La saison des résultats des entreprises américaines sera une nouvelle fois extrêmement importante. (Photo: Getty Images)
C’est peut-être assez lassant, mais les résultats du troisième trimestre des entreprises seront cruciaux pour l’évolution des marchés. En effet, nous avons envie aujourd’hui d’entendre ce que pense «l’économie réelle» des inquiétudes des économistes, que cela soit au niveau économique, monétaire, politique ou encore géopolitique. En bref, y a-t-il lieu de s’inquiéter de la situation actuelle et de l’avenir proche. Synthèse et analyse.
Les faits
L’évolution des bénéfices des entreprises américaines au troisième trimestre 2024 va être peut-être plus importante que lors des trimestres précédents pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, car les principaux indices boursiers américains ont connu 11 mois consécutifs de hausse sans (grand) accroc et le S&P 500 est tout proche de ses records historiques.
Ensuite, on imagine aisément que la croissance attendue pour les entreprises en lien avec l’intelligence artificielle va (à un moment ou un autre) décélérer. On peut aussi imaginer que la baisse (apparente) de l’inflation peut influencer (positivement) les marges de plusieurs entreprises.
Enfin, on pourra se rendre compte si le discours des entreprises reflétera les tout récents avertissements de Mc Donald, Burger King, Levi Strauss, Walgreen ou encore de General Mills concernant la décélération de la croissance du consommateur américain.
🎧 À écouter aussi: les consommateurs, l’inflation et la Fed sous surveillance
Les bénéfices repartent à la hausse
Officiellement, la saison des résultats d’entreprises américaines débutera le 11 octobre lors de la publication de (notamment) JP Morgan ou encore Wells Fargo et pourrait ainsi apporter de nombreuses surprises. Selon l’excellente étude de Factset plusieurs éléments sont à attendre:
- Croissance des bénéfices: pour le troisième trimestre 2024, le taux de croissance des bénéfices estimé (en glissement annuel) pour le S&P 500 est de 4,6%. Si 4,6% est le taux de croissance réel pour le trimestre, il s’agira du cinquième trimestre consécutif de croissance des bénéfices en glissement annuel pour l’indice.
- Révisions des bénéfices: le 30 juin, le taux de croissance estimé (en glissement annuel) des bénéfices du S&P 500 pour le troisième trimestre 2024 était de 7,8 %. Huit secteurs devraient annoncer des bénéfices inférieurs aujourd’hui (par rapport au 30 juin) en raison de révisions à la baisse des
estimations de BPA. - Prévisions de bénéfices: pour le troisième trimestre 2024, 60 sociétés du S&P 500 ont publié des prévisions de BPA négatives et 50 sociétés du S&P 500 ont publié des prévisions de BPA positives.
Une année 2024 attendue en progression, mais…
Si on analyse maintenant les prévisions de croissance des bénéfices et des revenus, on constate les éléments suivants :
Pour le troisième trimestre, les entreprises du S&P 500 devraient enregistrer une croissance des bénéfices de 4,6 % en glissement annuel et une croissance des revenus de 4,7 % en glissement annuel. C’est moins que ce qui était prévu pour le deuxième trimestre.
- Pour le quatrième trimestre 2024, les analystes prévoient une croissance des bénéfices de 15 % et une croissance des revenus de 5,2 %.
- Pour l’année 2024, les analystes prévoient une croissance des bénéfices de 10% et une croissance des revenus de 5 %.
- Pour le premier trimestre 2025, les analystes prévoient une croissance des bénéfices de 14,6% et une croissance des revenus de 5,6%.
- Pour le deuxième trimestre 2025, les analystes prévoient une croissance des bénéfices de 13.7 % et une croissance des revenus de 5,6 %.
- Pour l’année 2025, les analystes prévoient une croissance des bénéfices de 15.2 % et une croissance des revenus de 5.9 %.
Dans l’ensemble, il y a 11 882 notations sur les actions du S&P 500. Sur ces 11 882 notations, 54,5 % sont des notations d’achat, 40,2 % sont des notations de maintien et 5,2 % sont des notations de vente.
Au niveau sectoriel, les secteurs des services de communication (64 %), de l’énergie (62 %) et des technologies de l’information (61 %) affichent les pourcentages les plus élevés de notes d’achat, tandis que les secteurs des biens de consommation de base (43 %), des services publics (48 %) et des matériaux (49 %) affichent les pourcentages les plus faibles de notes d’achat.
