(Photo: Brandon Bell/Pool via AP)
EXPERT INVITÉ. Donald Trump a annoncé lors de sa campagne électorale que s’il était élu, il prendrait de nombreuses décisions stratégiques importantes le premier jour de son «règne», le 20 janvier prochain. Suite à sa victoire, face à ces promesses se posent de nombreuses questions, notamment leurs «faisabilités juridiques». Synthèse et analyse des plus importantes promesses et de la réalité.
Les faits
L’ancien président Donald Trump est prêt à retourner à la Maison-Blanche après avoir remporté la course à la présidence en battant la vice-présidente Kamala Harris.
Au cours de sa troisième campagne présidentielle, Donald Trump a exposé un grand nombre des mesures qu’il prendrait dès le premier jour de son retour au pouvoir.
L’année dernière, Donald Trump a déclenché de nouvelles alarmes lorsqu’il s’est qualifié de «dictateur», mais seulement au «premier jour», lors d’une réunion publique dans l’Iowa. Interrogé par un animateur de Fox News, qui lui demandait s’il promettait qu’il «n’abuserait jamais du pouvoir pour se venger de qui que ce soit», Donald Trump a répondu : «Sauf le premier jour».
Si on imagine (espère) aisément que c’était une boutade, il y a plusieurs autres promesses «plus sérieuses» qui ont été mises en avant. Lesquelles sont-elles et est-ce que le nouveau président a toutes les cartes en main pour les mettre en place?
SUIVANT- 8 cas concrets
Passons dans les cas concrets
Donald Trump a annoncé qu’il allait prendre plusieurs décisions le premier jour de son arrivée au pouvoir à la Maison-Blanche. Analysons-les plus importantes et regardons si elles sont concrètement réalisables :
1. Sécurité des frontières et immigration:
Donald Trump prévoit de «fermer la frontière» et de lancer un programme d’expulsion massive des immigrés sans papiers dès la première heure de sa présidence.
Les faits : La capacité du président américain à fermer unilatéralement la frontière sans l’approbation du Congrès est limitée et repose sur des cadres juridiques spécifiques. En vertu de la loi sur l’immigration et la nationalité (INA), le président peut suspendre l’entrée de ressortissants étrangers s’il le juge nécessaire pour la sécurité nationale, tandis que les lois sur la santé publique, telles que le titre 42, peuvent justifier des mesures temporaires basées sur des crises sanitaires. Le déploiement militaire pour le contrôle des frontières est possible, mais limité par des lois telles que la loi Posse Comitatus, qui restreint l’implication de l’armée dans le contrôle de l’application des lois nationales. Cependant, les actions à long terme nécessitent l’approbation du Congrès et sont soumises à un contrôle judiciaire, ce qui rend toute fermeture unilatérale des frontières à la fois temporaire et susceptible de faire l’objet de contestations juridiques.
SUIVANT – Mise en place de tarifs douaniers
2. Mise en place de tarifs douaniers:
Tout au long de sa campagne, Donald Trump a promis d’imposer des droits de douane sur les produits importés, en particulier ceux en provenance de Chine. Le montant des droits de douane promis varie. Il a proposé au moins un droit de douane général de 10% sur les produits importés, une taxe à l’importation de 60% sur les produits en provenance de Chine et un droit de douane de 25% sur tous les produits en provenance du Mexique, si ce n’est plus.
Les faits : Comme nous l’avons déjà indiqué précédemment, Donald Trump n’aurait probablement pas besoin du Congrès pour imposer ces droits de douane, comme cela a été le cas en 2018, lorsqu’il les a imposés sur les importations d’acier et d’aluminium sans passer par les législateurs en citant l’article 232 de la loi de 1962 sur l’expansion du commerce (Trade Expansion Act). Cette loi, selon le Congressional Research Service, donne au président le pouvoir d’ajuster les droits de douane sur les importations qui pourraient affecter la sécurité nationale des États-Unis, un argument que Donald Trump a avancé.
