Si l’événement donne l’impression que le Québec fait figure de proue dans l’écosystème, c’est peut-être, car on y parle un peu trop de licornes. Mais la réalité est très loin de l’euphorie et de l’enthousiasme dégagé lors de l’événement. (Photo: LinkedIn)
EXPERT INVITÉ. C’est cette semaine qu’a lieu l’événement phare de l’écosystème start-ups à Montréal: le Startupfest. Il se présente comme le rassemblement annuel au cours duquel les entrepreneurs, les investisseurs, les créateurs, les grandes entreprises, les vétérans de l’industrie et les communautés de start-ups tracent la voie de l’entrepreneuriat technologique dans une atmosphère de festival unique en son genre.
Durant cette semaine, j’ai participé à de nombreux ateliers et conférences, en plus d’avoir accepté l’invitation de Québec Tech (anciennement Startup Montréal) pour participer à une cession de «posez-moi les questions que vous souhaitez». Si l’événement donne l’impression que le Québec fait figure de proue dans l’écosystème, c’est peut-être, car on y parle un peu trop de licornes. Mais la réalité est très loin de l’euphorie et de l’enthousiasme dégagé lors de l’événement.
Pendant que les différents intervenants de l’écosystème profitent de l’événement pour faire des pauses méditation et du yoga dans la zone zen, ou assistent à différentes conférences et panels donnés par des entrepreneurs à succès, la situation des start-ups au Québec est plus proche du Fyre Festival que de Coachella!
Bien que le Québec représente 22% du poids démographique du Canada, celui-ci ne crée que 14,2% des jeunes pousses du pays, faisant figure de bon dernier en termes de ratio. Nous sommes évidemment bien loin derrière l’Ontario avec 43,8% des start-ups pour 39% de la population, mais nous avons même été dépassés par l’Alberta qui crée aujourd’hui 11,9% des start-ups pour 11,8% de la population.
Pire encore! Selon une analyse comparative du dynamisme de l’écosystème au Québec réalisée par Réseau Capital nous comparant à l’Ontario et la Colombie-Britannique, en plus de créer moins de start-ups, celles du Québec sont aussi :
- Moins connectées à l’international avec peu de présence dans les accélérateurs internationaux ;
- Perçues par les investisseurs comme ayant des ambitions plus locales qu’internationales ;
- Moins dynamiques pour les rondes de capital de risque aux stades précoces ;
- Avec des sorties d’une valeur totale relativement inférieure et en moins grand nombre.
Le tout n’augure pas bien, surtout lorsque l’on sait que selon l’OCDE, la croissance de la productivité du Canada se classe 37e parmi les 38 pays industrialisés évalués par l’organisme, et le Québec est derrière la moyenne canadienne. L’organisme prévoit aussi que le Canada aura la plus faible croissance de sa productivité et de son économie pour les quatre prochaines décennies si rien ne change. Son poids économique mondial est donc en décroissance.
Mais il ne faut pas s’inquiéter voyons: nous avons la filière batterie et Northvolt, voyons! Ah, j’oubliais, le projet d’usine pourrait être repoussé… Merde!
Startup Montréal devient Québec Tech
C’est aussi durant le Startupfest que Startup Montréal a annoncé devenir Québec Tech. Au-delà du changement de nom qui nous rappelle le succès de la French Tech, l’organisation a aussi revu son mandat qui vise à positionner le Québec parmi les références mondiales en matière de création et de développement de start-ups technologiques à fort potentiel d’exportation.
Selon le communiqué de presse, «l’organisation a pour ambition de propulser ces futures entreprises innovantes en forte croissance (scaleups) vers des succès commerciaux tant au niveau local qu’international, tout en prenant en compte leurs impacts sociaux et environnementaux».
Lorsque Richard Chénier, directeur général de Québec Tech, m’a approché pour siéger sur le comité aviseur, je dois avouer que j’étais un peu cynique. La vérité, c’est que nous sommes des champions au Québec pour lancer un million d’organismes financés par l’État pour aider les entrepreneurs. Mais la réalité est que malgré tous nos incubateurs, l’Alberta nous a dépassés.
