2 ou 3 choses étonnantes sur le magasinage de Noël 2020
Olivier Schmouker|Publié le 23 novembre 2020Mine de rien, un Noël qui va réserver bien des surprises... (Photo: Kira auf der Heide pour Unsplash)
CHRONIQUE. Depuis le début de la pandémie du nouveau coronavirus, on entend ici et là que le commerce en ligne a connu un véritable boom. Que seules les entreprises en mesure de faire des ventes en ligne auront une chance de survivre. Et qu’à cet égard la période des Fêtes sera déterminante pour l’avenir des commerces, plus qu’incertain pour nombre d’entre eux.
OK. Mais voilà, tout cela est-il rigoureusement exact? L’avenir n’appartient-il vraiment qu’aux commerces en ligne, Amazon en tête? Hum… difficile à dire, n’est-ce pas? Toutefois, quelques signaux faibles – souvent annonciateurs des tendances de demain matin – laissent croire qu’il convient de ne pas être si affirmatif que ça. J’en veux pour preuve deux ou trois de ces signaux faibles survenus à l’approche du magasinage de Noël…
1. Les deux tiers des consommateurs iront en magasin
Au Canada, 2 consommateurs sur 3 (68%) disent qu’ils entendent faire l’essentiel de leurs achats de Noël en magasin, selon un sondage du cabinet-conseil Accenture. Cela étant, deux conditions seront primordiales pour les voir entrer dans un magasin:
– Sécurité sanitaire. 71% d’entre eux disent qu’un produit désinfectant doit se trouver à l’entrée de la boutique, tout comme l’obligation pour tous de porter un masque. À noter l’importance du terme «pour tous»: n’avez-vous pas noté, comme moi, le nombre de fois où le commerçant remet rapidement son masque qui pendouillait son sous menton à l’instant précis où nous entrons dans sa boutique, signe que cela faisait un bon bout de temps qu’il respirait dans cet espace clos sans aucune protection?
– Distanciation sociale. 67% d’entre eux considèrent d’un bon oeil la limitation du nombre de personnes autorisées à pénétrer dans la boutique en même temps. Comme quoi, une stricte distanciation sociale est un critère déterminant pour avoir des clients chez soi.
Par ailleurs, les commerçants ne doivent pas trop miser sur le lendemain de Noël pour décupler leurs ventes en magasin. En effet, 58% des Canadiens disent que cela ne les tente vraiment pas cette année de se ruer en magasin dans l’optique de bénéficier de rabais monstres; ils ne se sentiraient pas en sécurité au beau milieu de la foule. À cela s’ajoute le fait que 25% des Canadiens trouvent que, de toute façon, le lendemain de Noël n’est plus vraiment une journée intéressante pour le magasinage.
Autre bémol: récession économique oblige, les Canadiens prévoient dépenser nettement moins qu’auparavant pour les Fêtes. Leur budget a fondu de 30%, passant de 721 dollars en 2019 à 516 dollars cette année. Fort heureusement, il semble qu’il y aie un certain espoir concernant une catégorie de consommateurs, et non des moindres: les couples avec enfant(s) prévoient dépenser en moyenne 701 dollars.
Certains commerces tireront-ils plus aisément leur épingle du jeu que les autres? Il semble que de nouvelles tendances d’achat devraient s’exprimer lors des Fêtes, ce qui devrait se révéler bénéfique pour les commerces les plus concernés:
– Local. 57% des Canadiens vont veiller à effectuer l’achat de produits locaux durant les Fêtes.
– Soutien. 54% disent qu’ils iront en premier dans des magasins qui en arrachent depuis le début de la pandémie. Rien que pour les soutenir, pour les aider à passer à travers. À noter qu’ils disent avoir en ce sens un faible pour les commerces qui ont tout fait pour maintenir à l’emploi leur personnel.
– Conscience. 51% disent qu’ils entendent acheter des produits «écologiques», «durables» et/ou «éthiques». Et 28%, qu’ils se renseigneront sur la distance parcourue par le produit avant d’arriver en magasin, histoire de ne se procurer que ceux qui ont effectué une courte distance, et auront donc moindrement endommagé la planète. Dans le même ordre d’idée, la moitié (45%) ont l’intention de renoncer à l’emballage des cadeaux cette année pour éviter le gaspillage de papier.