SUIVANT – Les baisses d’impôts
3. Les baisses d’impôts :
Les détails sont encore flous. Ce que l’on peut cependant dire c’est que la loi sur les réductions d’impôts et les emplois (Tax Cuts and Jobs Act, ou TCJA) promulguée par Trump en 2017 sera une priorité essentielle pour le président élu en 2025. Cette loi a apporté des changements radicaux, notamment des tranches d’imposition plus basses, des déductions standard plus élevées, un crédit d’impôt pour enfants plus généreux et une exonération plus importante de l’impôt sur les successions et les donations, entre autres dispositions. Ces allégements fiscaux pour les particuliers expireront après 2025 sans intervention du Congrès, ce qui pourrait entraîner une hausse des impôts pour plus de 60% des contribuables, selon la Tax Foundation. Toutefois, Donald Trump souhaite prolonger intégralement les dispositions de la TCJA qui arrivent à expiration. Enfin, le président Trump a récemment proposé d’abaisser le taux d’imposition des sociétés de 21 à 15% pour les entreprises qui fabriquent leurs produits en Amérique.
Les faits: La majeure partie de la politique fiscale de Donald Trump doit être approuvée par le Congrès. Si sur le «papier» cela paraît simple, car le Congrès et totalement Républicains, il faudra néanmoins convaincre tous les membres du parti. Et l’on sait que certains républicains ne veulent actuellement pas de baisses d’impôts de crainte de voir les déficits de l’État s’envoler.
SUIVANT – La production d’énergie
4. Production d’énergie :
Donald Trump supprimera les réglementations qui, selon lui, augmentent les prix à la consommation et encouragera la production de combustibles fossiles par des politiques de «drill, baby drill» (fore, bébé, fore).
Les faits : Grâce à un décret pris dès le premier jour, il peut faire reculer les mesures de protection de l’environnement, mettre un terme aux projets éoliens, saborder les objectifs de l’administration Biden visant à encourager le passage aux voitures électriques et abolir les normes imposées aux entreprises pour qu’elles deviennent plus respectueuses de l’environnement. Cependant, Donald Trump ne peut pas ordonner directement aux entreprises de fracturation aux États-Unis de commencer à forer dès le premier jour sans respecter les cadres juridiques et réglementaires. Alors qu’un président peut influencer la politique énergétique par des décrets, des modifications de la réglementation ou des directives aux agences fédérales, la fracturation et le forage dépendent en grande partie d’entreprises privées opérant sur des terrains privés ou d’État, où l’approbation fédérale n’est pas requise. En ce qui concerne le forage sur les terres fédérales, Donald Trump pourrait accélérer le processus en assouplissant les restrictions, en publiant des décrets pour rationaliser les approbations de permis ou en annulant les réglementations existantes. Toutefois, ces mesures devraient toujours être conformes aux lois sur l’environnement et aux procédures d’examen public, et elles pourraient faire l’objet de contestations judiciaires. L’influence du président est plus indirecte : il s’appuie sur des signaux politiques pour encourager ou décourager l’activité industrielle.
SUIVANT – Les guerres dans le monde
5. Les guerres dans le monde :
Lors de sa campagne électorale, Donald Trump a déclaré qu’il pourrait mettre fin à la guerre en Ukraine «en un jour». Il a également critiqué à plusieurs reprises le soutien continu du gouvernement américain à l’Ukraine, considérant la guerre comme une perte de ressources. Par ailleurs, il a aussi affirmé qu’il pourrait mettre en place un cessez-le-feu au Proche-Orient.
