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Jean Sasseville

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Jean Sasseville

Expert(e) invité(e)

Montréal veut devenir une ville de 15 minutes

Jean Sasseville|Publié il y a 20 minutes

Montréal veut devenir une ville de 15 minutes

L’objectif est que trois Montréalais sur quatre habitent à moins de 15 minutes de marche du transport collectif structurant et de principales ressources du quotidien (école, commerces, pôles d’emploi, etc.) en 2050. (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. Montréal a présenté le 11 juin un projet de Plan d’urbanisme et de mobilité 2050 (PUM). L’objectif est que trois Montréalais sur quatre habitent à moins de 15 minutes de marche du transport collectif structurant et de principales ressources du quotidien (école, commerces, pôles d’emploi, etc.) en 2050. Malheureusement, pour les prochaines années, ce plan n’est pas une solution à la crise du logement.

Actuellement, chaque terrain a une hauteur maximale. On peut facilement établir le nombre maximum d’étages permissible. Il n’y aura plus de hauteur maximale avec le PUM.

On se servira plutôt de trois types d’intensification urbaine:

  1. Douce: ajout d’un étage ou d’une unité d’habitation en arrière-cour (ex: Pointe-aux-Trembles). On pourra développer entre 15 et 60 unités par hectare.
  2. Intermédiaire: possibilité d’augmenter la hauteur maximale permise, si un transport structurant se trouve à proximité. Il pourra y avoir entre 60 et 200 logements par hectare.
  3. Élevée: création de quartiers complets dans les territoires à transformer (ex. l’hippodrome). On pourra dépasser 200 logements par hectare.

Ce n’est pas clair? C’est normal. C’est complexe et flou.   

Chaque arrondissement aura beaucoup de marge de manœuvre. À un endroit, on peut autoriser 20 étages avec beaucoup d’espace vert entre les immeubles. Ailleurs, on ne permettra que six étages, mais avec une haute densité de construction. Pourtant le nombre de logements par hectare serait similaire.

Opportunités

C’est probablement près des réseaux de transports projetés, dans les secteurs d’opportunité et des secteurs économiques prioritaires qu’il y aura le plus d’occasions de trouver des terrains avec un fort potentiel d’augmentation de valeur.

Pour les petits immeubles, on pourra ajouter un logement à l’arrière du terrain ou par un ajout d’étage.

Les OSBL en habitation et les autres du domaine communautaire vont croître. Pour cela, ils ont besoin de fonds et de dons de terrain. La ville va créer un fonds de 100 millions de dollars pour les aider.

Un promoteur pourra obtenir un nombre d’étages plus élevé en échange de construction de logements abordables (zonage incitatif).

Les promoteurs progressistes sont les plus susceptibles de savoir nager avec les valeurs communautaires et offrir des projets que la ville recherche.

Mes inquiétudes

Les nombres de logements par hectare proposés ne permettent qu’une trop faible hausse de la densification.

Et c’est pour cela qu’il est estimé que ce plan de densification ajoutera 200 000 habitations d’ici 2050, soit une moyenne de 8000 constructions par an seulement.

Pour l’ensemble de la province, la Société canadienne d’hypothèques et de logements (SCHL) estime qu’il faudrait créer 150 000 nouveaux logements par année, pour un total de 1,2 million d’unités supplémentaires, à l’horizon 2030.

Un objectif de 8000 pour Montréal, c’est beaucoup trop bas. On sera loin de suffire à la demande. La crise va empirer.

On vise 2000 logements abordables, incluant le logement social, par an jusqu’en 2050, partagés entre de nouvelles constructions et des logements existants placés hors marché. L’achat d’un logement privé existant par un OBNL n’augmente pas l’offre totale.

Faute de prévisibilité, les promoteurs privés et leurs investisseurs aborderont initialement les opportunités avec plus de prudence, freinant ainsi le développement immobilier.

Avec la complexification des règles, les délais pour l’obtention d’un permis vont augmenter.

L’ajout de près de 200 kilomètres de tramway coûterait plusieurs dizaines de milliards.

Il n’y a aucune mesure qui va faire augmenter significativement les mises en chantier par le privé.

Consultation citoyenne et échéancier

Il y a un forum le 29 août, des séances de questions-réponses au mois de septembre et l’audition des opinions à la fin septembre.

Le plan prendra effet en juin 2025. Les arrondissements devraient prendre de 6 à 18 mois pour mettre en place leurs règlements de concordance.

Pour la planification des transports collectifs, ne devrait-on pas consulter Québec et Ottawa avant de consulter les citoyens?

C’est un long processus d’adoption, particulièrement en période de crise du logement.

Que sera Montréal en 2050?

Si plus de destinations essentielles sont accessibles à moins de 15 minutes, cela améliorerait grandement la qualité de vie des gens. La proximité de transports collectifs permet de se rendre sans voiture aux destinations qui sont plus éloignés, entre autres le lieu de travail, le cégep et l’université.

Montréal a plusieurs atouts tels qu’une abondance d’espaces verts, un excellent réseau de rues commerciales ainsi qu’un pôle de savoirs et d’affaires connecté au monde entier. Montréal est un carrefour économique florissant. Le concept de ville des 15 minutes permet de contrer l’étalement urbain et de combattre les changements climatiques.

Paris a adopté ce concept en 2020. C’est plus facile pour eux de le mettre en œuvre avec leur population plus dense (20 238 habitants au kilomètre carré contre 4834 à Montréal) et ils ont déjà un important réseau de transport collectif.

Ce concept va donc prendre plus de temps à se mettre en place ici. Je ne pense pas qu’on aura construit 200 kilomètres de tramway d’ici 25 ans.

L’administration municipale veut que le hors marché passe de 7% du total actuellement à 20% en 2050. Elle mise peu sur le privé.

Pourtant, si on enlevait des freins à la construction par le privé, les probabilités de succès du plan augmenteraient. Enlever le règlement 20-20-20 serait une bouffée d’air frais.

Les capitaux sont mobiles et Montréal se doit de rester attractif.

Sans la densité nécessaire pour justifier les investissements élevés en infrastructure d’eau et d’égouts ainsi que pour le transport collectif, on n’aura pas une meilleure abordabilité.

Est-ce la vision à long terme de cette administration municipale? Oui.

Est-ce un plan d’action pour sortir de la crise? Non.