«Il est clair que les Canadiens veulent malgré tout célébrer, et bien entendu acheter des cadeaux de Noël. Les commerçants peuvent donc toujours s’attendre à un trafic significatif en magasin, mais pourvu qu’ils réunissent les conditions gagnantes: mesures sanitaires adéquates, produits adaptés aux nouvelles tendances, etc.», résume Robin Sahota, directeur général, secteur du commerce de détail, d’Accenture Canada.
Un signe semble corroborer tout cela : le 27 novembre, Gosselin va ouvrir son tout premier magasin au centre-ville de Montréal, dans les anciens locaux de MusiquePlus. Les passionnés de photo et de vidéo pourront y trouver quelque 10.000 produits neufs et usagés ainsi qu’une salle de formation, un service de location d’équipement et un espace dédié aux services d’impression photo. Cette ouverture de magasin représente un investissement de 2 millions de dollars; il s’agira de la 5e boutique Gosselin, après celles de Québec, Trois-Rivières, Laval et Brossard.
Comme quoi, il y a bel et bien des commerçants qui misent plus que jamais sur les ventes en magasin…
2. Refroidis par leurs mauvaises expériences d’achat en ligne
Nombre de Canadiens ont goûté au magasinage en ligne depuis le début de la pandémie, certains-même pour la première fois de leur vie. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que la satisfaction n’a pas été souvent au rendez-vous:
– 62% se disent frustrés par les frais d’expédition «élevés».
– 52%, par les retards de livraison.
Résultat? Les deux tiers (63%) des Canadiens disent que leur mauvaise expérience d’achat en ligne – frais d’expédition élevés et/ou retard de livraison – les a dissuadé de faire d’autre achat auprès du commerçant concerné, et qu’ils ne changeront certainement pas d’attitude à l’occasion des Fêtes. Autrement dit, ces commerçants-là – qui sont peut-être allés trop vite pour se lancer dans la vente en ligne – n’ont gagné, en bout de ligne, qu’une «infidélité durable». Ce qui est, on s’entend, gravissime pour leur avenir.
«En mars, au début de la pandémie, de nombreux commerçants se sont empressés de mettre en place des plateformes de vente en ligne, dit M. Sahota. Ceux qui ont confondu vitesse et précipitation s’en mordent aujourd’hui les doigts. Toutefois, ils ont encore une chance de changer la donne, notamment en prenant soin de communiquer de manière transparente sur l’état des stocks et sur les coûts réels de livraison. La période des Fêtes sera donc un véritable test pour eux, une occasion peut-être unique d’apporter la preuve qu’ils sont capables d’offrir une expérience de magasinage en ligne à la fois sécuritaire et fluide, qui sera mémorable pour les bonnes raisons.»
Un point auquel est particulièrement attaché Ikea Canada, dont les ventes en ligne ont été boostées en un an de 42%, à 371 millions de dollars. C’est que, COVID-19 oblige, le détaillant de mobilier et d’objets de décoration a réalisé combien les gens étaient prêts à magasiner et à acheter en ligne si jamais l’expérience vécue sur le web était plaisante.
D’où son idée de poursuivre sa transformation numérique, en offrant de tout nouveaux services. Par exemple, Ikea Canada s’apprête à lancer l’application Shop & Go, qui permettra de magasiner et d’acheter en ligne n’importe quel produit Ikea sur son cellulaire, avec l’option de ramasser soi-même ses achats au moment que l’on souhaite, en bordure de magasin (et donc, sans avoir à subir l’aspect négatif de toute entrée actuelle en magasin, soit l’obligation d’enfiler son masque, de se désinfecter les mains, d’effectuer des trajets interminables, de faire la file, etc.)
L’idée, dans tout ça, c’est de «rendre l’entreprise plus rapide, plus agile, prête, en fait, à répondre aux nouveaux rêves et aux besoins émergents de nos clients», dit Michael Ward, PDG et directeur du développement durable, d’Ikea Canada.
Voilà. Les Fêtes, c’est demain matin. Tout va se jouer là, en l’espace d’un clin d’oeil. Nos chers commerçants sauront-ils en tirer profit, ou pas? À suivre, de toute évidence…
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Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l’actualité économique à la lumière des grands penseurs d’hier et d’aujourd’hui, quitte à renverser quelques idées reçues.
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