Les faits: C’est bien évidemment la promesse la plus compliquée, ambitieuse ou encore impossible à réaliser. En effet, lorsque l’on parle de trêve ou de cessez-le-feu, on doit être minimum 2 autour de la table des négociations. Cependant, Donald Trump pourrait influencer la guerre en Ukraine par la diplomatie, l’ajustement de l’aide militaire et d’éventuelles modifications des sanctions, bien que nombre de ces actions soient soumises à des contraintes juridiques et à celles du Congrès. Il pourrait encourager les pourparlers de paix, ralentir les livraisons d’armes américaines ou utiliser les sanctions comme levier pour encourager les négociations. En outre, Donald Trump pourrait manifester son opposition à l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, ce qui pourrait influencer la volonté de la Russie de négocier. Toutefois, la modification de nombreuses sanctions nécessite l’approbation du Congrès, et Donald Trump ne peut pas forcer l’Ukraine à accepter des conditions de paix qui portent atteinte à sa souveraineté. En fin de compte, s’il peut redéfinir l’engagement des États-Unis, la résolution du conflit dépendra de la coopération de l’Ukraine, de la Russie, des alliés de l’OTAN et du Congrès.
SUIVANT – Un pardon «national»
6. Un pardon «national» :
Depuis l’attaque du Capitole il y a près de quatre ans, plus de 1 500 personnes ont été inculpées pour leur participation à l’émeute. Donald Trump, qui fait des événements du 6 janvier 2021 la pierre angulaire de sa campagne, a qualifié les émeutiers de «patriotes incroyables» et s’est engagé à les soutenir dès le premier jour de son mandat. Cette promesse d’aider les personnes impliquées dans le siège du Capitole est devenue un aspect essentiel de son discours alors qu’il faisait campagne pour revenir à la Maison-Blanche.
Les faits: En tant que président, Donald Trump pourrait gracier les personnes condamnées pour des crimes fédéraux, y compris les émeutiers du 6 janvier, mais il ne peut pas étendre ce pouvoir aux condamnations prononcées au niveau de l’État. Il pourrait également ordonner au ministère de la Justice de déprioriser ou d’arrêter les poursuites fédérales liées à l’émeute du Capitole, en s’appuyant sur ses pouvoirs exécutifs. Toutefois, les poursuites engagées au niveau des États, comme en Géorgie ou à New York, resteraient hors de son contrôle. Bien que légales, ces actions provoqueraient probablement d’importantes controverses politiques et éthiques sur les limites de l’autorité présidentielle.
SUIVANT – Se gracier soit même
7. Se gracier soit même :
Donald Trump a déclaré qu’il allait immédiatement renvoyer le conseiller spécial Jack Smith, qui poursuivait deux affaires fédérales contre lui, en invoquant la politique du ministère de la Justice selon laquelle les présidents en exercice ne peuvent pas être poursuivis. M. Smith avait accusé M. Trump d’avoir tenté de renverser l’élection de 2020 et d’avoir mal géré des documents classifiés à Mar-a-Lago.
Les faits : Bien que Donald Trump ne puisse pas se gracier lui-même dans le cadre de sa condamnation dans l’État de New York, il pourrait tenter d’utiliser sa position de président élu pour effacer la condamnation ou éviter une peine d’emprisonnement. L’affaire de l’ingérence électorale en Géorgie devrait être la seule affaire pénale non résolue, probablement reportée à la fin de son mandat présidentiel en 2029.
SUIVANT – La dette des étudiants
8. La dette des étudiants :
Le président élu Donald Trump a clairement annoncé son intention de démanteler immédiatement les initiatives de Joe Biden concernant l’annulation de la dette étudiante. Ces mesures, qu’il qualifie de «viles» et «illégales», incluent des programmes comme le plan SAVE qui plafonne les paiements à 5% des revenus des emprunteurs. L’équipe de transition de Trump travaille activement sur des moyens de mettre fin à ces politiques, de rétablir les anciens systèmes de remboursement et de reprendre le recouvrement des dettes impayées. Trump prévoit également de nommer Linda McMahon au poste de secrétaire à l’Éducation, qui a vivement critiqué les approches de Biden en matière de dette étudiante.
