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François Normand

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Analyse de la rédaction

Trump pourrait lancer une nouvelle guerre commerciale contre la Chine

François Normand|Publié le 28 juin 2024

Trump pourrait lancer une nouvelle guerre commerciale contre la Chine

Donald Trump a fait une entrée remarquée samedi dernier sur la scène du Bitcoin2024, à Nashville dans le Tennessee. (Photo: Getty Images)

ANALYSE GÉOPOLITIQUE. S’il est élu en novembre pour un deuxième mandat, Donald Trump pourrait lancer une nouvelle guerre commerciale contre Chine. Le Project 2025 ou la plateforme conservatrice de sa possible nouvelle présidence contient plusieurs mesures pour en finir avec «l’agression économique de la Chine communiste» et sa «quête de domination mondiale».

Contrairement à son élection surprise en 2016, Donald Trump est beaucoup mieux préparé et encadré pour diriger les États-Unis cette fois-ci.

L’Heritage Foundation, un groupe de réflexion conservateur de Washington, lui a préparé une plateforme substantielle de 920 pages pour transformer la société et l’économie américaine si l’ex-président républicain retourne à la Maison-Blanche.  

La présentation du Project 2025 par les trois principaux dirigeants de l’Heritage Foundation donne le ton du projet transformationnel qu’ils veulent déployer.

«Il ne suffit pas que les conservateurs remportent les élections. Si nous voulons sauver le pays de l’emprise de la gauche radicale, nous avons besoin à la fois d’un programme de gouvernement et de personnes compétentes en place, prêtes à mettre en œuvre ce programme dès le premier jour de la prochaine administration conservatrice», écrivent-ils.

Ce programme comprend entre autres un volet à propos du commerce international des États-Unis, The Case for Fair Trade. Or, il vise essentiellement la Chine et le parti communiste chinois (PCC) dans «sa quête de domination mondiale».

«Ce défi est enraciné dans l’agression économique continue du PCC, qui commence par des outils de politique commerciale mercantilistes et protectionnistes tels que les droits de douane, les barrières non tarifaires, le dumping, la contrefaçon et le piratage, ainsi que la manipulation monétaire», écrit l’économiste Peter Navarro, qui a servi durant la première administration Trump (2017-2021).

Des mesures drastiques contre la Chine

Pour aider les entreprises américaines et protéger les emplois aux États-Unis, le Project 2025 propose plusieurs mesures qui donnent des «options politiques» à une éventuelle nouvelle administration Trump.

Ces options incluent le découplage économique et financier avec la Chine, l’augmentation des tarifs sur tous les produits chinois importés, l’interdiction des investissements chinois dans les industries de haute technologie américaines, sans parler de la réduction de la dépendance des États-Unis aux chaînes d’approvisionnement chinoises.

Selon le document, les options suivantes sont «en cours de discussions ou de préparation»:

  • (Made in China) — Étendre stratégiquement les tarifs à tous les produits chinois et augmenter les taux à des niveaux qui bloqueront les produits «Made in China», tout en essayant de ne pas priver les États-Unis de produits essentiels comme les médicaments clés.
  • (Relocalisation) — Fournir des incitations financières et fiscales importantes aux entreprises américaines qui souhaitent relocaliser leur production de la Chine vers les États-Unis.
  • (Contrats publics) – Interdire aux entreprises d’État chinoises de soumissionner sur les contrats publics aux États-Unis, par exemple pour les systèmes de transport en commun aux quatre coins du pays.
  • (Investissements) — Interdire aux régimes de retraite américains d’investir dans des actions d’entreprises chinoises.
  • (Technologies) — Interdire tous les investissements chinois dans les industries de haute technologie aux États-Unis.
  • (Obligations) — Interdire l’inclusion des obligations souveraines chinoises dans les portefeuilles des investisseurs américains.
  • (Approvisionnement) — Réduire systématiquement et éliminer à terme la dépendance des États-Unis aux chaînes d’approvisionnement chinoises «qui pourraient être utilisées pour menacer la sécurité nationale», comme celles des médicaments, des semi-conducteurs en silicium, des terres rares, des cartes mères d’ordinateurs, des écrans plats, et des composants militaires.
  • (Surveillance) — Sanctionner toutes les entreprises, y compris les entreprises américaines comme Apple, qui facilitent l’utilisation par la Chine de ses capacités de surveillance et de censure du Great Firewall, un outil du gouvernement chinois qui sert à contrôler ce qui est publié sur internet dans le pays.
  • (Contrefaçon et piratage) – Renforcer et étendre «la répression» du Department of Homeland Security (DHS) pour contrer l’utilisation par le parti communiste chinois des vendeurs en ligne (y compris les vendeurs tiers) ainsi que des expéditeurs et opérateurs de grands entrepôts tels qu’Amazon, eBay et Alibaba «pour inonder les marchés américains de produits contrefaits et piratés».
  • (Étudiants chinois) — Réduire considérablement ou éliminer la délivrance de visas aux étudiants ou chercheurs chinois «pour prévenir l’espionnage et la collecte d’informations».
Xi Jinping
Si l’ex-président républicain, Donald Trump, est réélu en novembre et qu’il déploie des mesures protectionnistes, il faut s’attendre à une contre-attaque de la Chine, comme en 2018. (Photo: Getty Images)

Incidence potentielle pour nos entreprises

Si l’ex-président républicain est réélu en novembre et qu’il déploie ce type de mesures, il faut s’attendre à une contre-attaque de la Chine, comme elle l’a faite du reste quand l’administration Trump a lancé la première guerre commerciale, en 2018.

Même s’il ne faut pas exclure des dommages collatéraux pour l’économie canadienne, notamment en raison de l’imposition de tarifs douaniers, une nouvelle guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine peut aussi représenter des occasions d’affaires pour nos entreprises.

Par exemple, si Washington veut bloquer l’importation de produits chinois à haute valeur ajoutée, cela peut permettre à des entreprises d’ici œuvrant dans les mêmes secteurs de vendre leurs produits sur le marché américain.

C’est la même logique en ce qui concerne les contrats publics aux États-Unis: si les entreprises d’État chinoises sont exclues des projets de transport en commun, cela libère des parts de marché potentielles pour d’autres entreprises.

Le même raisonnement s’applique au secteur minier. Si les Américains veulent réduire leurs importations de terres rares (une famille de 17 minerais stratégiques) en provenance de la Chine, le Québec peut représenter une alternative à terme.

Actuellement, nous ne produisons pas de terres rares au Québec, selon le ministère des Ressources naturelles et des Forêts.

En revanche, deux projets sont sur la table, soit le projet Kwyjibo (SOQUEM), sur la Côte-Nord, au nord-est de Sept-Îles, et le projet Strange Lake/B-Zone (Métaux Torngat), dans le Nord-du-Québec, au nord-est de Shefferville, à la frontière du Québec et de Terre-Neuve-et-Labrador.

Comme en novembre 2016, la possible élection de Donald Trump cet automne provoquera à coup sûr des tensions économiques et politiques importantes entre les États-Unis et la Chine.

Les deux plus grandes économies et rivaux géopolitiques ne se feront donc pas de cadeaux.

Malgré les turbulences commerciales à prévoir, nos entreprises pourront néanmoins sans doute tirer leur épingle du jeu dans cet environnement d’affaire.

Si elles gèrent bien leurs risques et leurs occasions géopolitiques.

Consultez notre dossier Zoom sur la Maison-Blanche