Économiser 1342$ par mois et ne pas pouvoir acheter une propriété, est-ce possible? (Photo: 123RF)
IL ÉTAIT UNE FOIS… VOS FINANCES, la rubrique où ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’argent… ou presque!
Économiser près de 1350$ par mois et ne pas être en mesure d’acheter une propriété, est-ce possible?
C’est du moins ce que croient les répondants au 30e sondage annuel de la Banque Royale du Canada (RBC) sur l’accès à la propriété.
Les Québécois interrogés pour le sondage qui mettent de l’argent de côté pour potentiellement acheter une première propriété disent consacrer 1342$ par mois en moyenne pour tenter d’atteindre cet objectif. Et, malgré cela, ils pensent qu’ils auront besoin d’aide. Ils affirment qu’il leur manquerait 34 777$ pour avoir suffisamment d’argent pour la mise de fonds nécessaire et ainsi mettre la main sur la propriété convoitée.
La somme saute tout de suite aux yeux. Selon le calculateur de salaire net de HelloSafe, 1342$ est le salaire net, chaque deux semaines, d’une personne qui gagne 47 400$ par année brut.
C’est donc dire que cette personne devrait sacrifier l’une de ses deux paies chaque mois, et qu’elle n’aurait toujours pas suffisamment d’argent pour s’acheter la propriété voulue. Et tenter de joindre les deux bouts avec l’autre.
Hausses de prix
Pour Pascal Berger, premier conseiller en prêts hypothécaires à la RBC, l’état d’esprit des acheteurs potentiels, qui semblent voir la mise de fonds comme un obstacle majeur à leur rêve d’accession à la propriété, est le reflet du marché immobilier des dernières années.
«Ce qu’on constate, c’est que le prix des maisons a beaucoup augmenté au cours des dernières années, rappelle-t-il. Ça a grimpé plus rapidement que la capacité d’emprunt au Québec, surtout pour les propriétés d’entrée de gamme.»
Il remarque qu’il n’y a pas réellement de propriétés de 300 000$ ou moins dans la grande région montréalaise. Même pour un prix 400 000$, c’est assez difficile à trouver.
«Même si les premiers acheteurs réussissent à économiser un 30 000$ ou 40 000$ pour l’achat d’une maison, bien souvent ce ne sera pas suffisant pour accéder à une maison sans devoir s’expatrier plus loin en région et d’avoir un temps de transport plus long vers le travail», laisse-t-il tomber.
Choix à faire
La somme de 1342$ frappe l’imaginaire de Pascal Berger parce que la situation actuelle des familles risque de ne pas leur permettre de mettre de côté un tel montant chaque mois.
«Ça démontre quand même l’espèce d’état d’esprit dans lequel les acheteurs sont, avoue-t-il. J’en ai une maison et s’il fallait que je mette ce montant-là par mois de côté, je ne sais pas comment je pourrais arriver. Des gens qui sont capables de mettre ce montant-là de côté, je leur lève mon chapeau, parce qu’avec l’inflation, c’est extrêmement difficile de faire ça.»
Évidemment, souligne-t-il, une personne qui économise près de 1350$ par mois doit faire des choix. Rendu à ce point-là, il faut prioriser certaines dépenses et en éviter plusieurs autres. Première chose qui passe à la trappe: les loisirs.
«Donc, on va moins souvent au cinéma, on ne s’achète plus de bateau, de moto, de motoneige, des choses comme ça, indique Pascal Berger. Les gens établissent des priorités.»
Coup de pouce aux Tanguy
Autre tendance que remarque le conseiller en prêts hypothécaires, c’est celle des «Tanguy». Les premiers acheteurs restent beaucoup plus longtemps chez leurs parents dans l’espoir que cela leur permettre d’économiser pour accéder plus rapidement à la propriété. Parce qu’il n’y a pas seulement le prix des propriétés qui a grimpé. Celui des loyers aussi.
«Même s’ils ont un emploi à temps plein, observe-t-il. Depuis une année ou deux, on voit beaucoup de premiers acheteurs dans les dossiers de préapprobation qui ne sont pas locataires. Ils demeurent chez leurs parents, qui ne leur chargent seulement qu’une pension de base. Ça leur permet d’en mettre plus de côté. C’est la façon pour les parents de les aider.»
Sources de financement
Comme les 1342$ économisés mensuellement ne sont toujours pas suffisants aux yeux des répondants au sondage de la RBC, il faudra trouver le reste ailleurs.
Mis à part de devenir Tanguy à temps plein, l’aide familiale risque d’être mince. Selon le sondage, 26% des répondants ne fourniraient pas une aide financière à un membre de leur famille immédiate ou à leur enfant pour l’aider à acheter une maison, et 42% voudraient le faire, mais ne peuvent pas se le permettre.
Les premiers acheteurs québécois estiment donc qu’ils devront se tourner vers un deuxième emploi (47%) ou l’héritage (28%) afin de pouvoir s’offrir un domicile à eux.
«On voit quand même beaucoup plus qu’avant des dossiers où les gens ont deux emplois, indique Pascal Berger. Donc, ils en ont un à temps plein, mais vont aussi être, à temps partiel, serveur, livreur Uber ou des choses comme ça pour aller chercher des revenus supplémentaires pour être en mesure d’y arriver.»