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Alan Freeman

Économie: d'une frontière à l'autre

Alan Freeman

Expert(e) invité(e)

Trump menace la stabilité financière avec la dette américaine

Alan Freeman|Mis à jour le 30 octobre 2024

Trump menace la stabilité financière avec la dette américaine

EXPERT INVITÉ. L’ex-président Donald Trump a été qualifié de menace pour les femmes, de menace pour le climat et même de menace pour la démocratie américaine.

On peut ajouter une autre menace à cette liste, une qui pourrait entraîner des répercussions majeures au-delà des États-Unis. S’il était élu, Donald Trump constituerait également une menace pour la stabilité financière du gouvernement américain.

Comme tous les politiciens, Trump et la candidate démocrate Kamala Harris font miroiter d’importants avantages fiscaux aux électeurs s’ils votent pour eux.

On a un scénario similaire ici: le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, qui s’attend à des élections anticipées, a promis un chèque de 200$ à chaque habitant de la province, même si cette dernière accuse un important déficit.

Au Québec, nous nous souvenons tous que le premier ministre François Legault et la CAQ ont versé des sommes encore plus importantes aux Québécois avant et après les dernières élections provinciales.

Mais aux États-Unis, ce type de comportement a atteint un tout autre niveau.

La dette et le déficit du gouvernement américain sont déjà hors de contrôle et Trump ne ferait qu’aggraver la situation.

Baisses des impôts tous azimuts

L’ex-président a promis d’éliminer les impôts fédéraux américains sur les pourboires, les heures supplémentaires et la sécurité sociale, l’équivalent du Régime des rentes du Québec et de la Pension de la vieillesse, au fédéral.

Il prolongerait également l’application des réductions d’impôt sur le revenu adoptées par le Congrès américain, en 2017, et qui devraient expirer après 2025.

Selon une analyse indépendante, ses promesses ajouteraient 7 500 milliards de dollars (G$) au déficit américain au cours des dix prochaines années.

C’est plus du double du coût estimé à 3 500G$ pour les promesses de M. Harris, qui inclue un crédit d’impôt étendu pour les enfants, une prime de 6 000$ pour les nouveau-nés et un crédit d’impôt de 25 000$ pour l’achat d’un premier logement.

Les projets de Kamala Harris seraient compensés par une augmentation de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt sur le revenu des ménages américains gagnant plus de 400 000$ par an.

Le seul plan de Trump pour augmenter les recettes est d’augmenter les droits de douane sur les importations, ce qui rapporterait 2,7G$ de dollars sur 10 ans.

Cette semaine, il a encore fait monter les enchères en déclarant qu’il souhaitait supprimer l’impôt fédéral sur le revenu des particuliers et le remplacer par des droits de douane.

Cette mesure réduirait de moitié les recettes fiscales annuelles du gouvernement américain.

Il a déjà eu des idées tout aussi farfelues par le passé, suggérant que la dette américaine pourrait être remboursée par des forages pétroliers ou par l’utilisation de cryptomonnaies.

Ce n’est pas comme si le Trésor américain baignait dans l’argent.

En réalité, il se trouve dans un trou financier très profond.

En 1969, un riche homme d’affaires s’est inquiété de l’augmentation de la dette nationale américaine et a érigé à New York une horloge géante indiquant le montant de la dette.

La dette multipliée par 13 en 50 ans

À l’époque, la dette totale s’élevait à 2 700G$, le chiffre étant éclairé par des ampoules électriques.

Au cours des 55 années qui se sont écoulées depuis, l’horloge est devenue électronique. À l’exception d’une brève période entre 2000 et 2002, la dette n’a cessé de croître, tant sous les présidents républicains que démocrates. La dette s’élève aujourd’hui à 35 800G$.

Plus alarmant encore, le très important ratio dette/PIB des États-Unis est passé de 34,7%, en 1980, à 122,28% aujourd’hui.

Je comprends que personne n’aime les impôts et les taxes, mais la culture politique américaine a évolué de telle sorte que chacun pense qu’il peut attendre toujours plus du gouvernement et obtenir tout cela gratuitement.

Ronald Reagan
Dans les années 1980, Ronald Reagan avait promis de réduire les impôts et la taille de l’État. (Photo: Dirck Halstead Getty Images)

Il est vrai que les Américains disposent d’un filet de sécurité sociale moins étendu qu’au Canada, où les impôts sont plus élevés.

Les garderies subventionnées, les frais universitaires subventionnés n’existent pas aux États-Unis.

Il n’y a pratiquement aucun congé de maternité ou de paternité.

Mais le gouvernement américain continue de dépenser des sommes faramineuses pour les soins de santé et les pensions des personnes âgées ainsi que pour la défense nationale. Lorsque la couverture des soins de santé s’est élargie sous la présidence de Barack Obama (2009-2017), les républicains ont protesté, mais n’ont jamais réussi à s’en débarrasser.

En fait, les réformes du système de santé d’Obama restent populaires.

Il est difficile de le croire, mais les républicains étaient autrefois le parti du conservatisme fiscal. Dans les années 1980, Ronald Reagan avait promis de réduire les impôts et la taille de l’État.

Il n’a jamais réussi à réduire la taille de l’État, mais il a baissé les impôts. Pour combler la différence, les déficits américains ont grimpé en flèche.

Les démocrates sont aussi contre les impôts

Les démocrates, inquiets d’être dépassés par les républicains, ont également décidé que les impôts étaient une mauvaise chose. Ils ne suggèrent jamais non plus que les Américains ordinaires devront payer davantage pour les services qu’ils reçoivent.

On aurait pu penser que les marchés financiers s’en soucieraient.

Mais comme le dollar américain est la monnaie de réserve mondiale, personne ne semble s’inquiéter. Lorsque Fitch’s a abaissé la cote de crédit du gouvernement américain l’année dernière, l’effet a été minime.

Pour sa part, le Canada jouit d’une meilleure cote de crédit que les États-Unis.

Mais si ce comportement irresponsable se poursuit et que les États-Unis se heurtent à un mur en matière de dette et de déficit, l’effet économique sera énorme.

Cela se traduirait par des taux d’intérêt plus élevés et un grand marasme économique. Le Canada en pâtirait également.

Pierre Poilievre
Le chef conservateur Pierre Poilievre parle déjà de réduire les impôts, sans aucun plan crédible pour réduire les dépenses. (Photo: Getty Images)

Un risque de contagion au Canada?

J’ai une autre inquiétude.

Si Trump gagne et qu’il réduit à nouveau les impôts et augmente considérablement le déficit, je crains que la même contagion ne s’étende au Canada.

Le chef conservateur Pierre Poilievre parle déjà de réduire les impôts, sans aucun plan crédible pour réduire les dépenses. Et il sera soumis à d’énormes pressions pour augmenter les dépenses de la défense nationale.

En cherchant l’inspiration au sud de la frontière, il y a de fortes chances que les conservateurs de Poilievre se tournent vers les républicains et Trump pour prendre conseil.

Il n’est donc pas impossible que le Canada s’engage dans la même voie, ce qui mènerait à une forte augmentation du déficit et de la dette.