Les faits: Si l’administration Trump peut rapidement arrêter de défendre certaines politiques de Biden devant les tribunaux ou annuler les initiatives non finalisées, d’autres mesures seront plus complexes. Par exemple, le démantèlement du plan SAVE et la mise en œuvre de nouvelles options de remboursement nécessiteront des modifications opérationnelles et juridiques, un processus long et coûteux. De plus, tout changement majeur dans le système fédéral de prêts étudiants, comme la révision des montants dus ou la reprise des saisies sur salaires, devra probablement être validé par le Congrès. Enfin, bien que Donald Trump puisse influencer directement les décisions à court terme via des ordres exécutifs, les réformes structurelles dépendront largement de l’accord des Républicains au Congrès, qui ont eux-mêmes des avis divergents sur le sujet.
SUIVANT – Que s’est-il passé lors du premier mandat de Donald Trump?
Que s’est-il passé lors du premier mandat de Donald Trump?
Au cours des deux premières semaines de son mandat, le président Donald Trump a pris une série de mesures qui ont donné le ton à son administration, notamment de nombreux décrets et des déclarations controversées.
Il a rétabli la politique de «Mexico» sur le financement de l’avortement, fait avancer les projets d’oléoducs Keystone XL et Dakota Access, imposé un gel des embauches au niveau fédéral et commencé à tenir sa promesse de campagne de construire un mur à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, ce qui a conduit à des tensions accrues avec le Mexique.
En outre, Donald Trump a décrété une interdiction de voyager visant plusieurs pays à majorité musulmane, ce qui a suscité de nombreuses protestations, des contestations juridiques et une certaine confusion dans les aéroports.
Son administration a également été confrontée à des réactions négatives concernant des appels tendus avec le président mexicain Enrique Peña Nieto et le premier ministre australien Malcolm Turnbull.
Donald Trump a aussi remanié le Conseil national de sécurité, élevant le stratège en chef Steve Bannon, tout en rétrogradant des personnalités clés du renseignement, ce qui a suscité de vives inquiétudes.
En matière d’immigration, le président a décidé de suspendre les fonds fédéraux destinés aux villes sanctuaires et a promis que le Mexique rembourserait les États-Unis pour le mur frontalier, ce que les dirigeants mexicains ont catégoriquement rejeté.
Ses décrets comprennent également des révisions des réglementations financières de Dodd-Frank et l’arrêt controversé d’une règle fiduciaire protégeant les consommateurs.
Malgré les turbulences, Donald Trump a réalisé des avancées majeures en nommant le juge Neil Gorsuch à la Cour suprême, une grande victoire pour les conservateurs, et en accueillant la première ministre britannique Theresa May, qui a réaffirmé l’alliance entre les États-Unis et le Royaume-Uni.
Cependant, sa décision de licencier la ministre de la Justice par intérim, Sally Yates, qui a refusé de défendre son interdiction de voyager, et ses critiques à l’égard d’un juge fédéral qui a temporairement bloqué l’interdiction, ont déclenché de nouvelles tempêtes politiques et juridiques.
En bref, on notera que le début de la présidence de Donald Trump 2.0 a été marqué par des changements rapides de politique, une rhétorique agressive et des divisions nationales et internationales de plus en plus profondes.
Synthèse
Donald Trump a promis de prendre une série de décisions importantes dès son premier jour à la Maison-Blanche, mais leur faisabilité varie considérablement. S’il peut, par décret, initier des mesures, ces actions seraient limitées dans le temps et susceptibles de faire face à des contestations juridiques.
Des promesses plus complexes nécessiteront des ajustements législatifs ou des approbations du Congrès, compliquant leur mise en œuvre immédiate.
Enfin, bien que Donald Trump puisse influencer des dossiers internationaux comme la guerre en Ukraine ou des négociations au Moyen-Orient, leurs résolutions nécessiteront une coopération multilatérale qui dépasse ses prérogatives présidentielles.
Ces promesses, souvent ambitieuses, reflètent un mélange d’autorité exécutive et de dépendance aux dynamiques légales et institutionnelles…