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Expert(e) invité(e)

Viendra-t-on à bout de la spirale inflationniste?

Pierre Graff|Mis à jour le 10 juillet 2024

Viendra-t-on à bout de la spirale inflationniste?

Du côté des denrées, la situation semble sous contrôle après des années très compliquées. (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. L’inflation est repartie à la hausse en mai après plusieurs mois de baisse. Avec une augmentation de 2,9% au Canada entre mai 2023 et mai 2024, c’est un rebond à la suite des 2,7% d’avril.

Si l’on reste dans la fourchette de 2% à 3%, qui est la cible de la Banque centrale du Canada (BdC), c’est une mauvaise nouvelle.

Des coupables identifiables derrière le regain

Si les denrées ont souvent fait partie des coupables ces quatre dernières années, cette fois-ci, le regain est attribuable aux prix des services avec en tête une progression des tarifs sur la téléphonie cellulaire, les voyages organisés, le transport aérien et évidemment, les loyers.

Du côté des denrées, la situation semble sous contrôle après des années très compliquées: +1,5% par rapport à mai l’an passé contre +1,4% en avril. C’est donc une relativement bonne nouvelle pour les ménages qui souffrent encore de l’augmentation de plus de 22% depuis 2020.

La situation au Québec reste plus compliquée avec 3,1% d’inflation. On demeure au-dessus du Canada. Les loyers y sont pour beaucoup. On vient de passer sous le seuil de 7% d’augmentation. C’est bien, mais cela reste majeur!

Évidemment il est trop tôt pour parler des répercussions de la baisse du taux directeur de début juin. En revanche, il faudra surveiller les chiffres du mois prochain, car cela aura un effet sur la décision du taux directeur le 24 juillet prochain.

L’inflation fondamentale n’aide pas non plus

Pour rappel, l’inflation fondamentale est une mesure plus poussée de l’inflation qui exclut les éléments les plus volatils comme l’énergie et les aliments.

Cela contient trois mesures de l’indice des prix à la consommation (IPC): l’IPC-tronq (qui retire les prix en queue de la distribution de la variation des prix), l’IPC-méd (qui correspond à la variation de prix se situant au 50e centile de la distribution des variations de prix) et l’IPC-comm (qui extrait les mouvements communs des prix entre les catégories du panier de l’IPC).

L’inflation fondamentale demeure toutefois à 3% pour mai, ce qui démontre un mouvement assez uniforme des prix.

Ce n’est pas forcément une superbe nouvelle puisqu’elle baisse très lentement. Trop lentement. On peut donc s’attendre maintenant à une pause de la baisse du taux directeur en juillet.

La pression sur les ménages devrait aussi se poursuive. Ça n’aidera ni pour le moral des consommateurs, surtout dans une période de dépenses estivales, ni pour les entreprises dont beaucoup retardent leurs investissements. Et c’est notre croissance à court et moyen termes qui en fera les frais.

Les voyants au vert pour mécanismes favorisant l’inflation

L’inflation, tout comme les autres mécanismes économiques, repose sur l’équilibre de l’offre et de la demande.

On connait toutefois au moins cinq éléments dont le déséquilibre aura des conséquences sur l’inflation dans les semaines et les mois à venir: la main-d’œuvre, le huard, les importations, le logement et les politiques gouvernementales.

Avec toujours près de 150 000 emplois non comblés, on peut s’attendre à une pression à la hausse sur les salaires et donc une marge de manœuvre réduite pour les employeurs.

De plus, les annonces de la baisse du taux directeur par la BdC début juin et du maintien du taux de la Réserve fédérale américaine maintiennent le huard relativement bas. Les entreprises doivent ainsi jongler avec un taux de change défavorable, notamment avec nos voisins américains d’où proviennent un tiers de nos importations, ce qui en augmente le coût. De plus, on sait que la balance du Québec est habituellement en léger déficit, ce qui nous handicape encore plus que les autres provinces.

Aussi, le logement reste une variable dont l’influence sur l’inflation demeure constante en raison du déficit d’offre sur le marché et un rythme de mises en chantier sous-optimal par rapport aux besoins à l’horizon 2030 (350 000 mises en chantiers projetées contre 1 million nécessaires).

Enfin, les politiques de dépenses du Gouvernement du Québec et du Gouvernement du Canada ajoutent à cette pression inflationniste avec de larges déficits pour financer différents programmes.

Bref, nous ne sommes pas sortis du bois et il est peu probable que la situation évolue positivement sans un sérieux coup de barre des paliers gouvernementaux pour sortir de cette spirale.