Retour de Trump au pouvoir: un catalyseur pour l’inflation?
Gabriel Fortin|Publié le 30 juillet 2024Donald Trump (Photo: Getty Images)
EXPERT INVITÉ. L’élection présidentielle américaine n’est que dans quatre mois, mais déjà une tendance nette se dessine. Donald Trump est en bonne position pour assurer sa réélection à la tête de la première puissance mondiale.
En ce sens, le potentiel retour aux commandes du président à la chevelure blonde sème son lot de questionnements dans la sphère médiatico-économique. Au sommet des préoccupations trône le spectre de l’inflation où la réélection de Trump conduirait à un retour en force de la grande faucheuse du pouvoir d’achat.
Or, les inquiétudes à cet égard ont-elles raison d’être? Le retour au pouvoir de Donald Trump aurait-il un effet catalyseur sur l’inflation?
Ceux qui défendent cette idée s’appuient sur le programme électoral du parti républicain afin de soutenir leur argumentaire. Les principales mesures du programme de Trump, telles que la réduction des impôts pour les entreprises et les contribuables, l’augmentation des tarifs douaniers sur les importations, la relocalisation des entreprises manufacturières aux États-Unis, et l’arrêt des flux migratoires illégaux à la frontière sud, sont étiquetées comme ayant le potentiel de raviver l’inflation.
Bien que ces mesures, une fois mises en place, auront un effet certain — mais limité sur le niveau des prix aux États-Unis —, elles ne provoqueront pas nécessairement de l’inflation au sens strict du terme.
À titre d’exemple, la fin de l’immigration illégale à la frontière sud des États-Unis aurait le potentiel de faire augmenter le prix du travail tout comme celui des biens et des services des secteurs économiques profitant des bas salaires que commande cette force de travail bon marché. Toutefois, les répercussions sur les prix seraient limitées. Les salaires s’ajusteraient à la hausse, mais, toute chose étant égale par ailleurs, le niveau général des prix resterait inchangé.
En effet, une augmentation du coût de la main-d’œuvre et des biens et services associés obligerait les entreprises et les consommateurs américains à réduire leurs dépenses dans d’autres secteurs de l’économie entraînant ainsi des baisses de prix.
Pour qu’une mesure soit inflationniste, elle doit augmenter la masse monétaire, c’est-à-dire la quantité de dollars en circulation dans l’économie. Seule une augmentation de la quantité de dollars en circulation peut provoquer une hausse généralisée des prix, réduisant ainsi le pouvoir d’achat des masses populaires.
Or, force est d’admettre que peu importe qui l’emportera lors de l’élection du 5 novembre prochain, Trump ou Harris, l’inflation devrait se poursuivre. Les déficits budgétaires, véritable mesure inflationniste, sont appelés à se poursuivre puisqu’aucun des candidats ne s’est engagé à rétablir l’équilibre budgétaire.
En ce sens, Trump n’est pas une menace pire que Harris, car la situation budgétaire des États-Unis, qui a commencé à se détériorer au début des années 2000, n’a fait que s’aggraver que ce soit sous l’administration Trump ou Biden, dont Harris en est la vice-présidente. Actuellement, alors que l’économie tourne à plein régime, les déficits sont à un niveau comparable à celui observé après la grande crise financière de 2008 ou la Seconde Guerre mondiale.
Ce qui distingue réellement Trump de son opposante, et qui devrait susciter des inquiétudes, c’est sa potentielle volonté de s’immiscer dans les affaires de la banque centrale s’il était réélu. Tel que le rapportait le Wall Street Journal ce printemps, Trump souhaiterait que le président de la Réserve fédérale le consulte régulièrement sur la politique des taux d’intérêt et négocie ensuite avec le comité décisionnel afin d’orienter la politique en son nom.
Dans une récente interview avec Bloomberg Businessweek, Trump a discuté de l’avenir du président de la Fed s’il revenait au pouvoir, affirmant: «Je le laisserais terminer son mandat, surtout si je pensais qu’il faisait la bonne chose.» En d’autres termes, Trump pourrait chercher à remplacer Powell s’il se montrait insatisfait de son travail par rapport à ses attentes.
Malheureusement, politique monétaire et politiciens ne font pas bon ménage. Ces derniers ont un incitatif à ce que les taux d’intérêt soient toujours le plus bas possible dans le but de soutenir, par l’endettement et les déficits, la distribution de largesses fiscales via des programmes sociaux ou des subventions de toutes sortes. Après tout, s’il espère obtenir des votes, le politicien doit séduire l’électorat.
Dans ce contexte, l’indépendance d’une banque centrale par rapport au politique prend tout son sens. Une banque centrale sous influence politique serait moins rigoureuse dans le contrôle de l’inflation. À court terme, les politiciens aiment généralement mieux une expansion monétaire excessive pour financer des dépenses publiques ou stimuler la croissance économique qu’un strict contrôle de l’inflation.
D’ailleurs, les années soixante-dix, où Arthur Burns était à la tête de la Fed, exposent sans contredit les conséquences néfastes que peut entraîner la politisation d’une banque centrale. Sous une immense pression politique exercée par le président Nixon, qui cherchait alors à se faire réélire, Arthur Burns fut contraint, à l’approche de l’élection de 1972, de maintenir de bas taux d’intérêt.
L’expansion économique produite qui s’en suivit favorisa la réélection de Nixon. Cependant, la politique monétaire expansionniste mise en œuvre par Burns donna aussi naissance à une inflation galopante qui prit près d’une décennie à maîtriser.
Enfin, sur le plan des politiques, le retour de Trump au pouvoir n’entraînerait pas nécessairement une inflation plus élevée que si Harris remportait l’élection de novembre prochain. Tous deux proposent un éventail de politiques risquant de creuser les déficits budgétaires inflationnistes des États-Unis. Cependant, là où Trump pourrait poser problème, c’est s’il s’immisce directement dans la politique monétaire et les affaires de la banque centrale.