Le président élu Donald Trump (Photo: Getty Images)
EXPERT INVITÉ. La remarquable victoire de Donald Trump lors de l’élection présidentielle américaine de cette semaine s’accompagne d’une liste de propositions politiques aussi expansives que terrifiantes. Il veut expulser 11 millions d’immigrés sans papiers, mettre fin à la guerre en Ukraine en 24 heures et imposer des droits de douane sur toutes les importations de marchandises aux États-Unis.
Et comme les républicains sont susceptibles de contrôler les deux chambres du Congrès américain et que la Cour suprême est maintenant composée d’une majorité de membres nommés par la droite, M. Trump disposera de tous les outils nécessaires pour mettre en œuvre ces initiatives sans opposition.
C’est sans parler d’autres initiatives radicales telles que l’abrogation des mesures climatiques et l’augmentation de la production de pétrole.
Mais ira-t-il jusqu’au bout de ces mesures?
À ce stade, il est impossible de le savoir.
Élections américaines: notre couverture
Paroles, paroles, paroles
Donald Trump ne s’est jamais intéressé aux détails des politiques, ni même à leurs conséquences finales. C’est un showman qui aime les déclarations simplistes, mais grandioses qui font les manchettes et, surtout, qui attirent l’attention et le soutien des électeurs.
«Construire un mur», tel était son cri de ralliement en 2016, destiné aux électeurs en colère face à l’afflux de migrants à la frontière sud des États-Unis.
Le fait que seule une petite partie du mur ait été érigée au cours des années suivantes et qu’il n’ait pas vraiment changé la situation à la frontière avec le Mexique n’a jamais compté pour Trump.
Ce qui comptait, c’était le message.
De même, il a qualifié l’ALENA de «pire accord commercial jamais conclu» lors de la campagne de 2016.
Mais le nouvel accord négocié avec le Mexique et le Canada en 2020 — l’ACÉUM — n’était en fait qu’une version modernisée de l’accord initial.
Au cours de son premier mandat, M. Trump a imposé d’importants droits de douane sur les importations provenant de Chine, dont une large part a été maintenue et même augmentée par Joe Biden.
Néanmoins, les efforts de M. Trump pour instaurer des droits de douane sur les importations en provenance d’autres pays ont été moins fructueux.
Ses droits de douane de 25% sur l’acier canadien et de 10% sur l’aluminium canadien ont été annulés au bout d’un an, à la suite de négociations tendues et de mesures de représailles de la part du Canada.
Trump imposera-t-il vraiment des tarifs au Canada?
La même chose se produirait-elle aujourd’hui avec les droits de douane généralisés de 10 % proposés par M. Trump sur toutes les importations, y compris celles en provenance du Canada?
M. Trump ferait-il une grande annonce pour ensuite revoir ses ambitions à la baisse peu de temps après?
Il serait dangereux de supposer que l’histoire se répète, car les conditions du second mandat de Trump seront très différentes du premier.
Tout d’abord, il y a l’ampleur de sa victoire.
En 2016, Trump accédait au pouvoir de justesse, alors qu’Hillary Clinton remportait le vote populaire.
Mais mardi dernier, Donald Trump obtenait une victoire solide avec une majorité de 4,6 millions de voix sur Kamala Harris.
En 2016, Trump n’avait pas le contrôle total de l’appareil politique américain et du Congrès. De nombreux conseillers proches et membres du cabinet de Trump étaient certes conservateurs, mais guère radicaux, notamment le secrétaire d’État Rex Tillerson, l’ancien PDG d’ExxonMobil, et le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin, un ancien banquier.
Le premier mandat de M. Trump a également été marqué par des luttes de factions et une forte rotation du personnel, une instabilité qui a parfois plongé la Maison-Blanche dans le chaos.
Mais cette fois, Donald Trump adopte une approche plus disciplinée pour pourvoir les centaines de postes du gouvernement américain qui changent après chaque élection présidentielle.
Howard Lutnick, le dirigeant de Wall Street qui copréside son équipe de transition, a promis que toute personne nommée à l’un de ces postes devra «être du même côté» et sera choisie pour «sa fidélité et sa loyauté» à l’égard de M. Trump et de sa politique.
Et plutôt que d’anciens banquiers conservateurs, Trump se tourne pour ses conseils vers des personnalités comme le milliardaire Elon Musk ou l’activiste anti-vaccin Robert Kennedy Jr, deux hommes qui se délectent à critiquer les élites et ne sont pas susceptibles de prêter beaucoup d’attention aux experts à l’intérieur ou à l’extérieur du gouvernement.
Tout cela indique donc que Trump aura beaucoup plus de facilité à mener à bien ses politiques les plus radicales, y compris ses projets économiques.
Cependant, il ne faut pas oublier un autre aspect de la personnalité de Trump.
Capacité d’attention très courte
Il a une capacité d’attention très courte et passe rapidement à la question suivante. Il perd rapidement patience face à des questions complexes qui demandent du temps et des efforts pour être résolues.
«Il n’aime pas particulièrement le travail de gouvernance», selon Maggie Haberman, la correspondante du New York Times qui suit la carrière de M. Trump depuis des décennies. «Mais il aime le pouvoir et il aime être félicité.»
Ainsi, Trump va-t-il augmenter les droits de douane sur les importations chinoises, crier victoire et oublier les droits de douane sur le Canada et le Mexique s’il peut négocier quelques concessions de la part de ces partenaires commerciaux?
Ordonnera-t-il l’expulsion massive d’immigrants, pour abandonner le processus lorsqu’il s’avérera trop complexe?
Impossible à prédire.
En fin de compte, nous nous trouvons face à une période de grande incertitude où rien ne peut être tenu pour acquis.
Attachez vos tuques!