)
EXPERT INVITÉ. Le marché boursier, souvent considéré comme un indicateur de la santé économique d’un pays, reflète l’ensemble des transactions effectuées sur les actions des sociétés cotées en bourse.
Les investisseurs à long terme cherchent généralement à favoriser la croissance et la stabilité. Mais il existe une autre catégorie de participants au marché…
… les spéculateurs.
Je parle particulièrement des vendeurs à découvert, ou « shorters », qui cherchent à profiter de la baisse des prix des actions.
En pariant sur la chute des actions, ces spéculateurs peuvent avoir un impact négatif considérable sur les entreprises et sur l’ensemble du marché. Même si le « shorting » est légal, il amplifie la volatilité, réduit la confiance des investisseurs et crée souvent des cercles vicieux qui nuisent aux entreprises et à l’économie en général.
C’est surtout pour ça que je n’ai aucun respect pour ce que l’on appelle le « marché ».
La vente à découvert consiste, pour un spéculateur, à emprunter des actions dont il pense que la valeur va baisser.
Il vend ensuite ces actions empruntées au prix actuel, en espérant les racheter plus tard à un prix plus bas et faire un profit immédiat.
En passant, vous pouvez demander à votre courtier de ne pas « louer » vos actions.
En théorie, cette stratégie peut corriger les excès du marché en identifiant les entreprises surévaluées et en prévenant les bulles. Mais en réalité, elle est bien moins noble. Elle contribue souvent à des chutes de prix rapides et injustifiées, créant ainsi une prophétie autoréalisatrice qui peut pousser même des entreprises saines vers des situations désespérées.
Qui peut avoir du respect pour un comportement aussi opportuniste et destructeur qui encourage les abus ?
Quand un grand nombre de spéculateurs se mettent à vendre une action à découvert, ils créent une forte pression à la baisse sur son prix, déclenchant possiblement une panique chez les autres investisseurs, qui se mettent à vendre leurs actions avant de trop perdre. Cette panique peut s’emballer et provoquer une baisse beaucoup plus importante que celle justifiée par les performances réelles de l’entreprise.
Quand la chute n’est pas très grande, elle peut simplement se manifester sous forme d’une lente descente aux enfers…
Surtout que quelque 80 % des transactions sont programmées par des algorithmes qui suivent simplement la parade… et créent une spirale descendante.
Comme la saucisse Hygrade à l’époque.
Ce phénomène est particulièrement flagrant sur ce qu’on appelle les « small cap », les actions de petites entreprises. Les positions à découvert sur ces titres peuvent créer des mouvements de prix démesurés, rendant difficile pour l’entreprise de maintenir la confiance des investisseurs et se financer en cas de besoin.
Quand les « shorters » ciblent une entreprise, ils envoient souvent un signal aux autres investisseurs qu’il y a un problème sous-jacent. C’est souvent complètement sans fondement.
Si le prix de l’action chute suffisamment, l’entreprise peut subir des pressions de la part de ses créanciers, qui pourraient exiger des garanties supplémentaires ou rappeler leurs prêts, créant ainsi un réel problème.
À ce point, plus l’entreprise lutte, plus elle devient vulnérable aux vendeurs à découvert, qui continuent de profiter de la chute du prix. La détérioration de la situation financière de l’entreprise vient alors justifier davantage de ventes à découvert, créant un cercle vicieux qui peut mener jusqu’à la faillite, même si le modèle commercial de l’entreprise est viable.
Bravo!
De nombreuses entreprises innovantes, notamment dans les secteurs de la technologie ou de la biotechnologie, fonctionnent à perte pendant des années pendant qu’elles développent de nouveaux produits ou services. Ces entreprises dépendent fortement de la confiance des investisseurs et de leur accès aux capitaux pour financer leur croissance.
Imaginez une entreprise de biotechnologie sur le point de découvrir un médicament révolutionnaire qui voit le prix de ses actions s’effondrer en raison d’une vente à découvert agressive. La chute du prix des actions peut limiter sa capacité à lever des fonds, retardant, ou même forçant l’arrêt de ses recherches.
Suis-je seul à m’offusquer que la spéculation à court terme prime sur l’innovation ?
Heureusement, lorsque les choses tournent bien et que le cours de l’action monte au lieu de descendre, la spirale peut aller dans l’autre sens, forçant les « shorters » à acheter leur titre le plus rapidement possible afin de limiter leurs pertes. C’est ce qu’on appelle, dans le jargon, un « short squeeze ». Mince consolation.
Ça ne me fait pas respecter le marché pour autant…