Depuis plusieurs années, je porte le même discours, la solution n’est pas de lancer plus d’incubateurs-accélérateurs, mais bien d’investir dans les meilleurs et dans les meilleurs projets et entrepreneurs. Comme le démontre l’étude de Réseau Capital, au-delà du nombre de start-ups créées, nous créons aussi les start-ups les moins ambitieuses et qui seront vendues le plus tôt. Si nous voulons un écosystème en santé, nous avons besoin de plus d’entreprises en croissance et de leaders comme Workleap, Lightspeed et Hopper. La qualité doit primer sur la quantité.
Pas un autre incubateur-accélérateur SVP!
J’ai été rassuré de voir que Québec Tech n’allait pas devenir une autre patente à gosse gérée par des non-entrepreneurs et surtout de ressentir la conscientisation de l’organisation envers la situation actuelle et la nécessité de faire différemment.
Depuis le projet des Gazelles créé par le Parti québécois en 2013, c’est la première fois que je vois une initiative assumer ce que certains pourraient peut-être appeler une position perçue comme plus élitiste, mais nécessaire: soit de se concentrer autour des entreprises technologiques présentant un fort potentiel de croissance, plutôt que de tenter d’aider tout le monde.
Autre élément rassurant: l’équipe de Québec Tech a compris l’importance de s’entourer d’entrepreneurs et d’aller chercher une rétroaction sincère des joueurs clés. Pour ce faire, elle a initialement parlé à 90 entrepreneurs et réajusté son offre de services en conséquence de manière considérable.
Pour ma part, c’est l’une des premières fois depuis un moment où j’ai l’impression qu’on ne me demande pas juste mon opinion pour le paraître. De plus, pour être certain de toujours rester concentré sur les besoins des entrepreneurs, Québec Tech pourra compter sur un comité aviseur composé de plusieurs entrepreneurs tels que Simon De Baene (PDG de Workleap), Fred Bastien (co-fondateur d’Amiral Ventures), Pape Wade (PDG d’Airudi), Julie Lacasse (ex-Tracktik) et plusieurs autres.
Commercialisation et international dans la ligne de mire
L’un des axes importants de Québec Tech tournera autour de la commercialisation et de la croissance internationale. C’est aussi, selon moi, la stratégie gagnante! Tout d’abord, il est crucial de développer beaucoup plus tôt les compétences en commercialisation des entrepreneurs. Je l’ai répété à maintes reprises dans ce blogue: le meilleur financement restera toujours les ventes! Nous avons une multitude de super créateurs d’entreprises technologiques avec des idées ambitieuses et des capacités d’innover. Mais la majorité passe beaucoup trop de temps sur l’idée et échoue à réaliser rapidement des revenus et dépasser rapidement le cap du million de dollars.
Un bon exemple: lors de l’événement Vision PDG organisé par l’Association québécoise des technologies, regroupant 150 des plus grands PDG du secteur technologique, lorsque l’animateur a demandé dans la salle qui avait intégré le RevOps dans ses opérations, nous n’étions que trois. Pourtant, selon Forbes en 2023, les postes en Revops étaient l’emploi en plus forte croissance aux États-Unis.
Le second pilier est l’international. Les entreprises du Québec ne semblent pas réaliser qu’il est utopique de penser réaliser un succès commercial au Québec avec une population de 8,5 millions de personnes, mais aussi d’à quel point être Québécois est un avantage indéniable à l’international. Je blague souvent sur le fait que nous sommes probablement les seuls à pouvoir à la fois être apprécié des Américains et des Français en même temps! De plus, tous les grands succès commerciaux du secteur technologique au Québec des 20 dernières années sont des entreprises qui opèrent à l’international: Lightspeed, Hopper, Workleap, Tracktik, Mnubo, PasswordBox, Luxury Retreats, etc.
En revanche, pour réussir à l’international, il faut s’y préparer dès le départ. Cela amène une plus grande complexité, des investissements plus importants et des sacrifices indéniables pour les entrepreneurs. C’est toutefois la mission que s’est donnée Richard et son équipe en voulant bâtir «l’équipe olympique» des start-ups technologiques québécoises et mobiliser les acteurs clés existants pour en faire des succès commerciaux internationaux et «faire rayonner le Québec sur la scène mondiale.»
Souhaitons-lui bonne chance, car bien que Québec Tech semble avoir les bons ingrédients pour réussir, le défi sera monumental et malheureusement, nous n’avons plus les moyens d’échouer!