Au niveau sectoriel
Voici quelles sont les attentes au niveau sectoriel :
- Services de communication : le secteur des services de communication devrait afficher le troisième taux de croissance des revenus (d’une année sur l’autre) le plus élevé des onze secteurs, soit 10,5 %. Au niveau de l’industrie, trois des cinq industries du secteur devraient enregistrer une croissance des revenus d’une année sur l’autre. Les trois industries devraient enregistrer une croissance à deux chiffres : Divertissement (33 %), Services de télécommunications sans fil (33 %) et Médias et services interactifs (15 %). En revanche, deux secteurs devraient enregistrer une baisse de leurs bénéfices d’une année sur l’autre : Services de télécommunications diversifiés (-7 %) et Médias (-3 %).
- Énergie: le secteur de l’énergie devrait enregistrer la plus forte baisse de revenus (d’une année sur l’autre) des onze secteurs, à savoir -17,6%. La baisse des prix du pétrole d’une année sur l’autre contribue à la diminution des bénéfices de ce secteur d’une année sur l’autre, car le prix moyen du pétrole à ce jour au troisième trimestre 2024 (75,97$) est inférieur de 8% au prix moyen du pétrole au troisième trimestre 2023 (82,22$). Au niveau des sous-industries, trois des cinq sous-industries du secteur devraient enregistrer une baisse des bénéfices d’une année sur l’autre: Raffinage et commercialisation du pétrole et du gaz (-69%), Exploration et production du pétrole et du gaz (-6
%), et Pétrole et gaz intégrés (-6%). D’autre part, deux sous-secteurs devraient enregistrer une croissance de leurs bénéfices d’une année sur l’autre: Stockage et transport de pétrole et de gaz (14%) et Équipement et services pétroliers et gaziers (14%). L’industrie du raffinage et de la commercialisation du pétrole et du gaz est également celle qui contribue le plus à la baisse des
revenus de ce secteur. Si cette industrie était exclue, la baisse estimée des bénéfices (d’une année sur l’autre) pour le secteur de l’énergie passerait de -17,6% à -3,3%. - Santé : le secteur de la santé devrait afficher le deuxième taux de croissance des bénéfices (d’une année sur l’autre) le plus élevé des onze secteurs, soit 11,2 %. Au niveau de l’industrie, 3 des 5 industries du secteur devraient enregistrer une croissance des bénéfices d’une année sur l’autre : Pharmaceutique (32 %), Biotechnologie (20 %), et Équipement et fournitures de soins de santé (7 %). D’autre part, deux industries devraient enregistrer une baisse de leurs bénéfices d’une année sur l’autre : Sciences de la vie, outils et services (-11 %) et Fournisseurs et services de soins de santé (-2%).
- Technologies de l’information : le secteur des technologies de l’information devrait afficher le taux de croissance des revenus le plus élevé (d’une année sur l’autre) des onze secteurs, soit 15,3 %. Au niveau de l’industrie, cinq des six industries du secteur devraient enregistrer une croissance des bénéfices d’une année sur l’autre : Semi-conducteurs et équipement de semi-conducteurs (37
%), matériel technologique, stockage et périphériques (13 %), logiciels (7 %), équipement électronique, instruments et composants (5 %) et services informatiques (1 %). En revanche, le secteur des équipements de communication (-16 %) est le seul secteur qui devrait enregistrer une baisse de ses bénéfices d’une année sur l’autre.
En bref, la marge bénéficiaire nette estimée pour le S&P 500 pour le troisième trimestre 2024 est de 12,2 %, ce qui est égal à la marge bénéficiaire nette du trimestre précédent de 12,2 % et égal à la marge bénéficiaire nette de l’année précédente de 12,2 %, mais supérieur à la moyenne sur 5 ans de 11,5 %.
Au niveau sectoriel, quatre secteurs devraient enregistrer une augmentation de leur marge bénéficiaire nette en glissement annuel au T3 2024 par rapport au T3 2023, avec en tête le secteur des technologies de l’information (25,9 % contre 25,0 %).
D’autre part, sept secteurs devraient enregistrer une baisse de leurs marges bénéficiaires nettes d’une année sur l’autre au troisième trimestre 2024 par rapport au troisième trimestre 2023, avec en tête le secteur de l’énergie (9,3 % contre 10,6 %). Six secteurs devraient enregistrer des marges bénéficiaires nettes au troisième trimestre 2024 supérieures à leur moyenne sur cinq ans, avec en tête le secteur de la
consommation discrétionnaire (9,2 % contre 6,7 %).
Enfin, cinq secteurs devraient enregistrer des marges bénéficiaires nettes au troisième trimestre 2024 inférieures à leur moyenne sur cinq ans, avec en tête le secteur des soins de santé (8,3 % contre 9,7 %) et celui des matériaux (9,7 % contre 11,0 %).
Quel objectif pour le S&P 500 pour ces 12 prochains mois?
Le prix cible ascendant pour le S&P 500 est de 6280,17, soit 9,9 % au-dessus du prix de clôture de 5713,64 du 19 septembre.
Au niveau sectoriel, les secteurs de l’énergie (+16,9 %), des technologies de l’information (15,4 %) et des services de communication (14,1 %) devraient connaître les plus fortes hausses de prix, car ce sont ces secteurs qui présentent les écarts les plus importants entre le cours cible ascendant et le cours de clôture.
En revanche, les secteurs de l’immobilier (+3,2 %) et de la consommation de base (+3,6 %) devraient connaître les hausses de prix les plus faibles, étant donné que ces secteurs présentent les écarts les plus faibles entre le prix cible ascendant et le prix de clôture.
Un problème de concentration
Les 10 premières entreprises du S&P 500 représentent 35 % de la capitalisation boursière, mais seulement 23 % des bénéfices. Cette divergence n’a jamais été aussi importante, ce qui suggère que le marché n’a
jamais été aussi optimiste en ce qui concerne les bénéfices futurs des 10 premières entreprises de l’indice.
En d’autres termes, le problème du S&P 500 aujourd’hui n’est pas seulement sa forte concentration, mais aussi la hausse record des bénéfices futurs d’un petit groupe d’entreprises.
Il ne faudra surtout pas décevoir…
Le nombre de mentions d’IA
Le nombre de mentions d’IA
L’intelligence artificielle est toujours un sujet d’actualité pour le marché. Compte tenu de cet intérêt accru, les entreprises du S&P 500 ont-elles été plus nombreuses que d’habitude à faire des commentaires sur l’« IA » lors de leur conférence téléphonique sur les résultats du deuxième trimestre ?
La réponse est oui. FactSet Document Search a été utilisé pour répondre à cette question. FactSet a recherché le terme « AI » dans les transcriptions des conférences téléphoniques de toutes les sociétés du S&P 500 qui ont organisé des conférences téléphoniques sur leurs résultats entre le 15 juin et le 13 septembre.
Parmi ces sociétés, 210 ont cité le terme « AI » lors de leur conférence téléphonique sur les résultats du deuxième trimestre. Ce chiffre est bien supérieur à la moyenne quinquennale de 88 et à la moyenne décennale de 55.
En fait, il s’agit du deuxième plus grand nombre de sociétés du S&P 500 ayant cité l’«IA » lors de conférences téléphoniques depuis au moins 2014 (en utilisant les composants actuels de l’indice).
Le record actuel est de 211, au premier trimestre 2024. Ce trimestre marque également le deuxième trimestre consécutif au cours duquel plus de 200 sociétés du S&P 500 ont cité l’« IA » lors de leurs conférences téléphoniques.
Au niveau sectoriel, c’est dans le secteur des technologies de l’information que l’on trouve le plus grand nombre (59) et le plus grand pourcentage (91 %) de sociétés ayant cité l’« IA » lors des conférences téléphoniques du deuxième trimestre.
Il est intéressant de noter que les entreprises du S&P 500 qui ont mentionné l’« IA » lors des conférences téléphoniques du deuxième trimestre ont enregistré une performance moyenne du cours de l’action inférieure depuis le début du troisième trimestre par rapport aux entreprises du S&P 500 qui n’ont pas mentionné l’« IA » lors des conférences téléphoniques du deuxième trimestre. Pour les sociétés du S&P 500 qui ont mentionné « AI » lors des conférences téléphoniques du deuxième trimestre, la variation moyenne du cours depuis le 30 juin est de 4,1 %. Pour les sociétés du S&P 500 qui n’ont pas cité « AI » lors des conférences téléphoniques du deuxième trimestre, la variation moyenne du prix depuis le 30 juin est de 6,1 %.
Toutefois, les sociétés du S&P 500 qui ont mentionné l’« IA » lors des conférences téléphoniques du deuxième trimestre ont enregistré une performance moyenne du cours de l’action plus élevée depuis le début de l’année que les sociétés du S&P 500 qui n’ont pas mentionné l’« IA » lors des conférences téléphoniques du deuxième trimestre.
Pour les sociétés du S&P 500 qui ont cité « AI » lors des conférences téléphoniques du deuxième trimestre, la variation moyenne du cours depuis le 31 décembre (2023) est de 12,2 %. Pour les sociétés du S&P 500 qui n’ont pas cité « AI » lors des conférences téléphoniques du deuxième trimestre, la variation moyenne du cours depuis le 31 décembre (2023) est de 8,6 %.
Quelles sont les questions pour le troisième trimestre 2024 ?
Il y aura bien évidemment plusieurs thèmes à observer lors de la publication des résultats des entreprises américaines, notamment :
- L’euphorie autour de l’intelligence artificielle perd-elle de la vigueur ?
- Les entreprises commencent-elle à ressentir une décélération de la croissance ?
- La politique est-elle un sujet de discussion (rappelons que les élections présidentielles américaines auront lieu durant le 4ème trimestre)
- La baisse des taux de la Fed est-elle (déjà) une bouée de sauvetage ?
Qu’en est-il de l’Europe ?
Si on parle beaucoup des États-Unis, c’est parce qu’il y a plus de données. En Europe, c’est plus compliqué. On peut cependant affirmer que la prochaine saison des résultats des entreprises en Europe est cruciale pour déterminer si l’optimisme récent concernant l’économie, qui a poussé les actions à la hausse, est justifié.
Les entreprises européennes sont confrontées à des risques considérables au cours des troisième et quatrième trimestres de 2024, car les prix actuels du marché supposent un atterrissage en douceur de l’économie. Bien que les tendances inflationnistes se soient améliorées et que la croissance mondiale ait ralenti sans atteindre des niveaux de récession, la hausse de 8 % du Stoxx 600 cette année suggère qu’une grande partie du scénario d’atterrissage en douceur est déjà prise en compte. Les perspectives de hausse semblent limitées, car la stagnation des prévisions de bénéfices par action, la stabilité des rendements obligataires et l’augmentation de la prime de risque des actions (ERP) empêcheront probablement des gains significatifs des actions sans un changement macroéconomique plus
favorable.
L’une des principales préoccupations est l’augmentation potentielle de la prime de risque des actions en raison de l’affaiblissement de la croissance mondiale, en particulier lorsque les effets retardés du resserrement monétaire aux États-Unis commencent à se matérialiser. Les analystes prévoient une baisse de près de 15 % de l’indice Stoxx 600 d’ici à la mi-2025, en raison de l’affaiblissement des bénéfices et
de l’augmentation de l’indice des prix à la consommation. Les secteurs cycliques, tels que l’industrie et la consommation discrétionnaire, pourraient subir une baisse supplémentaire de 7 % par rapport aux secteurs défensifs.
Dans des secteurs comme l’énergie et les matériaux, la chute des prix des matières premières combinée au ralentissement de la demande ajoute des risques supplémentaires, car les entreprises luttent pour maintenir leur rentabilité. La baisse des rendements obligataires réels due à l’assouplissement des banques centrales pourrait apporter un soulagement limité, mais l’équilibre entre la faible croissance et l’augmentation de l’ERP suggère que tout coup de pouce aux valorisations des actions sera compensé.
En fin de compte, avec l’inflation qui reste un facteur et l’essoufflement de la dynamique économique, en particulier sur des marchés clés comme les États-Unis et la Chine, les actions européennes pourraient connaître une plus grande volatilité et une pression à la baisse à mesure que l’année avance. Une attitude prudente à l’égard des bénéfices et des attentes du marché semble justifiée, à moins des
plans de relance de la Chine ne portent leurs fruits (très) rapidement…
Synthèse
La saison des résultats des entreprises américaines sera une nouvelle fois extrêmement importante. Rappelons que quoi qu’on en dise, les rendements des indices sont principalement liés aux bénéfices des entreprises au cours des quatre dernières années. Tout manquement par rapport aux attentes du consensus devrait être lourdement sanctionné.